Accident du Guimbal Cabri G2, immatriculé F-HOLA, le 12/03/2015 à Saint-Jean-de-Vaulx
Perte de contrôle en lacet lors d'un posé-décollé, atterrissage dur, en instruction
1 - DÉROULEMENT DU VOL
L’instructeur et l’élève décollent de l’aérodrome de Grenoble Le Versoud (38) à 10 h 00 pour effectuer des exercices de maniabilité. A l’issue de ces exercices, ils se dirigent vers un col situé à une altitude de 5 400 ft sur le plateau de la Matheysine. L’instructeur prend les commandes et effectue une reconnaissance de la zone pour déterminer le sens du vent, calculer les performances et s’assurer que la zone est dégagée. Il constate un vent faible dont la direction n’est pas formellement établie. Il effectue une première approche orientée au sud-ouest jusqu’à la mise en stationnaire dans l’effet de sol avec mise en contact d’un des patins sur la neige. Il redécolle, sort du col, fait un demi-tour et se représente pour le même exercice selon l’axe inverse (nord-est). Alors qu’il quitte le stationnaire, l’hélicoptère part soudainement en rotation en lacet à gauche. L’instructeur ne parvient pas à contrer le mouvement en lacet aux palonniers. Il tire sur la commande de pas collectif et augmente la puissance(1) pour se dégager du sol. L’hélicoptère monte en faisant cinq à six tours sur l’axe de lacet. L’instructeur baisse la commande de pas collectif, réduit la puissance et atterrit durement dans la neige. Il arrête le moteur.
2 - RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES
2.1 Examen du site et de l’épave
Le site de l’accident se situe dans un col à une altitude d’environ 5 400 ft, dans un champ enneigé en légère pente, entre trois mamelons situés au nord et au sud. La couche neigeuse se compose d’une sous-couche de neige glacée sur environ vingt centimètres et d’une couche de dix à quinze centimètres de neige tassée en surface. Les patins sont profondément enfoncés dans la neige glacée. En surface, aucune trace de glissement des patins n’est visible.
La fixation de la cellule sur l’arceau arrière du train d’atterrissage est rompue et la cellule a subi une rotation d’environ 15° sur la gauche. Toutes les commandes de vol sont continues et aucun point dur n’a été détecté.
La veine du fenestron comporte des traces de frottement des pales du rotor anti-couple (RAC) qui indiquent que le moteur délivrait de la puissance. La poutre de queue est partiellement rompue à son extrémité, à la jonction du RAC. L’arbre de transmission arrière est rompu au niveau du tube de liaison de la veine et de boîte de transmission arrière. Il ne présente pas d’endommagement hormis dans la zone de rupture. Les examens indiquent une rupture brutale par surcharge sous des efforts combinés de flexion et torsion, consécutive à l’atterrissage dur.
2.2 Conditions météorologiques
Le dossier de vol(2) constitué par l’instructeur avant le vol montre que le vent dans la région était faible et de secteur ouest jusqu’au FL050 et de 15 kt de secteur nord nord-est au FL100 ainsi qu’une zone de turbulences modérées à partir du FL050 dans la région grenobloise. L’analyse météorologique précise en outre que l’inversion de température à 5 500 ft est génératrice de turbulences.
2.3 Expérience de l’instructeur
L’instructeur est titulaire d’une licence de pilote professionnel hélicoptère CPL(H) de 1999, il a obtenu la qualification FI(H) en décembre 2014. Il totalisait 3 800 heures de vol, dont 68 heures sur type et 35 en instruction.
2.4 Expérience de l’élève
L’élève avait débuté sa formation en septembre 2014, il totalisait 14 heures de vol toutes en double commande sur l’hélicoptère F-HOLA.
2.5 Témoignage de l’instructeur
L’instructeur indique que, lors du passage de reconnaissance de la zone, il avait calculé une puissance nécessaire au stationnaire dans l’effet de sol (DES) de 92 %.
Au cours des manoeuvres et des deux approches, il n’a pas détecté d’anomalie ou ressenti de choc pouvant indiquer un toucher de la queue avec le sol.
Alors qu’il avait agi sur la commande de pas collectif pour quitter le stationnaire, l’hélicoptère est parti soudainement en lacet à gauche. Il estime qu’il se situait alors à environ deux mètres de hauteur et à une vitesse d’environ 10 kt. Il a appuyé « à fond » sur le palonnier droit pour contrer ce mouvement, tiré sur la commande de pas collectif et tourné la poignée de commande de puissance. Il indique que l’action sur les palonniers lui a semblé inefficace. Il a voulu reprendre de la hauteur afin d’avoir une marge de sécurité par rapport au sol et au devers qu’il avait détecté lors de l’approche. Il lui a semblé que l’alarme(3) « LOW NR »(2) s’est déclenchée à ce moment-là et a sonné jusqu’à l’impact. Alors que l’hélicoptère était à une hauteur d’environ quinze mètres, il a abaissé la commande de pas collectif pour descendre et a réduit la puissance afin de diminuer la rotation en lacet. Au moment du contact avec le sol, la rotation en lacet était assez faible.
2.6 Témoignage de l’élève
L’élève indique que lors de la première approche, après la mise en stationnaire, l’instructeur lui a passé la commande de pas collectif pour effectuer un toucher d’un des patins dans la neige puis a repris les commandes. A l’issue du décollage, une fois l’hélicoptère sorti du col, l’instructeur lui a passé les commandes pour faire le demi-tour. Puis, l’instructeur a repris les commandes pour la deuxième approche. Il a effectué un toucher de patins dans la neige avec l’hélicoptère en stationnaire et « bien à plat ». Lors de l’augmentation du pas collectif pour remonter, vers un à un mètre et demi, l’hélicoptère est parti en rotation à gauche et une alarme sonore s’est déclenchée. L’hélicoptère a effectué cinq à sept rotations avant que l’instructeur atterrisse durement dans la neige.
2.7 Performances de vol
L’hélicoptère était dans les limites de masse(4) et de centrage définies par le constructeur.
Selon le manuel de vol, le plafond de maintien du stationnaire est de 5 400 ft hors effet de sol (HES) et 6 600 ft dans l’effet de sol (DES).
A 5 400 ft, avec une température de + 5 °C, la puissance nécessaire au stationnaire (DES) est de l’ordre de 90 à 95 % sans vent.
Le maintien du stationnaire par vent arrière nécessite plus de puissance en raison de l’inclinaison du disque rotor.
3 - ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION
Le départ en rotation en lacet à gauche de l’hélicoptère est survenu lors de la sortie du stationnaire alors que l’instructeur agissait sur la commande de pas collectif. Il a été immédiatement suivi de l’alarme « LOW NR », indiquant une diminution du nombre de tours rotor.
Etant donné la topographie du site et le régime de vent en provenance d’ouest, il est probable que la première approche se soit faite sensiblement face au vent et que la deuxième approche se soit faite avec une composante de vent arrière. La puissance nécessaire au maintien du stationnaire par vent arrière est plus importante.
L’instructeur en tirant sur la commande de pas collectif pour se dégager du sol a entraîné une augmentation du couple généré par le rotor principal et accentué le mouvement de lacet à gauche.
Lorsque l’instructeur a décidé d’atterrir, les actions de diminution du pas collectif et de la puissance ont contribué à augmenter l’efficacité du RAC et diminuer la rotation en lacet à gauche tel que ressenti par l’instructeur juste avant l’impact au sol.
La perte de contrôle en lacet est probablement due à une perte de tours rotor lors du stationnaire par vent arrière dans une aérologie turbulente alors que l’hélicoptère était proche des limites de performance.
Les actions entreprises par l’instructeur n’ont pas permis d’arrêter cette rotation et ont pu pour certaines contribuer à entretenir le mouvement de rotation sur l’axe de lacet.
(1)Si le système de régulation automatique du régime du moteur (governor) est activé, l’action sur la poignée est sans effet.
(2)Le dossier de vol comprenait : la carte TEMSI de 09 UTC, la carte des vents, le bilan de masse et centrage.
(3)NR : régime du rotor principal. Régime nominal 530 tr/min, déclenchement de l’alarme « LOW NR » à 466 tr/min (88 %).
(4)Masse calculée : 640 kg.