Accident to a Airbus Helicopters EC120 registered F-GMHZ on 07/25/2014 at Avignon Caumont (84)
Arrêt du moteur au cours d’une remise en puissance lors d’un exercice d’autorotation, en instruction
1 - DÉROULEMENT DU VOL
L’élève, accompagné de son instructeur, décolle de l’aérodrome d’Avignon Caumont vers 9 heures, pour le dernier vol d’entraînement avant l’examen final pour l’obtention de la licence de pilote privé hélicoptère. Après avoir effectué plusieurs exercices, il revient dans le circuit d’aérodrome d’Avignon Caumont vers 10 heures. L’instructeur lui demande d’effectuer un nouvel exercice d’autorotation en se présentant en début de branche vent arrière à une hauteur de 1 100 ft et 65 kt. L’élève se positionne en branche vent arrière pour la piste 17 à une hauteur d’environ 1 300 ft. Alors que l’hélicoptère passe le travers du seuil de la piste, l’instructeur annonce le début de l’exercice et positionne la poignée tournante sur le cran « ralenti vol ». Il note que la mise en virage est tardive, mais que la gestion de la vitesse et du régime rotor est satisfaisante. Il laisse l’élève poursuivre l’exercice. En finale, à l’issue du 180°, l’élève annonce qu’il n’atteindra pas le seuil de piste. L’instructeur remet la poignée tournante sur le cran « vol », l’à-coup en lacet et la montée de l’indicateur au FLI(1) semblent indiquer une reprise du moteur. L’alarme « LOW NR »(2) se déclenche et le voyant « ENG P »(3) s’allume. L’instructeur identifie la panne réelle du moteur et reprend les commandes. Il agit sur les commandes de vol pour franchir la haie qui se situe sur la trajectoire et tente de réaliser un posé-glissé en amont du seuil décalé de piste. L’hélicoptère heurte durement le sol, le rotor principal sectionne la poutre de queue, l’hélicoptère glisse et s’immobilise au début de la piste.
3 - ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION
3.1 La défaillance du moteur
Lors de la phase d’accélération du cran « ralenti vol » vers le cran « vol », le débit carburant augmente très vite. Afin d’éviter une survitesse de la turbine, la régulation automatique réduit le débit carburant avant de l’augmenter progressivement. Une action sur la commande de pas général entraîne également une augmentation du débit carburant. La vitesse de diminution de débit par la régulation automatique est proportionnelle à la rapidité d’augmentation du débit carburant, ce qui peut dans certains cas conduire à se retrouver dans les conditions identiques au test de la fonction « anti-extinction ».
L’injecteur privilégié étant colmaté par un bouchon de coke, l’extinction du moteur était alors possible dans le cas d’une augmentation rapide de la puissance moteur.
Le phénomène de cokéfaction est connu et la périodicité de remplacement des injecteurs permet normalement de se prémunir contre ce phénomène. L’injecteur privilégié étant le plus sollicité lors du fonctionnement du moteur, c’est le plus sensible au colmatage. L’origine du colmatage prématuré de l’injecteur privilégie n’a pas pu être déterminée.
Il est probable que le colmatage de l’injecteur privilégié ait contribué au résultat « hors tolérance » enregistré par le VEMD lors du test CSM, réalisé après la visite « 100 heures » du moteur dix jours avant l’accident.
3.2 Analyse des tests CSM
Le test est réalisé en cours de vol par le pilote. Le résultat du test est directement consultable par le pilote et enregistré dans le VEMD. Il est également consultable au sol par le mécanicien dans les pages de maintenance du VEMD.
Bien que les résultats des deux derniers tests aient été portés à la connaissance de l’atelier de maintenance (inscription sur le CRM ou transmission par email), l’opérateur de maintenance n’a pas détecté l’anomalie et n’a pas déclenché la recherche de panne exigée par le manuel de maintenance. Il est probable que l’erreur d’interprétation du résultat du test CSM résulte d’une méconnaissance du standard du VEMD équipant l’hélicoptère.
Le diagnostic correct du test CSM aurait permis :
- de déclencher les actions de maintenance appropriées ;
- de procéder si nécessaire au remplacement de l’injecteur privilégié ;
- de ne pas autoriser de vol un hélicoptère présentant une panne latente sur le moteur.
En l’absence de référence chronologique, il n’a pas été possible de dater les six premiers tests CSM. Les résultats « hors tolérance » constatés pourraient être antérieurs au remplacement des demi-rampes d’injection et de l’injecteur privilégié. Ils pourraient indiquer la présence d’une autre panne.
3.3 Analyse de l’exercice d’autorotation
La décision de l’instructeur de laisser l’élève poursuivre l’exercice alors que la trajectoire ne permettait plus de réaliser un atterrissage en sécurité et de remettre les gaz en finale montre que l’instructeur n’a pas pris en compte l’éventualité d’une panne réelle.
Lors de la remise de gaz en finale, la proximité des obstacles a probablement conduit l’instructeur à agir sur la commande de puissance plus rapidement que lors des exercices précédents. Cette action a eu pour effet d’entraîner l’arrêt du moteur du fait de l’état de l’injecteur privilégié.
L’indication initiale au FLI et l’à-coup en lacet lors de la remise en puissance ont contribué à donner à l’instructeur une représentation erronée de la situation. La détection de la panne réelle n’a eu lieu que lors de l’apparition des alarmes sonores et visuelles.
L’interruption de l’exercice d’autorotation par l’instructeur dès la détection de l’écart de trajectoire aurait probablement permis d’éviter l’accident. Dans le cas où une panne serait survenue lors de la remise en puissance, l’instructeur aurait disposé de plus de marge de manoeuvre et de temps pour la gérer.
3.4 Conclusion
L’accident est dû à la décision de l’instructeur de retarder la remise en puissance du moteur alors qu’il avait détecté que la trajectoire ne permettait plus de poursuivre l’exercice jusqu’à l’atterrissage, ce qui l’a placé dans une situation où il ne pouvait plus assurer la sécurité du vol en cas de panne réelle.
Ont contribué à l’accident :
- l’arrêt du moteur non détecté immédiatement par l’instructeur lors de la remise en puissance à faible hauteur à l’issue d’un exercice d’autorotation ;
- l’interprétation erronée par l’atelier de maintenance des données issues du test CSM ayant conduit à autoriser de vol un hélicoptère présentant une panne latente ;
- l’apparition prématurée et non expliquée du phénomène de cokéfaction ayant conduit au colmatage de l’injecteur privilégié.
(1)FLI: Indicateur de première limitation (mode d’affichage des paramètres moteur).
(2)LOW NR: Alarme de bas régime rotor.
(3)ENG P: Alarme de baisse de pression d’huile du moteur.