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Accident to a Janus B registered F-CFAO and Piper PA25 registered F-GHSQ on 07/06/2015 at Buno-Bonnevaux (91)

Déstabilisation de l’attelage « avion remorqueur / planeur » au cours du décollage, cisaillement du câble par le pilote du remorqueur, atterrissage en campagne du planeur

Responsible entity

France - BEA

Investigation progression Closed
Progress: 100%

1 - DÉROULEMENT DU VOL

Le pilote du planeur réalise son second vol d’initiation(1) de la journée. Il est assis en place arrière, son passager est installé à l’avant. La piste 28 est en service et le décollage est accompli en vol remorqué.

Alors que le planeur se trouve à une dizaine de mètres du sol, le pilote du planeur entend un message radio qu’il ne comprend pas. Quelques secondes plus tard, il reçoit un second message radio, lui demandant de rentrer les aérofreins.

Alors qu’il actionne la commande des aérofreins, il constate que le câble de remorquage a été cisaillé. Il estime qu’il se trouve à environ 40 mètres de hauteur. Il atterrit dans un champ, dans l’axe de la piste.

Lors du roulement à l’atterrissage, l’aile gauche du planeur heurte un enrouleur d’irrigation.

2 - RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES

Les conditions météorologiques étaient favorables à la pratique du vol à voile, le vent était de secteur sud à sud sud-ouest, pour 2 à 3 noeuds.

La longueur utilisable de la piste 28 est de 790 mètres.

2.1 Particularités du Janus B

Le Janus B est un planeur biplace en tandem, les tringleries des commandes de vol sont communes aux deux postes de pilotage. La commande de position des volets de courbure dispose de crans de verrouillage, situés uniquement en poste avant et que le pilote en place arrière ne peut pas voir.

Le manuel de vol ne précise pas quel siège doit occuper le pilote. Ce document préconise de positionner la commande des volets de courbure sur - 4° pour le décollage puis, lorsque la vitesse de roulement est assez importante, de passer les volets sur + 8° afin d’optimiser le profil de l’aile du planeur par rapport au vent relatif.

Le Nota du chapitre « VOL » de ce manuel précise que : « si les conditions de vent (nul ou de face) le permettent, et si la longueur de piste est suffisante, il est possible d’effectuer tout le décollage volets à 0° ».

2.2 Témoignage du pilote du remorqueur

Il indique qu’au cours du décollage, alors qu’il se trouvait à une dizaine de mètres du sol et en montée, il a entendu un message radio demandant au pilote du planeur de rentrer les aérofreins.
Il explique : « à ce moment-là je rends légèrement la main afin de conserver une vitesse suffisante au remorquage, je remarque que ma vitesse air diminue. Je vérifie ma commande des gaz (plein gaz). Un second appel radio est émis pour signaler que les aérofreins étaient toujours sortis. J’ai alors senti et vu la mise en position basse du planeur. J’avais de moins en moins de maniabilité sur l’axe de tangage et ma vitesse air continuait de diminuer. Dans un premier temps j’ai perdu le contact visuel du planeur dans le rétroviseur, puis j’ai constaté qu’il se situait très bas et légèrement désaxé sur la gauche. Cette configuration de vol de l’attelage a entraîné une forte action à cabrer de mon appareil malgré une correction maximale sur le manche (butée avant). Ma vitesse était alors de 90 km/h, ce qui est la vitesse minimale de sustentation de l’appareil en configuration décollage. Je commençais à ressentir des vibrations typiques annonçant l’imminence du décrochage de mon aéronef. En raison de tous les éléments précités, et afin d’assurer la sécurité de l’attelage et des deux équipages, j’ai pris la décision de cisailler le câble de remorquage ».

2.3 Témoignage du pilote du planeur

Le pilote du planeur avait plus de 1 400 heures de vol au moment de l’événement. Au cours des trois derniers mois il avait accompli 37 heures de vol, dont 3 h 20 sur le type, ainsi que 21 remorqués.

Il explique qu’au cours de la vérification des aérofreins lors du CRIS(2), il a poussé la commande des aérofreins sans aller jusqu’aux butées et a pensé que les aérofreins étaient verrouillés. Le pilote a ensuite positionné les volets de courbure du planeur à - 7° pour accomplir le décollage.

Lors du roulement au décollage il indique qu’il a tiré la commande des volets de courbure jusqu’à la position + 8°, afin d’optimiser la courbure de l’aile en fonction de la vitesse air. Mais il n’a pas réussi à verrouiller la commande des volets dans le cran destiné à la maintenir dans cette position. Il a été contraint de tenir cette commande avec sa main gauche alors que le planeur avait commencé à décoller.

Au même instant, et sous l’effet de la dépression engendrée par le profil de l’aile, les aérofreins ont été vraisemblablement « aspirés ». Ils sont sortis de leur logement et ont créé une traînée parasite qui a perturbé la phase de décollage de l’attelage.

Lorsqu’il a réagi au second message radio, le pilote explique qu’il a été obligé de lâcher la commande des volets pour actionner la commande des aérofreins. La commande des volets n’étant pas verrouillée, les volets de courbure se sont déplacés vers la position - 4° sous l’effet des contraintes auxquelles ils étaient soumis.

3 - ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION

La déstabilisation de l’attelage « avion remorqueur / planeur » au cours du décollage a été provoquée d’une part par la sortie intempestive des aérofreins lors du décollage, et d’autre part par le déplacement inopiné des volets de courbure qui lui a succédé.

La manipulation inadaptée de la commande des aérofreins, avant le décollage, par le pilote du planeur, est à l’origine de leur non-verrouillage et de cette succession d’événements.

Le décollage en planeur, en remorqué comme au treuil, est une phase de vol dynamique qui demande la plus grande vigilance. Il ressort de cet événement que sur ce type de planeur, la nécessité de manipuler les volets de courbure lors du décollage prive le pilote de la possibilité d’effectuer rapidement des actions en situation d’urgence. De plus cela rajoute le risque d’altérer la stabilité du planeur, par un déplacement incontrôlé des volets de courbures dans le vent relatif. Ce risque augmente lorsque
le pilote est en place arrière d’où il ne peut observer le verrouillage de la commande
des volets de courbure.

 

(1)Type de vol destiné à faire découvrir le vol en planeur à une personne.

(2)Commandes, Réglages, Instruments, Sécurité. Actions vitales à accomplir avant le décollage.