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Accident to a Schleicher ASW20BL registered F-CBDD on 04/30/2014 at Fayence (83)

"cartwheel" lors du roulement au décollage en remorqué

Responsible entity

France - BEA

Investigation progression Closed
Progress: 100%

1 - DÉROULEMENT DU VOL

Le planeur monoplace est aligné au seuil de la piste 28 non revêtue de l’aérodrome de Fayence derrière le remorqueur immatriculé F-GFPD(1). Lors du roulement au décollage, peu après le lâché du saumon d’aile par l’assistant(2) au décollage, l’aile gauche touche le sol, le planeur part à gauche en rotation autour de son axe de lacet. L’aile droite se soulève, le planeur s’élève sur la tranche perpendiculairement à l’axe d’envol. Le câble de remorquage casse au niveau de l’attache de l’avion remorqueur. Le planeur se retourne, heurte le sol, rebondit, glisse sur quelques mètres avant de s’immobiliser.

2 - RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES

2.1 Qualification et expérience du pilote

Le pilote, titulaire d’une licence de pilote planeur, totalisait 980 heures de vol dont 800 en tant que commandant de bord.

Le relevé des heures de vol effectuées par le pilote au centre de vol à voile de Fayence montre que depuis 2006 il venait régulièrement chaque année par périodes d’environ une semaine. Il y avait réalisé 165 vols (590 heures de vols).

Ce relevé montre également que le pilote volait régulièrement depuis 2010 sur le planeur F-CBDD, 30 vols sont enregistrés pour un total de 41 vols sur ASW20.

Le dernier vol sur ASW20 effectué par le pilote avant l’accident date de juillet 2013. Le pilote volait depuis quelques temps sur planeur de type G304, planeur de performance égale mais déjà affecté à un autre pilote ce jour-là.

Le carnet de vol indique de nombreux vols d’une durée supérieure à trois heures, ce qui semble indiquer un pilote performant et expérimenté. Par ailleurs, peu d’atterrissages en campagne sont indiqués sur son carnet de vol depuis 2010.

L’ensemble des heures de vol portées depuis 2010 sur le carnet ont été effectuées à Fayence.

D’après le carnet de vol du pilote, ce dernier n’avait jamais fait de lancement au treuil.

Le nombre de remorquages effectués par le pilote du planeur à partir du remorqueur F-GFPD depuis 2006 est dans la moyenne par rapport à l’utilisation des autres remorqueurs du centre de vol à voile.

2.2 Conditions météorologiques

Les conditions météorologiques observées sur l’aérodrome au moment de l’accident étaient les suivantes :

  • vent du 280° pour 35 km/h avec des rafales à 45 km/h ;
  • ciel clair et pas de nuages significatifs.

2.3 Examen du site et de l’épave

L’examen de l’épave montre que les commandes de vol étaient continues, ne présentaient pas de blocage ou de rupture.

Les volets ont été retrouvés en position 3 ce qui correspond à la configuration de décollage préconisée par le manuel de vol.

Les tests réalisés sur le crochet et la poignée de largage du câble de remorquage n’ont pas mis en évidence de dysfonctionnements ayant pu contribuer à l’accident.

La piste 28 non revêtue est à base de terre compacte avec des touffes d’herbe éparses d’une hauteur d’environ 20 à 30 cm.

Les marques de frottement et les traces de peinture orange relevées sur le sol correspondent à la traînée laissée par l’extrémité du saumon gauche.

Le câble de remorquage a été retrouvé rompu au niveau du noeud de liaison avec l’anneau d’accrochage sur le crochet de l’avion. La rupture est une rupture sous effort par dépassement de la résistance du câble.

2.4 Enregistreurs et données de vol

Le planeur et le remorqueur étaient munis de Flarm. Celui du planeur ayant été fortement endommagé, seules les données issues du remorqueur ont été déchargées et analysées.

Le jour de l’accident, un pilote avait mis en place sur le véhicule de piste une caméra de type GoPro. Cette caméra programmée pour prendre une photo toutes les secondes pointait en direction du seuil de piste 28 et a capturé l’ensemble de la phase de décollage. L’exploitation des images montre que la séquence de décollage jusqu’à l’accident dure environ 10 secondes.

La planche photographique ci-après montre image par image le déroulement de l’événement. Le graphique présente la vitesse sol du remorqueur durant les douze premières secondes.

2.5 Caractéristiques du planeur

2.5.1 Généralités

Le planeur mis en service depuis 1988 totalisait 7 310 heures de vol et 2 020 décollages dont 100 heures de vol et 30 décollages en 2014. Il appartenait au centre de vol à voile de Fayence depuis août 2000. Il était équipé des extensions d’ailes dont les saumons sont incurvés vers le bas et ne possèdent pas de roulette.

Le vol précédent de ce planeur avait eu lieu le 17 avril 2014 sur le site de l’accident.

2.5.2 Crochet de remorquage

Le planeur ne comporte qu’un seul crochet. Ce crochet en position centrale devant la roue axiale sous le planeur est de type TOST. Il peut être utilisé pour le treuillage et le remorquage. Il dispose d’un système de sécurité permettant le largage du câble dans le cas d’un angle excessif entre le câble et l’axe longitudinal du planeur (axe de tangage exclusivement) lors de manoeuvres de treuillage. Ce système de largage automatique ne couvre pas les désalignements en lacet (dérapage) ou de roulis (inclinaison).

2.6 Techniques d’envol et procédures de gestion des incidents

Le décollage en planeur, sauf dans le cas de planeur possédant un dispositif d’envol intégré, se fait par remorquage ou par treuillage.

On précise ci-après les dispositifs et procédures prévus en cas d’anomalies de treuillage et de remorquage. Leur mise en perspective dans le cadre de cet accident est présentée dans la partie « Enseignements et conclusion ».

2.6.1 Dispositif d’accrochage

Les deux techniques de décollage d’un planeur utilisent un câble relié au planeur par un crochet. Ce crochet est situé soit sous le planeur devant ou à proximité de la roue axiale et peut être utilisé pour du treuillage ou du remorquage, soit dans le nez du planeur pour une utilisation exclusive en remorquage.

En treuillage seul le crochet central est utilisé. Cette position au plus près du centre de gravité du planeur permet de minimiser le moment induit par l’effort de treuillage qui pourrait conduire à une perte d’efficacité de la gouverne de profondeur compte tenu de l’augmentation progressive de l’angle du câble avec l’axe longitudinal pendant le lancement.

En remorquage, le planeur est en permanence derrière le remorqueur. L’angle entre le câble et le planeur évolue peu.

Dans le cas d’une échappée en lacet ou en tangage du planeur au cours du remorquage, l’utilisation du crochet de nez va induire un moment opposé au déplacement qui contribuera à ramener le planeur dans l’axe. Néanmoins cet effet est minime par rapport aux efforts aérodynamiques engendrés par le braquage des gouvernes. Dans le cas de l’utilisation du crochet « central », de par sa position proche du centre de gravité du planeur, le moment induit par une échappée en lacet ou tangage sera négligeable et ne ramènera pas le planeur dans l’axe.

2.6.2 Procédure de gestion des écarts de trajectoire pendant le décollage

Cette partie ne traite que de la procédure pour gérer le départ en « cheval de bois » ou « aile tombante ».

Le manuel du pilote Vol à Voile (11e édition) indique :

  • Pour le treuillage :

- départ avec la main sur la poignée de largage du câble;

- agir sans retard dès que le saumon d’aile touche le sol.

  • Pour le remorquage :

- si un saumon d’aile touche le sol, agir amplement sur le manche et le palonnier pour revenir à inclinaison nulle ;

- si le saumon reste au sol malgré la correction et si le planeur tend à se désaxer fortement, n’attendez pas qu’il fasse un angle de 90° ;

- larguez le câble et freiner immédiatement.

2.7 Antécédents et cas similaires

2.7.1 Accidents et incidents en treuillage

En 2013, l’analyse de deux accidents(3) en lancement au treuil ont conduit la Fédération Française de Vol à Voile (FFVV) à diffuser un « Flash Sécurité et Formation(4) » afin d’homogénéiser en France les procédures de décollage au treuil.

Les mesures adoptées reprennent les conclusions de l’étude lancée par la British Gliding Association (BGA) suite à une recrudescence d’accidents ou incidents lors de treuillage en Angleterre.

Le site de la B.G.A(5) présente les résultats de l’étude, les mesures prises, les axes d’amélioration, les nouvelles procédures ainsi que des films(6) issus de simulations des divers cas pouvant survenir lors d’un treuillage.

Extrait du Flash Sécurité et Formation D13_5525 du 19 septembre 2013 de la FFVV

« A. Dispositions immédiatement applicables :

1/ Concernant le risque de soleil au décollage lorsque l›aile touche le sol (Cartwheel en anglais), nous adoptons la procédure retenue par la BGA, par les Suisses et par les Allemands. Elle consiste à tenir fermement la poignée de largage au décollage au treuil.

Explication

Le temps imparti pour réagir est de l’ordre de 0,5 seconde et ne permet donc pas d’avoir sa main ailleurs que sur la poignée. Cette procédure doit être enseignée dans les clubs sans retard. Lorsqu›une aile touche le sol au décollage le largage doit avoir lieu sans délai. Nos amis européens demandent à ce que le largage soit effectif avant que l’aile touche le sol sinon le cheval de bois sera inévitable.

Il est vivement recommandé aux instructeurs (ainsi qu’aux autres pilotes) de procéder à une auto-formation à l›aide des documents en ligne sur le site web de la BGA. »

2.7.2 Accidents et incidents de type « cheval de bois » au décollage

Au cours des trois dernières années, le BEA a eu connaissance des cas suivants en France :

  • un incident en remorquage sans conséquence pour le pilote ;
  • un accident mortel en treuillage ;
  • un accident avec des dommages corporels limités en treuillage.

2.8 Organisation des séances sur l’aérodrome

Les séances de vol commencent par un briefing au sol avec tous les pilotes. Il est réalisé par le chef pilote ou son adjoint. Au cours du briefing sont présentés et commentés : les conditions météorologiques du jour, les consignes et rappels de sécurité, le déroulement et l’organisation de la séance. A l’issue du briefing les planeurs sont affectés aux pilotes en fonction de leur programme de vol et de leur souhait.

La séance débute par la mise en place du véhicule de piste « starter » en fonction de la piste choisie. Les planeurs sont préparés et mis en position d’attente au seuil de piste en fonction de l’ordre de décollage préalablement défini.

Le chef pilote, ou son adjoint, assure la direction de séance. Il dispose d’un poste VHF. Il est présent dans le véhicule de piste pour assurer le suivi des vols, il veille à la sécurité lors des décollages et des atterrissages et au bon déroulement de la séance. Il donne les instructions au pilote du remorqueur.

La planche de vols permet de consigner tous les vols de la journée avec les informations suivantes : immatriculation, pilote, heure de décollage, remorqueur, temps de remorquage, heure d’atterrissage.

Compte tenu des conditions de vent, les décollages étaient réalisés face au vent au QFU 28. Le jour de l’accident, le premier vol avait eu lieu une heure avant. Le vol de l’accident était le 6ème remorquage dont cinq effectués avec le F-GFPD. Aucune difficulté pendant les décollages ou au cours des remorquages n’avait été signalée au chef pilote, qui était présent dans le véhicule de piste et à l’écoute de la fréquence VHF de l’aérodrome.

3 - ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION

3.1 Origine possible de la déstabilisation initiale du planeur en roulis

La cause de la déstabilisation du planeur au cours du remorquage ayant conduit à l’affaissement de l’aile gauche pendant le roulement n’a pas pu être établie.

Le lâcher du saumon de l’aile a été correctement effectué d’après les photos.

Le décollage s’effectuant face au vent au cap 280°, il n’est pas exclu qu’une rafale de vent associée au souffle hélicoïdal généré par le remorqueur soit à l’origine de cette déstabilisation.

Cependant, dans l’heure qui a précédé l’accident, l’avion remorqueur avait réalisé quatre remorquages dans des conditions de vent similaires sans qu’aucun problème ou difficulté ne soit signalé.

3.2 Une rotation du planeur en lacet et en roulis à gauche très vive que le pilote ne parvient pas à contrôler

L’analyse des photographies montre qu’entre le moment où l’aile gauche s’abaisse et le moment où le planeur est à 90° de l’axe d’envol (juste avant le passage sur le dos) il ne s’écoule que trois secondes. Lorsque l’aile gauche tombe et que le saumon touche le sol dans la seconde qui suit, la forme incurvée vers le bas du saumon et l’aplatissement de l’extrémité de l’aile relativement souple va constituer un point de retenue. Ce frottement de l’aile gauche suscite un phénomène de rotation en roulis et lacet qui s’amplifie :

il a pour effet d’accentuer la rotation en lacet et accélérer l’écoulement d’air sur l’aile opposée entraînant une augmentation de portance ;

le soulèvement de l’aile droite vient alors accentuer le frottement de l’aile gauche sur le sol et son aplatissement ;

l’extrémité de l’aile gauche étant en contact avec le sol, sa portance diminue et augmente encore le moment en roulis.

Outre qu’il s’amplifie, le phénomène est d’autant plus rapide que l’abaissement initial de l’aile gauche survient alors que le planeur a une vitesse sol d’environ 45 km/h et qu’il subit un vent de face de l’ordre de 35 à 45 km/h, ce qui correspond sensiblement à la vitesse d’envol du planeur.

Il est également probable que le pilote ait agi sur les commandes pour contrer l’abaissement de l’aile tel que la procédure enseignée le préconise.

Néanmoins, l’aplatissement de l’aile gauche sur le sol vient perturber fortement l’écoulement aérodynamique et il est donc probable que l’efficacité du contrôle en roulis en était réduite.

3.3 La criticité du départ en cheval de bois lors d’un treuillage est plus importante que lors d’un remorquage

Les incidents ou accident survenus par le passé en remorquage et concernant des départs en « cheval de bois » ont mis en évidence qu’il s’agissait généralement d’une non récupération « d’une aile tombante ». Ce problème survient très tôt dans la phase de roulement avec peu de vitesse ce qui laisse un temps relativement important au pilote pour se rendre compte de l’inefficacité de son action sur les commandes, prendre la décision de largage du câble, saisir et actionner la commande de largage du câble, puis freiner le planeur.

La rapidité avec laquelle s’est produite la perte de contrôle est similaire à celle que l’on peut rencontrer lors d’un treuillage. Il est probable que les conditions météorologiques du jour avec un vent fort ont été un facteur déterminant dans la rapidité du déroulement de l’accident. Elles ont contribué à recréer des conditions proches d’un treuillage.

Le pilote n’ayant jamais fait de lancement au treuil, il n’était probablement pas familier de la procédure particulière en treuillage.

Par ailleurs, s’agissant d’un décollage par remorquage et étant, selon les témoignages, conscient de la procédure à appliquer en remorquage pour récupérer une situation « d’aile tombante » ou de départ « en cheval de bois », il n’avait probablement pas la main sur la poignée de largage pendant le décollage tel que prévu pour le treuillage.

3.4 Causes

L’accident est dû à un frottement prononcé du saumon de l’aile gauche sur le sol au cours du roulement au décollage peu avant la sustentation, entraînant une rotation autour de l’axe de lacet d’une violence inhabituelle en remorqué, que le pilote n’a pas récupérée et pour laquelle la procédure de récupération préconisée et enseignée s’est avérée inadaptée.

 

(1)Piper PA-25-235 Pawnee.

(2)L’assistant au décollage maintient l’aile à l’horizontale et court à côté du planeur sur les premiers mètres du roulement au décollage afin de maintenir le planeur en ligne de vol.

(3)Accident du planeur F-CGCQ survenu le 07 juin 2013 et accident du planeur F-CGZU survenu le 01 août 2013.

(4)D13_5525 du 19 septembre 2013.

(5)www. gliding.co.uk/

(6)www.gliding. co.uk/search/search. php?q=winch