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Activation du vibreur de manche lors de la rotation

Activation du vibreur de manche lors de la rotation

Responsible entity

France - BEA

Investigation progression Closed
Progress: 100%

Déroulement du vol

Le 10 janvier 2011, l'équipage décolle de la piste 31 droite de Montpellier Méditerranée pour un vol de convoyage à destination de Toulouse Blagnac. Lors de la rotation, les becs de bord d'attaque se déploient de la position intermédiaire vers la position « plein sortis ». Le vibreur du manche gauche se déclenche aussitôt. Le CDB constate une indication erronée sur le bandeau de vitesses de son PFD. Il ne constate aucune anomalie sur le PFD du copilote, sur l'indicateur de secours et sur les indicateurs moteur. Les becs reviennent à leur position initiale. Douze secondes après son déclenchement, le vibreur de manche s'arrête. Après analyse du comportement des systèmes, l'équipage décide de poursuivre le vol jusqu'à destination. Aucun autre événement n'est noté lors du vol.

L'exploitation des données QAR montre qu'au moment de la rotation, l'angle mesuré par la sonde d'incidence côté gauche n'est pas représentatif de l'angle d'incidence réel.

Le contrat de location de l'avion arrivant à son terme, l'avion avait été convoyé à Montpellier, dans les ateliers de Latécoère Aéroservices, organisme agréé Partie 145 contracté par Europe Airpost, pour être repeint en blanc en vue de la restitution à son propriétaire. Au cours du chantier de peinture, la location a finalement été reconduite à la demande de l'exploitant. Latécoère Aeroservices ne pouvait pas accorder rapidement de nouveau créneau pour repeindre l'avion aux couleurs d'Europe Airpost. L'exploitant avait alors décidé de convoyer l'avion vers un autre atelier de peinture, STTS, situé à Toulouse Blagnac.

Le second chantier de peinture commence à l'issue du vol de convoyage. La sonde d'incidence gauche est identifiée comme étant à l'origine du déclenchement du vibreur de manche au cours de ce second chantier. Elle est déposée le 19 janvier 2011.

Enseignements et conclusion

Conclusion

Le déclenchement du vibreur de manche au moment de la rotation de l'appareil est dû au blocage de la sonde d'incidence gauche par de la peinture. La présence de peinture résulte d'un masquage inadapté de la sonde lors de l'application de la peinture. La visite après chantier n'a pas permis de détecter cette anomalie.

Les seules règles de l'art ne suffisent pas à garantir des opérations de peinture sûres. En effet, l'absence de procédure systématique des constructeurs aéronautiques, en matière de protection des capteurs extérieurs lors des activités de peinture, et de vérification de leur bon fonctionnement à l'issue du chantier, ne permet pas d'assurer que ces opérations se déroulent de manière adéquate et homogène selon les ateliers. De plus, les exigences de formation relatives aux personnels spécialisés ne garantissent pas que ces derniers aient conscience de l'impact potentiel de leur activité sur la sécurité des vols.

Enseignements

Surveillance des ateliers de peinture

La DGAC considère que les activités de peinture relèvent de la maintenance. Il n'existe cependant pas de texte particulier concernant la peinture des aéronefs qui pourrait permettre à l'OSAC de réaliser une surveillance plus standardisée et homogène des ateliers de peinture. Par conséquent, des différences peuvent exister entre les procédures des différents ateliers de peinture et la manière dont ils sont surveillés par les différents inspecteurs de l'OSAC.

Formation des peintres

Certains ateliers ont développé des formations internes pour leurs peintres, en complément des diplômes spécifiques de ces derniers. Les formations peuvent varier de la formation minimale réglementaire sur les facteurs humains à des formations spécifiques sur les systèmes des aéronefs. Rien n'exige que les peintres aient une formation aux caractéristiques des aéronefs, qui leur permettrait d'en appréhender les éléments critiques.

Protection des éléments avions lors des opérations de peinture

Certaines sondes peuvent être protégées par des dispositifs spécifiques qui permettent de peindre au plus près des sondes. Ces dispositifs sont parfois développés par les ateliers de peinture eux-mêmes car ils n'existent pas pour tous les modèles de sondes. Dans les autres cas, les méthodes utilisées par les peintres s'appuient sur les règles de l'art et consistent principalement à masquer les sondes au plus près, afin d'éviter les retouches à la main et répondre ainsi à des considérations esthétiques pour le client.

Il existe différentes conceptions de sonde et la présence de peinture sur la sonde n'aura pas les mêmes conséquences. L'embase mobile du modèle installé sur le Boeing 737-300 est localisée au niveau du fuselage. Aucun dispositif spécifique n'existe pour la protéger. Une attention particulière est donc nécessaire lors du masquage de la sonde.

Impact des opérations de peinture sur la sécurité des vols

Les opérations de peinture font l'objet de procédures décrites par les constructeurs d'avion dans les manuels d'entretien. Ces procédures et les vérifications associées après une opération de peinture peuvent être très variables en fonction des constructeurs. L'incident du F-GIXD ainsi que l'accident survenu à Perpignan le 27 novembre 2008 montrent que des améliorations doivent être apportées pour éviter tout dysfonctionnement des sondes d'incidence ou d'autres capteurs extérieurs. Les informations issues de ces sondes sont utilisées par les systèmes embarqués des avions récents, souvent de manière transparente pour les membres d'équipage. La moindre imprécision de l'information fournie peut altérer par conséquent de manière critique la conduite du vol.

Ainsi, une pollution des sondes d'incidence (ou d'une manière générale des capteurs extérieurs) liée à des opérations de peinture peut entraîner des comportements imprévus des systèmes de bord dont l'origine n'est pas connue des membres d'équipage, limitant de facto la sécurité du vol.

Recommandations

Rappel : conformément aux dispositions de l'article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l'autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l'étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l'article 18 du règlement précité.

L'enquête a montré que les activités de peinture peuvent avoir un impact sur le fonctionnement des systèmes et donc la sécurité des vols. Par conséquent, ces activités devraient être prises en compte dans le processus SGS des exploitants aériens titulaires d'un CTA et des organismes agréés Partie 145, lorsqu'ils les exercent eux-mêmes ou lorsqu'ils sont donneurs d'ordres, considérant les relations avec leurs sous-traitants. Cependant, le BEA estime que la maturité des processus SGS et de leur surveillance ne constitue pas encore une garantie suffisante et exclusive d'efficacité de la démarche par l'ensemble des acteurs concernés.

Certaines exigences réglementaires supplémentaires ont été identifiées comme pouvant participer à l'amélioration de la sécurité des chantiers de peinture.

C'est pourquoi, tout en soutenant parallèlement la mise en œuvre des démarches de gestion de la sécurité, le BEA recommande :

Recommandation FRAN-2012-003

- que l'AESA s'assure que les constructeurs développent dans leur documentation approuvée des procédures spécifiques de protection et de vérification des capteurs extérieurs lors des opérations de peinture ;

Recommandation FRAN-2012-004

- que l'AESA mette en place des exigences de formation relatives aux éléments critiques des aéronefs pour les personnels de maintenance spécialisés non titulaires d'une licence Partie 66.

En France, la surveillance des activités de peinture par l'OSAC n'est définie par aucun texte complémentaire à la réglementation européenne. La DGAC peut, au niveau national, définir le cadre de la surveillance des activités de peinture et par conséquent harmoniser la surveillance exercée par les inspecteurs de l'OSAC. Elle peut de même émettre vers les organismes d'entretien et les ateliers de peinture des documents destinés à les sensibiliser sur certains aspects de sécurité.

C'est pourquoi le BEA recommande, dans l'attente d'actions de l'AESA :

Recommandation FRAN-2012-005

- que la DGAC définisse plus précisément le cadre des activités de peinture au sein d'un document de l'OSAC, afin que la surveillance de ces activités soit définie et homogène au niveau national ;

Recommandation FRAN-2012-006

- que la DGAC s'assure que les organismes d'entretien mettent en place des vérifications adaptées tout au long d'un chantier de peinture ;

Recommandation FRAN-2012-007

- que la DGAC sensibilise les organismes d'entretien sur l'importance de la formation des peintres, de la bonne installation de protections lors des opérations de peinture et des vérifications à réaliser au cours d'un chantier de peinture.

Actions entreprises

Le constructeur Boeing a indiqué qu'une revue de la documentation de maintenance de tous ses modèles sera entreprise pour la protection des capteurs, et que le manuel de maintenance du Boeing 737 sera amendé de manière à y inclure des instructions spécifiques pour la protection de tous les capteurs extérieurs critiques lors des opérations de peinture.