Atterrissage avant l’extrémité de piste, rupture du train d’atterrissage avant, en instruction
Atterrissage avant l’extrémité de piste, rupture du train d’atterrissage avant, en instruction
CIRCONSTANCES
L'élève-pilote et son instructeur décollent de la piste 07L revêtue pour effectuer un exercice de prise de terrain en L(1) en fin de circuit d'aérodrome à une hauteur de 800 ft. Dans la branche vent arrière, ils notent qu'il pleut et l'instructeur indique qu'il prend les commandes pour montrer à l'élève la séquence de l'exercice. En étape de base, il réduit la puissance et maintient une vitesse indiquée entre 70 et 75 kt. Il précise que l'intensité de l'averse de pluie augmente et réduit alors la visibilité. Peu de temps après, de la buée couvre la verrière. En finale, la trajectoire de l'avion est stabilisée (axe, plan et vitesse). Lorsque l'instructeur sort les volets d'atterrissage, l'avion « s'enfonce assez brutalement ». A l'atterrissage qualifié de dur par l'instructeur, les trains d'atterrissage touchent le sol avant l'extrémité de piste, dans l'herbe. Le train d'atterrissage avant s'efface au contact avec le bord de la piste. L'avion reprend ensuite de la hauteur et l'instructeur remet de la puissance pour atterrir un peu plus loin. L'avion s'immobilise environ 250 m après le seuil.
L'aérodrome de Brest Bretagne dispose de deux pistes revêtues parallèles. La piste 07L/25R a une longueur de 700 m et une largeur de 18 m. La bande aménagée avant la piste 07L est en herbe. Elle est plus basse que l'extrémité de la piste 07L d'une vingtaine de centimètres.
Des traces dans la bande aménagée montrent que le train principal et le train avant ont respectivement touché le sol environ 27 et 5 m en amont de l'extrémité de piste 07L. L'avion a atterri à 5 m à droite de l'axe de cette piste. Des traces de pales d'hélice sont présentes sur la piste. L'affaissement du train avant résulte du roulement sur la bande aménagée avant le seuil 07L et du choc avec le bord de piste.
L'Aquila AT01 est un avion avec un profil à laminarité étendue et dont la structure est composée en grande partie de matériaux composite. Le manuel de vol précise qu'en cas de vol sous forte pluie, la présence d'eau sur les ailes et sur les gouvernes peut dégrader les performances de vol en particulier la vitesse de décrochage qui peut augmenter de 3 kt. Le manuel de maintenance indique que les surfaces extérieures de l'avion doivent être lustrées (« waxing » en anglais) pour les protéger. Le manuel précise également que cette opération doit être effectuée de manière plus fréquente lorsque l'avion est exploité dans un environnement côtier. Une inspection complète de la structure doit être effectuée après 6 000 heures de vol. Le F-GVAQ a été mis en service en 2003 et totalisait 3 589 heures à la date de l'accident. Au club basé à Brest, les avions sont lavés lors des visites d'entretien. Il est rare qu'ils le soient par les membres du club. A la date de l'accident, la surface des ailes était légèrement dépolie par endroit, en particulier au niveau du bord d'attaque. Un produit de lustrage était disponible depuis peu au club. Il n'est pas certain que les surfaces en composite du F-GVAQ aient déjà été lustrées.
L'instructeur totalisait 642 heures depuis 1995, dont 29 sur type, et 49 heures dans les trois mois précédents dont 19 sur type. Il dispose d'une licence PPL(A) et a obtenu la qualification nationale limitée(2) d'instructeur de vol avion le 15 décembre 2011. Il totalisait environ 50 heures de vol en tant qu'instructeur depuis cette date. Il indique que l'exercice de PTL avait été prévu avec l'élève et que les conditions au sol et au départ du vol étaient compatibles avec la réalisation de cet exercice. En courte finale, il a eu la sensation de perdre les références visuelles extérieures. En particulier, il lui était difficile d'évaluer la hauteur de l'avion pendant cette phase. Il ajoute que l'atterrissage a été effectué à une vitesse de 65 kt(3). Il explique que la dégradation des conditions météorologiques a été rapide et brutale mais que cela ne l'a pas amené à décider d'interrompre l'exercice de vol moteur réduit. L'instructeur indique qu'il n'avait pas connaissance à la date de l'accident des conséquences sur les performances de vol de la présence d'eau sur les ailes et gouvernes.
En fin de matinée aux abords de l'aérodrome, les conditions météorologiques étaient les suivantes : le ciel était chargé de cumulus et de stratocumulus pouvant s'accompagner de passages d'ondées à caractère instable parfois modéré. Les images radar de Brest montrent l'arrivée d'ondées d'intensité modérée vers 11 h 05 sur l'aérodrome par le sud. Sous ce passage d'ondées modérées, la visibilité s'est probablement dégradée rapidement :
- à 11 h 00 : vent faible variable, visibilité de 7 km, 4 octas de cumulus vers 1 500 ft surmontés de 7 octas de stratocumulus vers 2 000 ft ;
- à partir de 11 h 05 : vent faible variable, visibilité de 3 km, 8 octas de cumulus et stratocumulus vers 1 000 ft avec isolément du cumulus bien développé, ondée d'intensité modérée.
Les observations météorologiques de 10 h 30 et 11 h 00 ne mentionnaient pas la présence de pluie. La prévision météorologique couvrant la période de l'événement indique la présence de cumulus congestus (TCU).
CONCLUSION
Au moment de la sortie des volets pour l'exercice de Prise de Terrain en L, la puissance réduite du moteur ainsi que la probable dégradation des caractéristiques aérodynamiques des ailes et des gouvernes en raison de la forte pluie ont eu pour conséquence une déstabilisation de la trajectoire de l'avion. Celle-ci n'a probablement pas été détectée par l'instructeur confronté à des difficultés pour conserver des références visuelles extérieures suffisantes. Sa décision de poursuivre l'exercice malgré la dégradation rapide des conditions météorologiques a conduit à l'atterrissage avant l'extrémité de piste. Cette tendance à persévérer dans un projet d'action, alors que des éléments le remettent en cause, peut être accentuée pour un instructeur en exercice en raison de sa fonction et de la différence d'expérience avec son élève.
Par ailleurs, même s'il est difficile d'établir une généralité sur un événement isolé, cet accident pourrait également révéler une méconnaissance des caractéristiques des profils laminaires modernes et des précautions qu'ils requièrent. Il pourrait donc s'avérer utile que les organismes de formation approuvés ou sociétés de location alertent les usagers par une information appropriée (check-list, manuel d'opérations, affiches…). Ce rappel porterait sur la mention du manuel de vol relative à la dégradation des performances en cas de pluie ou de salissures sur les ailes et gouvernes ainsi que sur l'importance de laver et de lustrer les avions, ce qui permettrait d'alerter les usagers sur les risques associés.
(1)Exercice de vol moteur réduit : la puissance du moteur est réduite en étape de base pour simuler la panne du moteur. Le but de l'exercice est de permettre à l'élève de faire face à une panne du moteur au cours de n'importe quelle phase de vol.
(2)Cette qualification s'adresse aux pilotes non détenteurs d'une licence CPL(A) qui souhaitent obtenir les privilèges de dispenser une instruction au vol en qualité d'instructeur bénévole au sein d'un club (FCL 1.330 (g)).
(3)Le manuel de vol préconise une vitesse d'atterrissage de 60 kt.