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Bas niveau carburant, atterrissage d'urgence sur un aérodrome, de nuit

Bas niveau carburant, atterrissage d'urgence sur un aérodrome, de nuit

Responsible entity

France - BEA

Investigation progression Closed
Progress: 100%

1 - Déroulement du vol

Le lundi 4 novembre, veille de l'événement, le pilote avait décidé d'effectuer un vol aller et retour dans la journée au départ de l'aérodrome de Toulouse Lasbordes (31) à destination de Toussus-le-Noble (78) afin d'y déposer deux passagers.

Il avait décollé et, compte tenu de conditions météorologiques défavorables, il avait fait une escale pour se ravitailler en carburant sur l'aérodrome de Clermont-Ferrand (63). Arrivé à Toussus-le-Noble vers midi, il avait constaté que les conditions météorologiques ne lui permettaient plus d'effectuer le vol retour. Il estimait alors son autonomie restante à moins de deux heures de vol.

Des échanges téléphoniques avec le chef pilote de son club l'avaient incité à mettre à profit l'assurance hébergement souscrite auprès de la FFA(1) et à reporter son retour au mardi 5 novembre. Le soir, en raison des prévisions météorologiques à sa disposition, le chef pilote avait considéré que le vol du lendemain n'était pas réalisable et avait proposé de faire un point sur la situation le matin à neuf heures.

Le pilote indique que, le mardi 5 novembre, il décolle vers 5 h 30(2) de l'aérodrome de Toussus-le-Noble (78), sans déposer de plan de vol. Il a l'intention d'avitailler à Orléans Saint-Denis-de-l'Hôtel (45) qu'il contacte sans succès vers 6 h 00.

A 6 h 20, il atteint le FL100 et poursuit en direction de l'aérodrome de Bourges (18) qu'il veut contacter à 6 h 30 mais sans y parvenir car il a affiché par erreur la fréquence de Poitiers Approche. Il informe le contrôleur (de Poitiers) qu'il est « à court de carburant », « en situation critique » et lui signale son intention de se dérouter vers Bourges.

Le contrôleur informe le pilote qu'en raison de l'heure, le service AFIS de Bourges n'est pas actif et qu'il n'est pas possible de faire allumer le balisage lumineux. Le pilote demande alors si la base aérienne d'Avord(3) est ouverte et se dirige vers elle. Le contrôleur coordonne en urgence avec l'Armée de l'air l'ouverture de l'aérodrome et l'allumage du balisage lumineux.

A environ 6 h 45, le pilote informe le contrôleur qu'il aperçoit la piste. Il contacte le contrôleur d'Avord, se déclare en situation d'urgence et atterrit, moteur arrêté quelques minutes plus tard(4).

Dans l'après-midi, après un avitaillement partiel, le pilote décolle d'Avord vers l'aérodrome de Bourges afin d'effectuer un complément de plein. Il atterrit à Bourges vers 16 h 30.

L'agent AFIS de Bourges explique que compte tenu de l'heure d'arrivée tardive estimée à Toussus-le-Noble, il a insisté pour que le pilote dépose un plan de vol VFR de nuit. Il ajoute que celui-ci paraissait fatigué et qu'il a décollé vers 16 h 45, dans des conditions météorologiques marginales.

Le pilote atterrit de nuit à Toussus-le-Noble et se voit signifier qu'il n'a pas suivi le cheminement VFR requis.

2 - Renseignements complémentaires

2.1 Renseignements sur le pilote

Le pilote, âgé de 23 ans, titulaire d'une licence de pilote privé avec habilitation au vol de nuit, totalisait 201 heures de vol depuis 2009, dont 117 heures en tant que commandant de bord. Il avait effectué 7 heures 24 de vol, toutes sur type, dans les trois mois précédents.

Le lundi matin, le pilote avait consulté les informations météorologiques disponibles et précise qu'il les avait examinées de façon succincte, sans anticiper le vol retour. Il a qualifié la situation météorologique de « peu propice au vol VFR ». Il explique que la préparation insuffisante du vol serait due à son impatience à voler et à la pression qu'il ressentait vis-à-vis de ses amis. Il ajoute que ses contraintes professionnelles l'obligeaient à faire l'aller et retour dans la journée. Il souhaitait également respecter le créneau de réservation de l'avion. Le matin du mardi 5, toujours préoccupé par ces contraintes. il a considéré que le vol vers Toulouse Lasbordes « pouvait passer ».

Il précise qu'habitué à voler dans la région toulousaine, il n'emporte dans sa documentation de vol « papier » que la carte OACI IGN Sud-Ouest et les cartes d'aérodromes dans un rayon de 150 NM autour de Toulouse (31). Il se repose sur leurs versions électroniques, téléchargées au préalable sur son « smartphone » et sur le GPS intégré(5) dont les informations contiennent les fréquences radio.

En avril 2012, en raison d'une préparation insuffisante du vol, le pilote avait commis une erreur dans la sélection de la fréquence radio. Il s'était intégré, sans contact, à contre QFU, dans le circuit d'un aérodrome contrôlé et réservé aux aéronefs munis de radio. Il avait ainsi provoqué la remise de gaz d'un vol IFR commercial, en approche face à lui. A la suite de cette infraction, il explique que son aéroclub l'avait interdit de vol pendant trois mois mais qu'il n'a pas ressenti les effets de la sanction car, à cette période, il volait aux Etats-Unis.

2.2 Renseignements météorologiques

Le lundi 4, dans la partie nord de la France, la couverture nuageuse variait entre 3 à 7 octas. La couche était constituée de stratocumulus avec une base située entre 300 ft et 1 500 ft et pouvant atteindre 1 000 à 2 000 ft. La visibilité, supérieure à 8 km, était localement réduite sous des averses de pluie jusqu'à 1,5 km. Dans la partie sud du pays, les nuages couvraient 8 octas du ciel. La base des nuages se trouvait entre 2 000 ft et 5 000 ft et leur plafond dépassait le FL100. Du givrage modéré était signalé à partir du FL080. Enfin, un front froid traversait rapidement la France d'ouest en est.

Le mardi 5, l'iso 0 °C était située au FL050. Les nuages couvraient 5 à 8 octas du ciel. La couche était constituée de stratocumulus avec une base entre 1 500 ft et 4 000 ft et un sommet pouvant atteindre 8 000 à 10 000 ft, laissant place à des altocumulus dont le sommet dépassait 14 000 ft. La visibilité, supérieure à 8 km était localement réduite vers 5 km sous des averses de pluie. Du givrage modéré était signalé à partir du FL065.

2.3 VFR de nuit

Les cartes VAC indiquent que le service d'information de vol est assuré, en hiver, à partir de 7 h 30 à Orléans et de 7 h 00 à Bourges. Elles précisent également dans, les consignes particulières, que ces aérodromes sont chacun équipés d'un PCL(6), disponible après préavis posé la veille auprès de l'agent AFIS.

La carte VAC de l'aérodrome de Toussus-le-Noble précise que l'aérodrome est interdit à tout trafic de 22 h 30 à 6 h 00 et réservé aux aéronefs basés de 6 h 00 à 7 h 00. L'avitaillement n'est pas possible avant 6 h 00.

En VFR de nuit(7), pour un vol de voyage, la réglementation exige le dépôt d'un plan de vol, la conservation de la vue du sol, un espacement vertical de 1 500 ft avec la base des nuages, une visibilité supérieure ou égale à 8 km entre les aérodromes de départ et de destination et l'absence de prévision de précipitations ou d'orage entre les aérodromes de départ et de destination.

3 - Enseignements et conclusion

La faible quantité de carburant restante a conduit le pilote à se dérouter et atterrir en urgence à court de carburant sur un aérodrome non préparé comme aérodrome de déroutement.

Une forte volonté de réaliser le vol prévu, une faible conscience du risque ainsi qu'un excès de confiance dans ses capacités ont poussé le pilote à réaliser un vol de voyage difficile après une préparation insuffisante. Ne tenant pas compte du conseil de son chef pilote, il a décollé sans disposer des marges de sécurité nécessaires pour entreprendre le vol.

Les contraintes personnelles pesant sur un pilote l'incitent parfois à s'affranchir du cadre réglementaire. La tentation peut notamment être grande si, dans le passé, celui-ci a déjà enfreint des règles sans encombre et qu'il surestime ses capacités à gérer une situation difficile.

Les règlements, procédures et consignes n'ont d'autre objectif que d'aider les pilotes à pratiquer leur activité dans les meilleures conditions de sécurité possibles. Leur respect permet d'éviter beaucoup de situations de détresse.

Cet événement est à rapprocher des études du BEA « objectif : destination » et « panne d'essence en aviation générale ».

 

(1)La licence « pilote » de la FFA inclut une offre d'assurance, dont l'assistance permet, notamment en cas de mauvaises conditions météorologiques, de prendre en charge le rapatriement ou l'hébergement du pilote et de ses passagers. En cas de rapatriement, le trajet d'un pilote pour ramener l'avion est également pris en charge.

(2)Le 5 novembre, le soleil se lève à Toussus-le-Noble à 7 h 46, pour se coucher à 17 h 27.

(3)Aérodrome non ouvert à la circulation aérienne publique.

(4)La capacité des réservoirs de l'avion est de 159 l utilisables. Il n'a pas été possible de vérifier la quantité restante à cet instant-là.

(5)Garmin GNS 430.

(6)Pilot Controlled Lighting ou télécommande de balisage lumineux.

(7)Règles de l'air concernant le VFR de nuit en avion.