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Collision avec des oiseaux lors du décollage, endommagement des deux moteurs

Collision avec des oiseaux lors du décollage, endommagement des deux moteurs

Responsible entity

France - BEA

Investigation progression Closed
Progress: 100%

Déroulement du vol

 

Un jour de décembre, l'équipage d'un A321 s'aligne pour décoller sur la piste 32R à Toulouse quand le pilote d'un Embraer 135 annonce en dégageant cette même piste « il y avait de nombreux oiseaux le long de la piste, sur la piste ». Le contrôleur tour annonce qu'il a reçu l'information et autorise l'équipage de l'A321 à décoller. Le copilote est PF.

 

A la rotation, les pilotes voient des vanneaux s'envoler et entendent des chocs sur les côtés de l'avion. D'importantes vibrations au niveau du fan (N1) du moteur gauche déclenchent l'alarme « advisory » ECAM (le niveau de vibrations était supérieur au niveau maximal affiché à l'ECAM.) associée à ce moteur une seconde après l'envol. Le commandant de bord annonce au contrôleur qu'il a heurté des oiseaux et qu'il envisage de revenir atterrir en effectuant un circuit de piste. Lorsque l'avion atteint l'altitude autorisée par le contrôleur, l'équipage exécute la procédure anormale Vibrations Réacteur Elevées. La réduction de poussée fait augmenter les vibrations au niveau du fan du moteur droit ce qui déclenche également l'alarme advisory ECAM associée. Les deux alarmes advisory ECAM disparaissent lorsque l'équipage réduit les paramètres N1 en deçà de 60 % pour le moteur droit et de 52 % pour le moteur gauche. L'équipage déconnecte le pilote automatique. La poussée affichée ne permet de maintenir qu'une vitesse inférieure de 10 kt à la vitesse d'évolution affichée au PFD. L'équipage démarre l'APU. Lors du roulement à l'atterrissage, l'équipage utilise les inverseurs de poussée au ralenti afin d'éviter les vibrations. A l'arrêt des moteurs sur l'aire de stationnement, l'assistant au sol aperçoit une fuite de carburant sur le moteur gauche et prévient l'équipage qui active les coupes feu. La fuite s'arrête.

 

Renseignements complémentaires

 

Dommages subis par les moteurs

Les restes de trois vanneaux huppés ont été trouvés sur la piste. L'examen du moteur gauche montre un endommagement important sur la plupart des aubes de fan, une perforation de l'entrée d'air ainsi que l'arrachement de matière autour du fan et sur les panneaux acoustiques. Le moteur gauche a été changé. Sur le moteur droit, quatre aubes de fan ont été changées. Un point fixe a permis de contrôler le niveau de vibrations. Aucun défaut n'a été constaté à l'endoscopie.

 

ATIS

L'information enregistrée dans l'heure précédant l'évènement indiquait en particulier : ATTENTION FORTE PRESENCE AVIAIRE SUR LE TERRAIN. Les services de la navigation aérienne ont indiqué que l'ATIS ne mentionne la présence d'oiseaux sur la plate-forme que lorsqu'un risque aviaire important est signalé par le SSLIA. En décembre, vingt-sept jours ont été ainsi caractérisés et vingt-et-un en novembre. Les conditions météorologiques indiquées dans l'ATIS étaient les suivantes : visibilité supérieure à 10 kilomètres, nuages peu nombreux à 600 pieds, épars à 1 600 pieds, fragmentés à 5 300 pieds.

 

Situation ornithologique locale

L'aérodrome est situé sur des routes migratoires de vanneaux huppés et d'autres espèces comme les rapaces. La nature des migrations a évolué en raison du réchauffement climatique. Ces populations aviaires sont davantage présentes l'hiver dans le sud-ouest de la France. La protection des nombreuses espèces tend également à augmenter la taille des populations.

 

Prévention du péril aviaire

La lutte aviaire sur l'aérodrome est confiée au SSLIA et est assurée en permanence pendant le jour aéronautique (de trente minutes avant le lever du soleil à trente minutes après le coucher du soleil). Un pompier, relevé toutes les heures, patrouille dans un véhicule spécifique et veille la fréquence sol. Le manuel d'exploitation de la tour de contrôle précise que toute information émanant des équipages, et qui pourrait faciliter l'intervention, est à relayer vers l'agent chargé de la lutte aviaire. Le cahier de lutte aviaire ne mentionne pas de demande spécifique dans la matinée qui a précédé l'événement.

 

Procédure anormale Vibrations Réacteur Elevées

Elle indique de réduire la manette de poussée du moteur concerné pour maintenir le niveau de vibrations en dessous des valeurs « advisory (N1 > 6 unités ou N2 > 4,3 unités) ». Il est aussi précisé qu'une détection vibration seule n'implique pas la coupure du réacteur. La procédure ne prévoit pas des vibrations sur les deux moteurs. L'équipage, confronté à cette situation rare, a dû imaginer une solution en l'absence de procédure.

 

Enseignements

 

Service de prévention de lutte animalière

La nouvelle réglementation définit un champ d'application du service de lutte animalière à partir du nombre de mouvements de certains avions commerciaux ainsi que les moyens minimaux à mettre en œuvre par les exploitants d'aérodrome. La dimension de la zone à traiter (doublet de pistes par exemple), l'importance de la population d'oiseaux, les éventuelles difficultés à les tenir éloignés durablement et le nombre important de vols non-commerciaux (comme par exemple les vols d'essais d'Airbus à Toulouse) peuvent justifier de moyens complémentaires et obligatoires sur certains aérodromes.

 

Evaluation du risque

Le danger lié à la présence d'oiseaux avait été identifié par l'équipage de l'Embraer 135. La gestion en temps réel par le contrôleur et l'équipage du risque associé repose notamment sur l'analyse des avantages d'un décollage et des « coûts » d'une inspection de piste et d'un éventuel effarouchement avant d'entreprendre le décollage. Cette analyse « coûts/bénéfices » peut amener à sous-évaluer le risque pour privilégier en premier lieu l'efficacité opérationnelle. Une concertation au préalable entre les agents SSLIA, les contrôleurs et les équipages est susceptible d'améliorer la conscience du risque et la prise de décision.