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Collision avec une clôture lors d'un décollage en campagne

Collision avec une clôture lors d'un décollage en campagne

Responsible entity

France - BEA

Investigation progression Closed
Progress: 100%

1 - Déroulement du vol

Dix jours après un atterrissage forcé en campagne (cf. rapport F-GBFG du 15 octobre 2012(1)), le pilote (différent de celui ayant atterri en campagne) décolle face à l’ouest du même champ. Le champ présente une légère pente descendante vers la gauche. Lors du roulement au décollage, l’avion part légèrement vers la gauche. Après la rotation, la jambe gauche du train d’atterrissage principal heurte un poteau en bois de la clôture du champ. Le pilote poursuit le décollage et atterrit sur l’aérodrome de La Roche-sur-Yon (85).

Après l’atterrissage en campagne, deux sociétés avaient été contactées pour démonter l’avion mais aucune ne pouvait effectuer l’opération avant trois semaines. L’exploitant de l’avion a donc souhaité le faire décoller depuis le champ. Un agent de la Direction de la Sécurité de l’Aviation Civile (DSAC) a évalué l’état du champ et des dégagements. Il a demandé que des aménagements soient réalisés pour permettre le décollage en sécurité et obtenir l’autorisation de décollage par le préfet.

Le jour du décollage :

les aménagements demandés ont été effectués en présence de l’agent de la DSAC et du pilote : la clôture, située perpendiculairement à l’axe de décollage, a été déposée sur une largeur d’environ 20 mètres et une butte a été aplanie avec un engin agricole. Plusieurs passages avec l’engin ont permis de damer le terrain et de coucher l’herbe ;

une inspection à pied de la bande de roulement envisagée dans le champ a été effectuée ;

un mécanicien a vérifié l’état général de l’avion et a démonté les sièges passagers pour l’alléger ;

pour assurer le vol vers l’aérodrome le plus proche (La Roche-sur-Yon), environ 40 litres de carburant ont été versés dans les réservoirs.

2 - Renseignements complémentaires

2.1 Expérience et témoignage du pilote

Le pilote, titulaire d’une licence CPL(A) et d’une qualification d’instructeur FI(A), totalisait 14 780 heures de vol, dont 4 320 sur monomoteur et 44 heures dans les trois mois précédant le jour de l’incident, dont 17 sur type. Il a été contacté par l’exploitant quelques jours avant la date du décollage prévu. Il a effectué avec le concours de quatre personnes dont un responsable de la société :

des calculs de performances à partir du manuel de vol majorés par un coefficient multiplicateur de 1,30 pour la distance de décollage(2) ;

des essais trois jours avant le décollage avec le même type d’avion sur une piste en herbe.

Le pilote explique que pour réduire la distance de décollage, il avait décidé de décoller en maintenant le vol au second régime. Il précise que cette décision l’a amené à avoir une forte assiette à cabrer qui l’a empêché de voir la clôture. Il estime a posteriori que, compte-tenu de la longueur utilisable, cette décision n’était pas nécessaire. Il a entendu le bruit du choc entre la jambe de train d’atterrissage et la clôture, a poursuivi le décollage et le vol à destination de l’aérodrome de La-Roche-sur-Yon. Le pilote indique que les opérations d’aménagement des champs ayant pris du retard (clôture et butte), il n’a pas voulu insister pour élargir davantage l’ouverture de la clôture. Il ajoute que les conditions météorologiques ne permettaient pas d’envisager le décollage le lendemain.

2.2 Renseignements météorologiques

Les conditions météorologiques estimées étaient les suivantes : vent du 080° pour 6 kt, visibilité supérieure à 10 km, pas de nuages significatifs, température 18 °C, QNH 1008 hPa.

2.3 Aspects réglementaires

Concernant les décollages en campagne, le Code de l’aviation civile(3) indique en particulier :

qu’un « […] pilote peut être autorisé, sur sa demande et sous sa responsabilité, à décoller du lieu où il s’est posé » ;

que « l’autorisation est délivrée par le préfet territorialement compétent, sur avis favorable du représentant local des services de la navigation aérienne […]. Elle tient compte du type de l’aéronef, de l’état du terrain et des dégagements ».

L’origine de cet article est un décret de 1960, modifié par un décret de 1967, stipulant que l’avis est donné au préfet par les services de la navigation aérienne. Dans la pratique, ce sont les agents des DSAC Interrégionales qui délivrent cet avis. Or il s’avère que, ne disposant pas de critères clairs, les agents peuvent donner des appréciations différentes selon la DSAC Interrégionale à laquelle ils appartiennent. Par ailleurs, ils peuvent naturellement avoir tendance à se prononcer sur les risques encourus par le pilote lors du redécollage alors que la réglementation ne précise pas la nature des risques qui doivent être pris en compte dans l’avis délivré par les services de la navigation aérienne.

3 - Enseignements et conclusion

La décision du pilote de maintenir une forte assiette à cabrer dans le but de réduire la distance de roulement au décollage ne lui a pas permis d’assurer une surveillance visuelle extérieure suffisante, de détecter la déviation de la trajectoire, probablement due à la légère pente transversale du champ et, de fait, d’éviter la collision avec le poteau de la clôture. Le maintien de cette forte assiette associée à la composante de vent arrière a probablement diminué la capacité de montée de l’avion au décollage.

La clôture a été déposée sur environ vingt mètres, ce qui est comparable à la largeur de certaines pistes. Cette largeur est suffisante mais limite tout écart de trajectoire, difficilement détectable dans un champ sans repère au sol. Il est probable que la pression temporelle pour pouvoir décoller dans l’après-midi, en raison de la dégradation des conditions météorologiques, n’a pas incité à déposer la clôture sur une plus grande largeur.

4 - Recommandations

Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.

Autorisation de décollage en campagne et dispositions de sécurité associées

Lorsque l’aéronef est endommagé à la suite d’un atterrissage en campagne, le redécollage depuis le même endroit est rarement envisagé. En revanche, cette solution est souhaitée par les exploitants ou propriétaires lorsque l’état de l’aéronef et l’environnement du lieu d’atterrissage le permettent car elle fait gagner du temps et épargne des dépenses. Une autorisation préfectorale est alors nécessaire pour que le pilote, sous sa responsabilité, puisse effectuer la manœuvre. Elle est délivrée après avis des autorités compétentes sur les risques encourus. Selon l’article D 132-2 du Code de l’aviation civile, cette compétence est attribuée aux « Services de la Navigation Aérienne ».

Au fil du temps, la réglementation est devenue caduque puisque les autorisations sont actuellement données par des agents de la DSAC. Par ailleurs, elle ne précise pas si l’avis doit couvrir les seuls risques encourus par les riverains et autres utilisateurs de l’espace aérien local ou s’il doit prendre en compte ceux encourus par le pilote, même s’il effectue le décollage sous sa propre responsabilité. Les agents de la DSAC ne disposent donc pas de critères pertinents pour se prononcer.

C’est pourquoi le BEA recommande à la DGAC :

de réviser l’article D132-2 du Code de l’aviation civile pour prendre en compte les missions en vigueur confiées à ses services en matière d’autorisation de décollage des aéronefs en campagne et, en fonction, d’établir les procédures internes à la DGAC et les critères techniques à prendre en compte pour fournir les avis au préfet territorialement compétent relatifs aux décollages en campagne ; [Recommandation FRAN-2014-014]

d’établir un guide pour les clubs ou sociétés présentant les formalités administratives et les dispositions de sécurité à prendre avant d’envisager un décollage après un atterrissage en campagne. [Recommandation FRAN-2014-015]

(1)http://www.bea.aero/docspa/2012/f-fg121015/pdf/f-fg121015.pdf

(2)Ce coefficient correspond à celui prévu par la réglementation relative aux opérations aériennes avec un avion monomoteur pour le décollage sur une piste en herbe mouillée.

(3)Article D132-2 du Code de l’aviation civile.