Skip to Main Content

Feu moteur en croisière, fumées en cabine, atterrissage d'urgence, collision avec la végétation puis le sol

Feu moteur en croisière, fumées en cabine, atterrissage d'urgence, collision avec la végétation puis le sol

Responsible entity

France - BEA

Investigation progression Closed
Progress: 100%

1 - Déroulement du vol

Le pilote décolle à 9 h 56 de l’aérodrome de Gap Tallard (05) à destination de l’aérodrome de Mulhouse Habsheim (68).

Sept minutes plus tard, il contacte Marseille Information et indique qu’il monte vers le FL80 afin de passer au-dessus de la couche nuageuse.

A 10 h 06, le pilote indique au contrôleur qu’il pense avoir un feu à bord et qu’il revient vers Gap puis se déclare en situation de détresse. Le contrôleur collationne et précise qu’il n’a pas de contact radar. Il prévient les secours de l’aérodrome de Gap.

Une minute plus tard, le contrôleur demande au pilote s’il a « le visuel sur Gap » et n’obtient pas de réponse.

Trente secondes plus tard, le contrôleur réitère sa demande. Le pilote répond « monsieur j’essaie de mon… ». Le contrôleur lui indique que « tout le monde est prévenu ». Il lui rappelle qu’il ne peut pas lui donner de cap car il n’a pas de contact radar.

Une minute plus tard, le pilote indique qu’il va devoir atterrir en urgence. En réponse à une demande du contrôleur, il précise qu’il est à une altitude de 4 000 ft.

Deux minutes plus tard, le contrôleur le rappelle et n’obtient plus de réponse.

L’épave est retrouvée en lisière d’un bois à proximité d’un terrain de golf.

2 - Renseignements complémentaires

2.1 Examen du site et de l’épave

L’examen du site et de l’épave a montré que :

l’aile droite a heurté le sommet d’un arbre d’une hauteur estimée à 20 ou 30 m et s’est rompue à son extrémité. L’avion a ensuite heurté plusieurs arbres avant de s’écraser à une centaine de mètres du premier impact ;

le moteur délivrait une faible puissance ;

les trains d’atterrissages étaient sortis et verrouillés ;

la commande des volets était dans une position intermédiaire entre les positions 10° et 25°.

Les équipements et commandes ont été retrouvés dans la configuration suivante :

les interrupteurs de la batterie et de l’alternateur étaient sur OFF ;

les magnétos étaient sur ON ;

le sélecteur carburant était positionné sur le réservoir droit ;

l’interrupteur pompe de carburant auxiliaire était sur ON ;

la commande d’air conditionné était sur ON et le réglage de la ventilation sur HI ;

la commande de chauffage était sur ON et la commande de dégivrage du pare-brise sur DEFROST ;

tous les disjoncteurs étaient poussés à l’exception de celui protégeant l’indicateur de décrochage.

La position des commandes de puissance et de richesse au moment de l’accident n’a pas pu déterminée.

L’examen du moteur a montré que des traces d’incendie étaient visibles au niveau de la cloison arrière du moteur et sur les équipements installés à l’arrière de celle-ci.

Un raccord métallique faisant la liaison entre la tuyauterie souple d’alimentation en carburant en provenance de la pompe électrique et la tuyauterie rigide de liaison vers le régulateur de carburant a été retrouvé desserré. Seuls trois filets étaient en prise de part et d’autre du raccord.

Des essais ont montré que l’alimentation en carburant du moteur en amont du raccord desserré provoque une fuite importante au niveau du raccord dès la mise en pression. Lorsque la pression de référence est atteinte, le carburant est projeté vers la zone ayant subi les dommages(1). La pression mesurée à l’entrée du répartiteur(2) alimentant les injecteurs est alors inférieure à celle mesurée lorsque le régime du moteur est au ralenti.

2.2 Procédure « incendie en vol »

La procédure « incendie en vol » du constructeur est la suivante :

Origine de l’incendie Vérifier

Incendie d’origine électrique (fumées dans la cabine)

Contact général OFF

Mises à l’air libre Ouvertes

Chauffage de la cabine OFF

Atterrir le plus tôt possible

Incendie moteur

Sélecteur de carburant OFF

Manette des gaz Closed (réduits)

Mélange sur étouffoir

Pompe à carburant auxiliaire Vérifier sur OFF

Chauffage et dégivrage OFF

Appliquer la procédure « atterrissage sans moteur »

2.3 Entretien de l’avion

La visite annuelle et la remise en service de l’avion ont été effectuées le mois précédant l’accident par un technicien possédant une licence délivrée par la FAA. L’ensemble des travaux a été effectué avec l’aide du propriétaire.

Après avoir détecté des traces de surchauffe sur les soupapes des cylindres 1 et 4, le propriétaire avait décidé de remplacer cinq cylindres, le sixième ayant été changé l’année précédente. Cette opération d’entretien nécessite la dépose d’éléments du moteur. A l’issue des travaux, des essais du moteur au sol avaient été effectués par le technicien puis un vol de contrôle de trente minutes avait été réalisé par le propriétaire en l’absence du technicien.

Un Bulletin de Service (SB) du constructeur du moteur(3) fournit des recommandations sur les opérations à effectuer après le remplacement de tout ou partie des cylindres ou une révision générale. Il spécifie quelle huile utiliser pour les vingt-cinq premières heures et décrit les procédures d’essais au sol et en vol. Il y est notamment préconisé de surveiller le débit du carburant, la pression d’huile, les températures des cylindres et d’huile lors du vol de contrôle qui doit durer au moins deux heures.

Le technicien n’avait pas connaissance de ce SB. Il indique que la documentation du constructeur de l’avion demande la vérification des températures lors d’un essai en vol mais ne demande pas de vol particulier à la suite du changement des cylindres.

Entre cette opération d’entretien et le vol de l’accident, un voyage aller-retour entre Mulhouse Habsheim et Cannes (06) puis un vol vers Gap avaient été effectués, pour une durée de vol de huit heures. Aucun problème particulier n’avait été détecté au cours de ces vols.

2.4 Renseignements sur le technicien

Le technicien était titulaire d’une licence de mécanicien A&P(4) délivrée par la FAA en 2005 et d’une habilitation à délivrer des approbations pour remise en service IA(5) délivrée par la FAA en 2010. Il réalisait une dizaine d’entretiens par an. Il n’avait jamais effectué d’entretien sur un PA 28 auparavant et avait très peu d’expérience sur les moteurs Continental.

Il louait un hangar au sein d’un aéroclub de Mulhouse Habsheim dans lequel il effectuait les entretiens. L’espace de manœuvre y était restreint et les conditions d’éclairage n’étaient pas bonnes. Le technicien empruntait l’outillage d’un atelier voisin lorsqu’il n’en disposait pas. Il indique qu’il lui arrivait d’être interrompu dans ses tâches d’entretien.

Lors de l’opération d’entretien sur le N68XM, il ne pense pas avoir été amené à démonter le raccord retrouvé desserré.

2.5 Renseignements relatifs au pilote

Le pilote, titulaire d’une licence PPL(A) depuis 2002, totalisait 1 323 heures de vol.

2.6 Conditions météorologiques

Les conditions météorologiques estimées étaient les suivantes : vent faible du secteur nord / nord-ouest, visibilité supérieure à 10 km, ciel nuageux à très nuageux par stratocumulus bourgeonnant, accrochant parfois le relief, température 3 °C, QNH 1005 hPa. La turbulence était localement modérée.

3 - Enseignements et conclusion

Le raccord retrouvé desserré a probablement été insuffisamment serré lors de travaux d’entretien ; le desserrage a pu s’accentuer avec la présence de vibrations, jusqu’à l’apparition d’une fuite de carburant. Cette fuite a généré :

une projection de carburant sur des parties chaudes du moteur provoquant un début d’incendie ;

une baisse de pression de carburant au niveau des injecteurs et en conséquence une diminution de la puissance du moteur.

Le feu, qui est resté localisé, a provoqué des fumées qui ont pénétré dans l’habitacle.

Au cours du vol, le pilote a probablement appliqué la procédure relative à un incendie d’origine électrique. Au cours de l’atterrissage d’urgence sur un terrain de golf, l’avion a heurté le sommet des arbres puis le sol. Le pilote a probablement été gêné par la présence de fumée dans l’habitacle, ce qui a pu rendre difficile la gestion de l’atterrissage d’urgence.

L’application de la procédure de contrôles en vol recommandée par le constructeur du moteur aurait pu permettre de déceler une éventuelle anomalie des paramètres du moteur.

(1)Cette zone atteint des températures élevées lorsque le moteur est en fonctionnement.

(2)Situé en aval du raccord desserré.

(3)Référencé SB M89-7R1 et daté du 4 août 1989.

(4)Airframe and Powerplant mechanics.

(5)Inspection authorization.