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Panne de carburant en croisière, arrêt des deux moteurs, atterrissage forcé en campagne

Panne de carburant en croisière, arrêt des deux moteurs, atterrissage forcé en campagne

Responsible entity

France - BEA

Investigation progression Closed
Progress: 100%

1 - Déroulement du vol

Le pilote et deux passagers décollent sous plan de vol IFR de l'aérodrome de Sarlat-Domme (24) pour un vol d'entraînement dans la région de Bordeaux (33). Le pilote effectue une approche de précision suivie d'une remise de gaz à Bordeaux-Mérignac. Il clôture son plan de vol IFR et poursuit son vol en VFR vers l'aérodrome de Bordeaux-Léognan-Saucats (33) où il atterrit. Il dépose l'un des passagers sans arrêter les moteurs puis redécolle quelques minutes plus tard à destination de Bergerac (24) où il a prévu d'avitailler. Après dix minutes de vol, à une altitude d'environ 2 000 ft, les deux moteurs s'arrêtent. Le pilote procède à un atterrissage forcé face au sud-ouest.

2 - Renseignements complémentaires

2.1 Renseignements sur l'épave

L'avion a atterri, train sorti, dans une vigne située sur le flanc gauche d'une vallée montante. La déformation des hélices indique qu'elles tournaient en moulinet à l'atterrissage. Aucune odeur de carburant n'était perceptible : réservoirs d'ailes et nourrices étaient vides. Les trois trains d'atterrissage ont été arrachés lors de l'atterrissage.

2.2 Témoignage du pilote

Le pilote indique que deux jours avant l'accident, il avait ajouté 800 litres de carburant dans les réservoirs sur l'AD de Limoges (87). Il estime qu'il disposait alors 1 450 litres(1) de carburant. Il explique qu'il a ensuite effectué les trois vols suivants les :

- 27 mars : un entraînement de 1 heure 40 minutes comportant des posés-décollés sur plusieurs aérodromes ;

- 28 mars : des circuits d'aérodrome à Sarlat pendant 50 minutes environ ;

- 29 mars : les vols du jour de l'accident d'une durée d'une heure.

Le pilote précise qu'avant de décoller de Sarlat, il n'a pas vérifié visuellement la quantité de carburant présente dans les réservoirs. Les jauges indiquaient environ 800 livres (environ 450 litres), soit une quantité lui procurant suffisamment d'autonomie pour rejoindre Bergerac. Il précise qu'il se base sur une consommation d'environ 500 lbs/h (environ 280 l/h).

Quelques instants avant l'arrêt des deux moteurs, il a perçu des battements d'aiguilles des indicateurs « Fuel Flow » ainsi que l'allumage des voyants rouge « Fuel Low Pressure ». Il a repéré un champ en arrière sur sa gauche et a configuré l'avion pour y atterrir. Etabli en finale, vent de face, il s'est rendu compte qu'il ne pourrait pas atteindre le champ et a procédé à un atterrissage forcé dans une vigne.

2.3 Renseignements sur l'aéronef

Le N90KH est équipé de deux turbopropulseurs General Electric-Walter GE M601E-11. Les données du constructeur indiquent une consommation horaire moyenne théorique totale, en croisière à puissance maximum, de 500 litres (880 livres) de carburant au niveau de la mer, de 480 litres (844 livres) à 2 500 ft d'altitude et de 420 litres (740 livres) au FL120.

L'horamètre de bord mesure le temps de vol lorsque les amortisseurs du train sont détendus.

La quantité de carburant contenue dans les réservoirs apparaît sur deux indicateurs (gauche et droit). Un interrupteur sur le panneau de commande permet la surveillance des systèmes carburant principal et auxiliaire : la quantité est lue directement en livres. Sur chaque indicateur apparaît un arc jaune gradué de 0 à 265 lbs, soit environ 150 litres ou 35 minutes de fonctionnement. Il indique la quantité en-dessous de laquelle il ne faut pas décoller.

2.4 Temps de vol depuis le dernier avitaillement et consommation horaire

Une feuille manuscrite retrouvée dans l'avion indiquait les horaires de décollage et d'atterrissage des vols effectués depuis plusieurs jours ainsi que le temps de fonctionnement en vol relevé sur l'horamètre. Elle a permis d'établir que l'avion avait volé pendant 3 heures et 20 minutes depuis l'avitaillement à Limoges.

L'analyse des enregistrements radar depuis Limoges a montré que tous les vols avaient été réalisés dans les basses couches et qu'ils avaient donné lieu à de nombreux décollages et atterrissages, soit des conditions durant lesquelles la consommation de carburant peut être importante.

Au temps de vol, il convient d'ajouter les temps de fonctionnement des moteurs lors des points fixes et lors des roulages ainsi qu'aux points d'attente. Ils peuvent être estimés à 20 minutes.

Considérant que les réservoirs étaient pleins après l'avitaillement à Limoges, on peut conclure que la consommation moyenne s'est établie à un peu plus de 450 l/h et qu'au départ de Sarlat la quantité présente dans les réservoirs était proche de 450 litres, soit environ 800 livres, quantité lue par le pilote sur ses jauges.

2.5 Préparation du vol

Le pilote a préparé le vol de l'accident sur un site Internet. Parmi les données utilisées, on note une quantité de carburant de 840 litres au départ de Sarlat alors que les jauges indiquaient plutôt 800 livres (cf. § 2.2). Le temps de vol prévu était de 40 minutes. L'approche de précision à Bordeaux-Mérignac, qui n'était pas prévue sur le plan de vol, a allongé la durée de vol.

2.6 Licence et expérience du pilote

Le pilote est titulaire d'une licence de pilote privé avion française (PPL/A), d'une licence de pilote privé avion américaine et d'une licence de pilote professionnel avion canadienne. Il totalisait 2 640 heures de vol dont 300 sur type et 12 dans les trois derniers mois.

2.7 Renseignements sur les conditions météorologiques

Les conditions météorologiques étaient les suivantes : vent du 210° pour 5 kt, visibilité 9 999 m, BKN à 1 700 ft, BKN à 2 300 ft, BKN à 3 500 ft, température 16 °C, température du point de rosée 12 °C, QNH 1005 hPa.

3 - Enseignements et conclusion

Le pilote a décollé avec environ 800 livres de carburant en pensant disposer d'une heure trente minutes d'autonomie, soit l'autonomie disponible avec 800 litres.

Dans ces conditions, il ne disposait ni de la quantité suffisante de carburant pour réaliser ce vol ni des réserves requises pour un vol en régime IFR.

L'arrêt des moteurs par manque de carburant et l'atterrissage forcé qui en a résulté ont donc probablement pour origine une confusion entre les unités de mesures (Litres et Livres).

L'absence de contrôle visuel de la quantité de carburant avant le départ du vol n'a pas permis au pilote de s'apercevoir de son erreur.

Le principe de sécurité consistant pour le pilote à vérifier la quantité présente à bord à partir de sources différentes, permet de limiter les risques de panne de carburant.

Ce principe est rappelé dans l'annexe de l'Arrêté du 24 juillet 1991, au chapitre 5.6 « Le commandant de bord doit s'assurer avant tout vol que les quantités de carburant, de lubrifiant et autres produits consommables lui permettent d'effectuer le vol prévu avec une marge acceptable de sécurité. ».

 

(1)La capacité totale utilisable des réservoirs du Beech 90C King Air est de 1 452 litres.