Panne d'essence, atterrissage en campagne, basculement sur le dos, après un largage de parachutistes
Panne d'essence, atterrissage en campagne, basculement sur le dos, après un largage de parachutistes
1 - DÉROULEMENT DU VOL
Le pilote effectue des largages de parachutistes au départ de l’aérodrome d’Oyonnax Arbent(1). Lors du neuvième vol de la journée, alors que l’avion est à une hauteur de 1 500 ft en descente en base éloignée pour la piste 22, il observe une élévation de la température d’un des cylindres associée à une alarme sur l’EDM(2) 700. Il agit sur les commandes de richesse et de puissance et constate que le moteur ne délivre plus de puissance. Il sélectionne le réservoir opposé. Ses actions sont sans effet. Il estime qu’il ne pourra pas atteindre l’aérodrome et décide de se poser dans un champ qui lui semble propice à l’atterrissage. Lors du roulement à l’atterrissage, le train avant se rompt, l’avion passe en pylône et bascule sur le dos.
2 - RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES
2.1 Site de l’accident et examen de l’épave
Le site de l’accident se situe dans une zone boisée à flanc de colline. Le champ est en léger devers et bosselé.
Les traces laissées au sol par les trains principaux étaient discontinues et n’apparaissaient qu’au sommet des bosses. La rupture de la jambe du train avant est survenue sur la troisième bosse.
Le réservoir droit a été retrouvé vide, aucune trace de carburant n’a été constatée au sol à proximité de ce réservoir. Le réservoir gauche contenait 15 à 20 litres de carburant et du carburant a été retrouvé au-dessous de l’aile.
Les examens du circuit carburant, des filtres et des injecteurs n’ont pas mis en évidence d’anomalie susceptible d’expliquer l’arrêt du moteur.
Le bloc de décantation et le répartiteur de carburant vers les injecteurs contenaient du carburant à un niveau inférieur au niveau requis pour un fonctionnement nominal.
2.2 Expérience du pilote
Le pilote, titulaire d’une licence de pilote professionnel CPL(A), totalisait environ 1 000 heures de vol dont 200 heures sur type et 180 heures en largage sur cet avion.
2.3 Témoignage du dirigeant de la société
Pour une raison d’organisation des sauts, le dirigeant de la société propriétaire de l’avion avait prévu entre chaque avitaillement une série de deux vols le samedi et une série de trois vols le dimanche.
Il précise qu’il imposait au pilote une descente après le largage avec un taux de chute d’environ 1 500 ft/min, soit huit à dix minutes de descente, afin d’éviter les chocs thermiques sur les cylindres pour ne pas endommager le moteur. Ce temps de descente permettait également aux parachutistes d’atterrir et de s’équiper à nouveau, tout en minimisant le temps d’attente de l’avion, moteur tournant sur l’aire de stationnement.
Il ajoute avoir vu, à plusieurs reprises durant ces deux jours, le pilote faire l’avitaillement et jauger le carburant.
2.4 Organisation des vols
L’autorisation d’effectuer les vols de largage au FL110, sur ces deux jours a été accordée par la DSAC Centre-Est. Un NOTAM a été publié.
L’avion évoluait dans une zone gérée par le contrôle de Genève obligeant le pilote à demander l’autorisation de monter à partir du FL070 puis l’autorisation de largage au FL110. Une attente au FL070 lors de la montée et au moment du largage pouvait survenir au cours du vol.
2.5 Témoignage du pilote
Le pilote indique qu’un vol durait en moyenne trente minutes et qu’il utilisait pour l’avitaillement une consommation forfaitaire de 1 litre/minute, soit 30 litres par vol, basée notamment sur son expérience sur cet avion. Il explique qu’il mettait le carburant nécessaire plus une réserve d’environ 20 litres dans un des deux réservoirs et les réserves réglementaires(3) soit 30 litres dans l’autre réservoir.
Il utilisait une jauge manuelle pour contrôler la quantité restante et déterminer la quantité à ajouter dans chaque réservoir avant l’avitaillement, puis jaugeait à nouveau manuellement les réservoirs pour confirmer la quantité totale. Il précise que les jauges instrumentales de l’avion ne sont pas fiables et qu’il est difficile d’avoir une estimation correcte de la quantité de carburant restante à partir de la lecture de ces dernières.
Après le dernier vol du samedi, il a fait un avitaillement pour préparer la journée du dimanche. Il estime les quantités de carburant à environ 30 litres dans le réservoir gauche et 120 litres dans le réservoir droit qu’il a utilisé comme réservoir principal pour les vols du dimanche.
Il explique que les vols lui ont paru plus courts le dimanche avec peu d’attente au FL70 et au largage. Il pensait avoir consommé moins de carburant et les quantités jaugées lui ont semblé cohérentes avec cette constatation.
Lorsqu’il a détecté une alarme sur l’EDM 700 et une élévation de la température sur un des cylindres, il a pensé avoir une défaillance d’indication de l’EDM ou un problème mécanique sur le moteur et n’a pas remarqué l’arrêt du moteur.
Il explique que la présence d’une colline sur sa trajectoire ne lui permettait pas de rejoindre la piste en sécurité.
2.6 Gestion de l’avitaillement et déroulement des vols
Le samedi 18 octobre, dix vols ont été effectués. Le pilote a réalisé un avitaillement entre chaque série de deux vols, de 60 litres de carburant, sauf pour la première série où il a pris en compte le carburant restant après le convoyage du vendredi et n’a eu besoin d’ajouter que 20 litres. La durée de vol de chaque série a été d’une heure à l’exception de la première série qui a duré 1 h 12 en raison du point fixe et de la mise en température du moteur.
A l’issue de la dernière série du samedi, il a avitaillé 80 litres pour préparer l’avion pour le dimanche.
Le tableau ci-après fait la synthèse des informations recueillies pour la journée du 19 octobre :
(1) La durée est calculée du démarrage jusqu’à l’arrêt du moteur (données issues de l’EDM 700).
(2) Temps depuis la mise en puissance pour le décollage jusqu’à la fin du largage et le début de la mise en descente (données issues des vidéos réalisées par les parachutistes).
(3) Attentes imposées par le contrôle de Genève pendant le vol.
La jauge manuelle utilisée pour estimer la quantité de carburant n’est pas la jauge prévue pour être utilisée sur cet avion. Les graduations ne permettent pas une lecture directe de la quantité de carburant. Il n’existe pas de table de correspondance.
Néanmoins, du fait de son expérience, le pilote connaissait la correspondance entre certaines graduations de la jauge et la quantité réelle de carburant.
2.7 Conditions météorologiques
Les conditions météorologiques estimées sur le site de l’accident étaient :
vent de secteur sud-ouest pour 5 à 10 kt ;
CAVOK ;
température 24 °C ;
QNH 1023.
3 - ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION
3.1 Analyse de l’arrêt du moteur
L’enquête a mis en évidence un arrêt du moteur à la suite d’un défaut d’alimentation en carburant résultant d’un assèchement du réservoir sélectionné.
L’arrêt du moteur est survenu pendant la descente dans une phase où le moteur est au ralenti. Dans cette phase, les symptômes précurseurs permettant de déceler un problème lié à l’alimentation en carburant, tels qu’une diminution de puissance ou des ratés du moteur, étaient difficilement perceptibles par le pilote.
Le pilote a toutefois détecté une alarme d’élévation des températures des cylindres et des gaz d’échappement cohérente avec un appauvrissement du mélange air-carburant, résultant de l’assèchement du réservoir. Il a attribué cette alarme à un problème lié au moteur ou à une défaillance d’un capteur de l’EDM 700. Il n’a pas eu conscience d’être confronté à un assèchement de réservoir.
3.2 Gestion du carburant
L’analyse des durées de vol sur les deux jours montre que le décompte forfaitaire de trente minutes par vol est cohérent avec les temps de vol effectifs sans prendre en compte les retards dus aux attentes imposées par le contrôle.
Le pilote a déterminé, à l’issue du troisième vol et du sixième vol et après avoir jaugé le réservoir droit, qu’il devait ajouter respectivement 70, puis 80 litres de carburant au lieu des 90 litres prévus. Cette quantité n’était pas en adéquation avec les temps de vol effectifs et la stratégie d’avitaillement utilisée la veille.
Il n’a pas été possible de déterminer si le pilote a :
mal interprété les quantités de carburant indiquées par la jauge, en fonction des graduations et en l’absence de table de correspondance ;
omis de comptabiliser les 20 litres additionnels dans son calcul de la quantité de carburant à emporter.
Les deux avitaillements successifs de 70 et 80 litres n’ont pas compensé la consommation des vols précédents. Le retard de cinq minutes subi au largage lors du septième vol a été suffisant pour conduire à l’assèchement du réservoir droit lors du dernier vol.
3.3 Causes
L’arrêt du moteur est dû à une gestion et une surveillance insuffisantes de la quantité de carburant ayant entraîné un assèchement du réservoir sélectionné.
Les facteurs suivants ont contribué à la panne d’essence :
l’utilisation d’une jauge manuelle ne correspondant pas à l’avion ;
le non-respect de la stratégie d’avitaillement.
(1)L’aérodrome est à une altitude de 1 755 ft.
(2)Calculateur de surveillance du moteur qui enregistre les températures des cylindres et des gaz d’échappement, la température d’huile et la tension de la batterie et génère des alarmes de dépassement de température.
(3)20 minutes de vol auxquelles s’ajoutaient les sept litres inutilisables.