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Rapprochement anormal entre un RJ1H au décollage et un B738 en remise de gaz

Rapprochement anormal entre un RJ1H au décollage et un B738 en remise de gaz

Responsible entity

France - BEA

Investigation progression Closed
Progress: 100%

Déroulement du vol

Un Gulfstream 5 est en finale pour un atterrissage en piste 15 de l’aérodrome de Bâle-Mulhouse.

L’équipage d’un AVRO RJ 100 contacte le contrôleur sur la fréquence tour alors qu’il est au roulage vers le point d’arrêt 15, pour un départ ELBEG5Y. Le contrôleur lui indique qu’il le rappellera.

Lorsque le Gulfstream est à 4 NM du seuil, le contrôleur lui demande de rappeler en courte finale.

Dans le but d’accélérer la cadence, le contrôleur autorise l’équipage du RJ 100 à s’aligner en piste 15 derrière le Gulfstream en finale et à attendre.

Il autorise ensuite l’équipage du Gulfstream à atterrir.

Peu de temps après, l’équipage d’un B 737 s’annonce à 9 NM sur la fréquence tour. Le contrôleur lui demande de réduire la vitesse à 180 kt puis 160 kt, l’espacement entre les deux atterrissages étant d’environ deux minutes.

L’équipage du Gulfstream indique qu’il est en train de dégager la piste par la bretelle F. Le contrôleur collationne et lui demande de passer sur la fréquence sol. Le Gulfstream, toujours sur la piste, ralentit fortement et met environ quarante secondes à quitter la piste.

L’équipage du RJ 100 est alors autorisé au décollage.

Le contrôleur indique à l’équipage du B 737 de poursuivre et qu’il recevra une clairance tardive.

L’avion se situe à 0,7 NM du seuil. L’équipage est autorisé à l’atterrissage vingt secondes plus tard, le RJ 100 étant près de la rotation entre les bretelles de dégagements F et G, soit environ 1 400 m après le seuil de piste 15.

L’équipage du B 737 remet les gaz, en précisant qu’il vire à droite(1). Le contrôleur collationne puis lui demande de maintenir l’axe de piste. Les deux équipages (RJ 100 puis B 737) collationnent. Le contrôleur reprend l’équipage du RJ 100, en lui indiquant de suivre le départ prévu puis informe l’équipage du B 737 que le RJ 100 est en

virage à droite.

La séparation minimale entre les deux avions, calculée en fonction des données radar, est alors de 25 pieds et 0,6 NM, soit 20% de la norme(2).

L’équipage du RJ 100 quitte la fréquence tour et l’équipage du B 737 est pris en guidage radar afin d’atterrir treize minutes plus tard sans autre incident.

 

Renseignements complémentaires

Conditions météorologiques

L’observation au moment de l’incident sur l’aérodrome de Bâle-Mulhouse faisait état d’un vent du 360 pour 2 kt, d’une visibilité supérieure à 10 km, de nuages rares à 4 600 pieds, d’une température de 29 °C, d’une température du point de rosée de 17 °C, d’un QNH de 1017 hPa.

 

Renseignements sur l’aérodrome

La trajectoire publiée d’approche interrompue demande : « Monter dans l’axe. A 3,5 NM BLM, tourner à droite RM 276° en montée. Sauf clairance contraire, intercepter le radial 231° BLM puis l’arc 15 NM BLM à 4 000 MAX vers ALTIK. »

 

Organisme du contrôle aérien

Le manuel d’exploitation de la tour décrit les cadences à l’atterrissage. Il y est notamment précisé que les cadences minimales à l’atterrissage sont, en piste 15, en cas de départ, de trois minutes dans les conditions du jour.

 

Par ailleurs, dans le cadre de la formation à la fonction LOC, un module concernant les cadences est enseigné. Il y est notamment rappelé les cadences à l’atterrissage sur les deux pistes 15 et 33, les séparations sur la piste et que l’ultime « verrou »(3) par très beau temps est le point BLM.

Enfin, les cadences en piste 15 avaient été validées de nouveau par une étude réalisée pour la mise en service de l’ILS 33. Il y est précisé que par très bonnes conditions météorologiques la cadence minimale est de 2 min 40. Il y est également indiqué que la position critique est fixée à trois nautiques en finale.

 

Valeurs de séparation

La réglementation (RCA/3, chapitre 5) prévoit qu’un aéronef puisse recevoir une clairance d’atterrissage après un décollage si l’aéronef précédent laisse disponible une longueur de piste d’au moins 2 500 m. Cette distance est réduite à 2 000 m si l’aéronef précédent a effectivement décollé.

 

Témoignage du contrôleur

Le contrôleur indique qu’il n’avait pas exercé à ce poste depuis longtemps.

Il indique qu’il estimait la cadence entre les deux arrivées suffisante pour intercaler un départ. Il précise que cette cadence était de deux minutes et qu’il est fréquent d’intercaler un départ entre deux arrivées alors qu’il y a moins de trois minutes de cadence, si l’on s’assure de réduire les vitesses des arrivées.

Il indique que lorsqu’il décide de transférer le Gulfstream sur la fréquence sol, celui-ci est à environ 100 m de la bretelle de dégagement, avec une vitesse de roulage suffisante.

Lorsqu’il se rend compte que le Gulfstream reste sur la piste plus longtemps qu’il ne le prévoyait, il envisage que le B 737 effectuera une remise des gaz et décide que dans ce cas, il demandera au B 737 de continuer dans l’axe car le RJ 100 dégagera rapidement l’axe en suivant sa trajectoire de départ. Avec du recul, il indique que cette stratégie n’était pas la meilleure et qu’il aurait mieux valu demander au RJ 100 de poursuivre dans l’axe et au B 737 de virer à droite.

 

Mesures prises

La Commission Locale de Sécurité (CLS) du Service de la Navigation Aérienne a classé l’incident comme « significatif », avec un dysfonctionnement de la navigation aérienne classé comme « peu important » et sans origine technique.

A l’issue de la CLS, la Subdivision Instruction a rappelé à tous les instructeurs d’insister particulièrement, lors des formations, sur le sujet concernant les cadences et les verrous de piste.

 

Enseignements

Le manuel d’exploitation de la tour précise que la cadence minimale entre deux avions à l’arrivée est de trois minutes, dans les conditions du jour. Elle comporte des marges de sécurité qui tiennent compte des temps de réaction des opérateurs. Lors de l’incident, la cadence a été de 2 min 14. Compte tenu du dégagement tardif du Gulfstream, conjugué à la remise de gaz du B 737, le risque de collision a été très élevé puisque la séparation entre les deux aéronefs a été de 25 pieds et 0,6 NM. D’après le témoignage du contrôleur, il est fréquent que cette cadence ne soit pas respectée. Il serait donc intéressant que le prestataire de navigation aérienne étudie

systématiquement ces écarts, sans se limiter à des rappels individuels.

Le contrôleur avait mis en place en cas de remise de gaz la stratégie suivante : poursuite du B 737 dans l’axe contrairement à l’approche interrompue (API) publiée et dégagement de l’axe du RJ 100 selon la trajectoire de départ prévue. Il n’en avait pas fait part aux équipages.

La nécessité de suivre une procédure de remise de gaz non publiée augmente la charge de travail de l’équipage car ce dernier est notamment obligé de reprogrammer les systèmes. En l’absence d’une notification préalable par le contrôleur, l’équipage est confronté à une situation inattendue d’autant plus difficile.

Ainsi, le non-respect d’une API publiée doit rester l’exception et doit toujours faire l’objet d’une notification à l’équipage le plus en amont possible.

Il est à noter que les trajectoires publiées de l’API et du départ ELBEG 5Y sont conflictuelles. Le manuel d’exploitation de la tour ne prévoit pas d’alternative dans ce cas. Lorsqu’il n’existe aucune contrainte environnementale, une ségrégation des trajectoires de l’API et de départ pourrait être envisagée. Sinon, il appartient au contrôleur de délivrer les clairances de manière à ce que les espacements soient constamment respectés.

Par ailleurs, le contrôleur estime que l’on peut intercaler un décollage entre deux atterrissages, sans pour autant respecter la cadence minimale, si l’on s’assure de réduire la vitesse des avions à l’arrivée. Cependant, les contrôleurs n’ont pas toujours connaissance des performances de certains avions qui ne peuvent pas réduire rapidement leur vitesse en approche finale. Ceci peut augmenter les risques d’approches non stabilisées. L’insertion d’un décollage entre deux arrivées rapprochées

augmente bien évidemment le risque de collision.

 

(1) L’équipage du B 737 anticipe le virage à droite probablement pour assurer la séparation avec le RJ 100.

(2) L’écart par rapport à la norme est calculé sur la plus élevée des deux valeurs de séparation. En cas d’approche interrompue, les normes réglementaires de séparation sont 3 NM ou 1 000 pieds.

(3) Verrou : point déterminé par les services de contrôle locaux à partir duquel tout alignement est à éviter afin de garantir l’atterrissage de l’avion en finale.