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Rebond lors d'un atterrissage par vent fort, remise de gaz et collision avec le sol

Rebond lors d'un atterrissage par vent fort, remise de gaz et collision avec le sol

Responsible entity

France - BEA

Investigation progression Closed
Progress: 100%

1 - Déroulement du vol

Note : les éléments suivants sont issus de données enregistrées dans les calculateurs, de données ATC et de témoignages.

Le propriétaire de l’avion souhaite effectuer un voyage de deux jours en Espagne en compagnie d’une autre personne. Ne possédant pas de licence, il demande à un pilote de réaliser le vol.

Le 10 mai 2013, le pilote, accompagné de ces deux passagers, décolle de l’aérodrome d’Aix les Milles à destination de l’aérodrome de Madrid Cuatro Vientos (Espagne). Le vol se déroule sans incident.

Le lendemain, il décolle accompagné de ces deux mêmes passagers vers 13 h 00 pour un retour vers l’aérodrome d’Aix les Milles. Le plan de vol déposé prévoit une première partie du vol en VFR jusqu’au point AGENA(1) et une poursuite du vol en IFR jusqu’à l’aérodrome d’Aix les Milles.

A l’approche d’Aix les Milles, à la suite d’une demande du propriétaire, le pilote annonce au contrôleur d’approche son intention de se dérouter vers l’aérodrome du Castellet (83) afin d’y effectuer un posé-décollé, avant de revenir vers Aix les Milles. Compte tenu du vent au sol au Castellet, il effectue une approche suivie d’une remise de gaz.

Le pilote est ensuite autorisé à effectuer une approche à vue pour la piste 33(2) de l’aérodrome d’Aix les Milles. L’approche est stabilisée. La vitesse est d’environ 90 kt(3), l’avion est configuré volets plein sortis(4) et le pilote automatique est désengagé. L’atmosphère est turbulente en raison d’un fort vent de secteur nord-ouest.

Pendant l’arrondi, l’avion s’incline d’environ 10° à gauche, puis revient les ailes sensiblement à l’horizontale. La roue gauche touche la piste et l’avion rebondit. Le pilote remet les gaz. A ce moment, la vitesse air est d’environ 60 kt(5), l’alarme de décrochage retentit. L’assiette augmente vers 12° et simultanément l’avion s’incline fortement à gauche, se retourne puis heurte le sol dans la bande gazonnée située entre la piste et la voie de circulation.

Il traverse la voie de circulation perpendiculairement à celle-ci et s’immobilise sur le dos devant le hangar situé au pied de la Tour de contrôle.

Les passagers évacuent l’avion avant l’arrivée des secours.

2 - Renseignements complémentaires

 

2.1 Renseignements sur l’aéronef

Le Cirrus SR22 est un avion monomoteur léger quadriplace, équipé d’un moteur Teledyne Continental IO-550-N de 310 ch. Il dispose de mini-manches latéraux, d’une manette unique pour le contrôle du moteur et d’un système avionique « glass cockpit ».

En cas d’atterrissage interrompu ou de remise de gaz, le manuel de vol demande de désengager le pilote automatique, d’appliquer la pleine puissance du moteur et ensuite de rentrer les volets vers la position 50 %. La vitesse recommandée lors de la montée est de 75 à 80 kt.

Une augmentation rapide de la puissance du moteur entraîne un moment à cabrer ainsi qu’un moment de roulis vers la gauche. Pour les contrer, le pilote doit agir principalement sur la commande de profondeur et les palonniers. Compte tenu de la puissance du moteur équipant le Cirrus SR22, ces effets sont importants et le contrôle de l’assiette et de l’inclinaison par le pilote est d’autant plus nécessaire.

Lors de l’accident, la masse et le centrage de l’avion étaient dans les limites définies par le constructeur.

Le SR22 est équipé d’un parachute de secours actionnable grâce à un dispositif pyrotechnique. Les exigences de navigabilité requièrent l’installation d’une plaquette mentionnant la présence d’un tel dispositif ; cette plaquette n’était pas installée sur le F-HTAV.

2.2 Formation sur SR22

Le constructeur propose différents stages de pilotage aux propriétaires de SR20 et SR22, dont un stage de familiarisation pour les pilotes n’ayant jamais volé sur ces types d’avions. Ce stage dure trois jours et contient en moyenne huit heures d’instruction au sol et dix heures de vol, dont sept vols de navigation et vingt atterrissages. Le programme reprend les notions abordées dans le cursus de formation d’un pilote privé VFR, avec une prise en main de l’avion ainsi que la gestion de certaines pannes et rappelle les aspects facteurs humains et l’importance de la prise de décision.

2.3 Réglementation

Dans la réglementation européenne le SR22 n’est pas considéré comme un avion de haute performance. Il n’y a aucune formation additionnelle liée aux performances de l’avion.

On note que la réglementation américaine relative aux qualifications et licences des pilotes (6) requiert une formation spécifique pour l’exploitation d’avions de haute performance (i.e. avions ayant un moteur de plus de 200 ch) qui doit faire l’objet d’une mention sur le carnet de vol par un instructeur autorisé. Cette mention peut être obtenue à l’issue du stage de familiarisation proposé par le constructeur.

2.4 Renseignements sur l’épave

L’examen réalisé sur l’épave ainsi que l’analyse des données enregistrées n’ont pas mis en évidence de défaillance susceptible de contribuer à l’accident. La quantité d’essence présente dans chaque aile n’a pas pu être déterminée.

Le pilote n’avait pas actionné le parachute de secours. L’avion n’avait pas été sécurisé avant le déplacement de l’épave et les premiers examens.

2.5 Conditions météorologiques

Les conditions météorologiques estimées sur l’aérodrome d’Aix les Milles étaient les suivantes : CAVOK, turbulence forte du sol à 1 500 m. Le vent indiqué par le contrôleur lors de l’autorisation à l’atterrissage était du 320° pour 18 à 28 kt.

2.6 Renseignements sur le pilote

Le pilote, titulaire d’une qualification d’instructeur et d’une qualification de vol aux instruments, totalisait plus de 600 heures de vol, principalement sur avions monomoteurs à piston de moins de 200 ch. Il avait déclaré à l’assurance être lâché sur avion Cirrus SR22, avoir effectué trois heures de vol sur type et posséder les mentions EFIS (Electronic Flight Instrument System) et SLPC (Single Lever Power Control). La validité de ces informations n’a pas pu être vérifiée car le carnet de vol du pilote n’a pas été retrouvé.

A la demande du propriétaire de l’avion, il avait effectué deux vols en instruction :

un vol de 48 minutes, quatre jours avant l’accident incluant des exercices de maniabilité ainsi que des circuits d’aérodrome sur les aérodromes de Vinon (83) et d’Aix les Milles. Il avait effectué une remise de gaz de sa propre initiative ;

un vol d’environ une heure, deux jours avant l’accident ayant pour but une familiarisation avec le système avionique Garmin 1000. Au retour, il avait effectué quelques circuits d’aérodrome sur l’aérodrome d’Aix les Milles.

Le pilote n’avait pas suivi la formation de familiarisation proposée par le constructeur.

2.7 Témoignages

Le passager arrière indique que l’approche était stabilisée mais que l’avion s’est incliné sur la gauche lors de l’arrondi. La roue gauche a touché la piste et le pilote a dit « je ne le sens pas » et a remis les gaz. Il précise que l’avion a décroché immédiatement sur la gauche.

Le passager avant indique qu’il a entendu l’alarme de décrochage après que le pilote a remis les gaz et que l’avion a cabré très vite en s’inclinant à gauche.

La majorité des vols de la journée avaient été annulés dans les aéroclubs basés sur l’aérodrome d’Aix les Milles en raison des conditions de vent et des turbulences.

2.8 Evénements antérieurs

Le NTSB a enquêté sur une vingtaine d’accidents de SR20 et SR22 liés à des pertes de contrôle en remise de gaz aux Etats-Unis(7) . Six de ces accidents ont été mortels, dont cinq survenus sur SR22.

Les causes probables mises en évidence par le NTSB sont majoritairement des actions inappropriées sur les commandes. Dans au moins cinq de ces accidents, les pilotes avaient peu d’expérience sur le type.

En Europe, une perte de contrôle en remise de gaz a été recensée en Italie. Un manque de technicité du pilote ainsi qu’un manque de stabilité latérale dû à une dissymétrie de carburant dans les ailes avaient été mis en évidence.

3 - Enseignements et conclusion

L’accident est probablement dû à des corrections insuffisantes du pilote sur les commandes, lors de la remise de gaz dans des conditions de vent fort. Le pilote, habitué à piloter des avions moins puissants, a pu être surpris par l’intensité des effets du moteur.

L’absence de plaquette mentionnant la présence du parachute de secours a présenté un danger potentiel pour les équipes de secours et les autres intervenants sur l’épave.

4 - Recommandations de sécurité

Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.

Formation sur les avions à haute performance

L’enquête a montré que les actions du pilote sur les commandes de vol lors d’une remise de gaz étaient insuffisantes et que le pilote avait pu être surpris par l’intensité des effets du moteur du Cirrus SR22. Un nombre significatif de pertes de contrôle en remise de gaz sur Cirrus SR20 et SR22 est dû à des actions inappropriées des pilotes sur les commandes. Le constructeur a identifié les besoins d’une formation particulière sur SR22 qui prend notamment en compte sa motorisation relativement élevée. La réglementation européenne ne prévoit pas de formation spécifique sur ces avions.

En conséquence le BEA recommande que :

l’AESA impose une formation spécifique liée aux performances de l’avion pour les pilotes de Cirrus SR20 et SR22 ; [Recommandation FRAN-2015-007]

l’AESA étudie les moyens de faire prendre en compte les recommandations des constructeurs en matière de formation lorsque ceux-ci identifient un besoin particulier, même en l’absence de qualification de classe ou de type. [Recommandation FRAN-2015-008]

(1)Le point AGENA se situe au nord-est de Barcelone (Espagne).

(2)Piste revêtue 1 600 m x 30 m, orientée au 325°LDA 1 245 m.

(3)La vitesse d’approche recommandée pour cette configuration est de 80 à 85 kt.

(4)Configuration de volets recommandée pour l’atterrissage.

(5)La vitesse de décrochage en configuration pleins volets est de 62 kt

(6)FAR Part 61 - Certification: pilots, flight instructors, and ground instructors, §61.31 (f).

(7)Les Cirrus SR20 et SR22 sont entrés en service respectivement en 1999 et 2001.