Rupture du câble du compensateur de profondeur en montée initiale, interruption du vol
Rupture du câble du compensateur de profondeur en montée initiale, interruption du vol
1 - DÉROULEMENT DU VOL
L’équipage effectue un vol entre l’aérodrome de Lyon Saint Exupéry et celui de Rodez Marcillac (12). Les conditions sont VMC. En montée initiale, le PF constate que son action sur la commande électrique du compensateur de profondeur n’a pas d’effet. La commande manuelle du compensateur ne fonctionne pas non plus. Le PF stabilise l’avion à une altitude de 5 000 ft et à une vitesse de 140 kt. L’équipage décide de faire demi-tour et maintient une vitesse inférieure à 140 kt jusqu’en finale.
L’équipage atterrit sur la piste 36L en configuration volets à 35°.
Au sol, le câble du compensateur de profondeur est retrouvé rompu.
2 - RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES
2.1 L’équipage
Le commandant de bord totalisait 10 000 heures de vol dont 9 400 sur type, 100 heures dans les trois mois précédents et trois heures dans les 24 heures précédentes, toutes sur type.
Le copilote totalisait 1 000 heures de vol dont 500 sur type, 120 heures dans les trois mois précédents et deux heures dans les 24 heures précédentes, toutes sur type.
2.2 Description du système de compensation de profondeur et des procédures associées
Le système de compensation de profondeur du Beech 1900 est assuré par un câble en acier, formant une boucle, entre le poste de pilotage et la gouverne de profondeur.
Il est composé de sept torons, chacun composé de sept brins. Il est commandé :
électriquement à l’aide d’une commande située sur le manche ;
manuellement à l’aide d’un volant positionné de part et d’autre de la console centrale.
Ce système de compensation est asservi au pilote automatique de l’avion. En cas de non fonctionnement du compensateur électrique, une alarme « PITCH TRIM » s’allume sur le tableau de bord. Le pilote peut alors utiliser le compensateur en manuel.
Avant la mise en route, la check-list demande de positionner sur ON l’interrupteur de mise en route de la commande électrique du compensateur. Avant le roulage, un contrôle du fonctionnement de la prise de priorité du compensateur puis un contrôle de sa déconnection avec vérification de l’allumage du voyant « PITCH TRIM » sont effectués.
2.3 Examen du câble de compensateur de profondeur
Le câble du compensateur de profondeur du F-GOPE a été retrouvé rompu au niveau de l’enroulement autour des poulies de la servocommande du pilote automatique (voir schéma ci-dessus). La moitié des brins se sont rompus par surcharge et l’autre moitié par propagation de fissure en fatigue.
Cette rupture en fatigue semble liée aux sollicitations particulières du câble lors de l’enroulement autour de la poulie (voir détail E de la figure).
Le matériau et son traitement de surface étaient conformes aux spécifications du constructeur.
Après l’incident du F-GOPE, le câble de compensateur de profondeur d’un avion du même type et de la même compagnie (F-GUPE, 16 632 cycles en 14 658 heures de vol) a été examiné lors d’un entretien programmé.
L’examen au microscope à balayage électronique du câble du F-GUPE a mis en évidence un début d’endommagement non détectable par la seule inspection visuelle. Seul un examen radiographique minutieux, nécessitant le démontage du câble, a alors permis de détecter la présence de brins rompus au sein des torons. L’ensemble des brins du toron central et trois brins sur les torons périphériques d’un premier échantillon de câble (soit environ 20 % de l’ensemble des brins constituant le câble) étaient rompus. Quatre brins du toron central et quatre autres brins périphériques d’un deuxième échantillon (ce qui représente 16 % de l’ensemble des brins) étaient rompus.
2.4 Maintenance de l’avion
Les inspections visuelles réalisées lors des visites d’entretiens programmés de ces deux avions, incluant l’usage d’un chiffon pour détecter les brins rompus, n’avaient pas permis de détecter d’endommagement sur le câble du compensateur de profondeur.
Le F-GOPE totalisait 21 144 cycles et 15 400 heures de vol. Il était à jour des opérations d’entretien. Au cours de ces visites, les servocommandes du pilote automatique avaient été contrôlées visuellement. Au cours des première et troisième visites « 200 heures », le câble, sa tension et ses renvois ont été contrôlés. Lors de la sixième visite « 200 heures », la tension du câble a de nouveau été vérifiée, sans qu’aucune anomalie n’ait été détectée. Le remplacement systématique ou à intervalle régulier du câble de compensateur de profondeur n’est pas prévu sur ce type d’avion et n’a lieu que lorsqu’un dommage est constaté.
2.5 Cas similaires
En septembre 2006, une rupture du câble du compensateur de profondeur avait été rapportée par un opérateur. Le constructeur a émis un « Safety Communique »(1) recommandant d’inspecter annuellement le câble au niveau de son enroulement dans la servocommande de profondeur. Il est précisé que le compensateur doit être déroulé complètement et de noter tous les bruits anormaux, les à-coups et les fixations. L’inspection est également visuelle.
Le Safety communique précise : « L’inspection technique des câbles de commandes de vol et les critères se trouvent dans l’AMM du Beech 1900D, au chapitre 20-04-00, CONTROL CABLE SYSTEM INSPECTION. Le câble doit être inspecté pour détecter un enroulement incorrect, un effilochement ou un brin de câble rompu. Selon les critères définis dans l’AMM du Beech 1900D, remplacer tout câble usé ou endommagé ».
3 - ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION
3.1 Maintenance des câbles de compensateur de profondeur
Les ruptures en fatigue observées sur le câble du compensateur de profondeur du F-GOPE et les premières ruptures de brins remarquées sur le câble du compensateur de profondeur du F-GUPE, mettent en évidence que le câble de commande du compensateur fait l’objet d’un endommagement, qui n’est que difficilement, voire pas détectable par les opérations de maintenance prévues.
Le programme de maintenance ne prévoit le remplacement du câble que dans le cas où une usure prématurée est détectée visuellement ou avec l’aide d’un chiffon.
A l’issue du communiqué de sécurité de 2006, le constructeur n’a ni modifié les actions de maintenance planifiée sur le câble, ni fixé de vérifications particulières ou de limites de péremption du câble.
3.2 Causes
L’incident est dû à une usure par fissuration en fatigue de brins d’acier constituant les torons du câble du compensateur de profondeur qui n’a pu été détectée lors des maintenances planifiées.
4 - RECOMMANDATIONS
Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en oeuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.
Modification du système de compensateur de profondeur
L’enquête a montré que les brins d’acier constituant le câble du compensateur de profondeur se sont rompus en fatigue de manière indétectable par les inspections prévues au cours de la maintenance de l’avion. Un événement similaire avait généré un « Safety Communique » du constructeur en octobre 2006. Celui-ci ne recommande qu’une inspection visuelle et mécanique du câble.
En conséquence le BEA recommande que :
La FAA, en coordination avec le constructeur, rende obligatoire une modification du système de compensateur de profondeur, ou à défaut le remplacement à intervalle régulier du câble du compensateur de profondeur, afin d’éviter la rupture en fatigue, non détectable, du câble. [Recommandation FRAN-2015-013]
(1)Safety communique n° 277 Raytheon Aircraft d’octobre 2006.