Rupture d'un câble de commande du pilote automatique, durcissement de la commande de profondeur lors de l'arrondi
Rupture d'un câble de commande du pilote automatique, durcissement de la commande de profondeur lors de l'arrondi
Déroulement du vol
L'équipage effectue la première étape de sa rotation au départ de Bilbao à destination de Paris Charles de Gaulle. Pendant la montée, l'équipage constate que le pilote automatique de l'avion ne parvient pas à tenir le mode vertical engagé. Un message d'alerte « AP PITCH TRIM » apparaît. L'équipage effectue la check-list correspondante qui l'amène, après un nouvel engagement infructueux du PA, à reprendre le pilotage en manuel. Il décide d'effectuer ensuite plusieurs tentatives d'engagement de modes verticaux du PA qui confirment que celui-ci ne tient aucun de ces modes. Le vol se poursuit jusqu'à destination sans événement particulier.
A l'escale, la maintenance effectue différentes actions relatives au problème rencontré. Aucun dysfonctionnement n'est mis en évidence. En particulier, le test opérationnel de la servocommande de la gouverne de profondeur est effectué à trois reprises et le libre débattement des commandes est vérifié. L'Approbation Pour la Remise en Service (APRS) est signée et l'équipage décide de faire l'étape suivante, à destination de Bilbao.
Au cours de cette étape, le même problème se reproduit : le PA ne tient pas les modes verticaux et le message d'alerte « AP PITCH TRIM » survient. Le vol est poursuivi en pilotage manuel.
A l'arrondi à Bilbao, l'équipage doit fournir un effort inhabituel pour arrondir. Le toucher s'effectue toutefois normalement. Pendant le roulage, il constate que la commande de profondeur se bloque à mi course à cabrer. Le vol suivant est annulé.
Les opérations de maintenance effectuées à la suite de cet incident révèlent que le câble de la commande de profondeur à cabrer du PA est rompu et que la partie libre de ce câble, en formant une boucle, bloque le servo-moteur du PA.
Conclusion
Le câble de la commande à cabrer du servo-moteur s'est rompu au niveau du quadrant arrière de la gouverne de profondeur par fatigue, conséquence d'un mauvais positionnement de l'extrémité de ce câble dans la rigole du quadrant. Ce mauvais positionnement est très probablement survenu au montage de la gouverne de profondeur lors de la construction de l'avion.
La rupture n'a pas eu de conséquence significative sur le vol pendant lequel elle a eu lieu.
Elle n'a pas eu non plus de conséquence significative sur le pilotage manuel de l'aéronef jusqu'à l'arrondi au cours du troisième atterrissage après sa survenue. Toutefois, le durcissement des commandes expérimenté à l'arrondi aurait pu survenir à tout autre moment du vol et le risque lié à une réduction de l'autorité sur les commandes de vol était réel pendant le vol.
De plus, le pilotage automatique a été considérablement dégradé. Ce phénomène a été constaté et indiqué dans le livret technique de l'aéronef au cours des deux vols suivant le vol pendant lequel est survenue la rupture.
Suite aux annotations portées dans le livret technique à l'issue du premier vol suivant le vol de la rupture, les opérations de maintenance effectuées n'ont pas permis de mettre en évidence le problème de commandes de vol. C'est à l'issue du second vol, au cours duquel un durcissement de la commande a été constaté en pilotage manuel, que le problème a été détecté.
Le durcissement de la commande de profondeur est probablement dû à un blocage du câble dans le mécanisme du servo-moteur qui a eu pour conséquence de limiter le débattement du quadrant arrière de la gouverne de profondeur.
Enseignements
Les contrôles effectués pendant l'assemblage de l'avion permettent en général de détecter un mauvais montage tel que celui qui a conduit à l'événement. Ce problème de montage n'est pas unique, mais le fait qu'il n'ait pas été détecté semble exceptionnel. Toutefois, l'incident montre que le système de contrôle qualité ne garantit pas qu'un tel cas de non détection d'un mauvais montage ne pourrait pas se reproduire.
Le cas du mauvais montage identifié au travers de cet événement pourrait être utilisé afin de sensibiliser les personnes concernées au risque engendré par un mauvais montage. Cela pourrait être fait par exemple à travers les cours d'actualisation des compétences de ces opérateurs, ou bien encore au moyen des fiches attirant l'attention des opérateurs sur certains points particuliers au sein des différents documents utilisés pendant le processus de montage.
L'application de la tâche de maintenance 22-11-24-710-801 aurait dû permettre de détecter le problème sur le système de commande de vol. Cela n'a pas été le cas. Il n'a pas pu être établi si cette défaillance est due à une imprécision dans la carte de maintenance ou à une exécution incorrecte par le technicien.
Actions prises par le constructeur
A la suite de discussions avec le BEA, Bombardier a effectué les actions suivantes en août 2011:
révision de l'AMM Task 22-11-24-710-801 ;
révision du « Functional Test Procedure » Bombardier ;
révision du « Cahier de Montage » d'Aeronova.
Recommandation
Rappel : conformément aux dispositions de l'article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l'autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l'étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l'article 18 du règlement précité.
L'utilisation de la vidéo enregistrée par l'équipage s'est avérée utile à l'enquête, en fournissant des informations non disponibles simplement par ailleurs. De la même façon, des photos prises par l'équipage d'un Pilatus lors du vol de l'incident du 2 juin 2010 ont fourni des données non enregistrées par ailleurs.
Le BEA avait déjà recommandé, à l'issue de différentes enquêtes(1), que l'OACI considère l'installation d'enregistreurs d'images protégés sur des aéronefs utilisés en transport public de passagers. Des organismes d'enquêtes d'autres pays ont également fait des recommandations(2) en ce sens.
L'OACI effectue actuellement des travaux en vue de l'adoption de normes et pratiques recommandées liées à l'installation d'enregistreurs d'images. Toutefois, ces travaux n'ont pas encore abouti.
En conséquence, le BEA recommande :
- que l'OACI poursuive ses efforts pour que soient mis en œuvre les enregistreurs d'images à bord des appareils effectuant du transport public de passagers. [Recommandation FRAN-2012-027]
(1)Enquête sur l'accident survenu le 20 janvier 1992 à l'Airbus A320 immatriculé F-GGED, enquête sur l'incident grave survenu le 23 novembre 1997 au Mac Donnel Douglas MD83 immatriculé F-GRMC, enquête sur l'accident survenu le 25 juillet 2000 au Concorde immatriculé F-BTSC.
(2)L'organisme d'enquête des Etats-Unis, dans le cadre de deux recommandations émises le 11 avril 2000 suite à plusieurs enquêtes ; l'organisme d'enquête des Emirats Arabes Unis, dans le cadre de l'enquête sur l'accident survenu le 10 février 2004 au Fokker F27 immatriculé EP-LCA ; l'organisme d'enquête de la Grèce, dans le cadre de l'enquête sur l'accident survenu le 14 août 2005 au Boeing B737 immatriculé 5B-DBY ; l'organisme d'enquête du Royaume-Uni, dans le cadre de l'enquête sur l'incident grave survenu le 22 octobre 2005 à l'Airbus A319 immatriculé G-EUOB ; l'organisme d'enquête de la Russie, dans le cadre de l'enquête sur l'accident survenu le 8 juillet 2006 à l'Airbus A310 immatriculé F-OGYP.