Sortie latérale de piste à l'atterrissage, rupture du train avant
Sortie latérale de piste à l'atterrissage, rupture du train avant
1 - Déroulement du vol
Le pilote, accompagné d'un passager, décolle de l'aérodrome non contrôlé de Granville Mont-Saint-Michel vers l'aérodrome d'Avranches Le Val-Saint-Père (50) situé à 15 NM au sud. Il effectue un posé-décollé en piste 04 et rentre vers Granville. Il survole l'aérodrome et constate que, comme lors du décollage, le vent est du 350 pour 15 kt. Il s'intègre en branche vent arrière pour la piste 07 revêtue. A l'atterrissage, lors du contact de la roue du train d'atterrissage avant avec la piste, l'avion vire rapidement vers la gauche et sort de piste. Alors que la vitesse de l'avion est faible, le train avant se bloque dans un terrier de lapin et l'avion s'immobilise. La jambe du train avant est rompue et une des deux pales de l'hélice est tordue.
2 - Renseignements complémentaires
2.1 Renseignements sur l'épave
L'examen des traces au sol montre que :
le toucher des roues du train principal a eu lieu à 70 mètres du seuil de piste 07 ;
le F-GCIM s'est immobilisé après environ 325 mètres de roulement dont 228 sur la piste(1) ;
environ 150 mètres après le toucher du train principal, la trajectoire de l'avion s'est écartée progressivement de l'axe de piste jusqu'à former un angle d'environ 30 degrés avec cet axe.
Les volets étaient en position atterrissage.
2.2 Renseignements sur l'avion
Pour les avions Robin à train d'atterrissage tricycle, la roue du train avant se verrouille automatiquement dans l'axe longitudinal de l'avion dès que l'amortisseur associé n'est plus comprimé au décollage. Ce système permet d'éviter tout déplacement de la roue (et de son carénage) et de limiter les effets aérodynamiques induits par des actions aux palonniers.
A l'atterrissage :
le déverrouillage de la roue s'effectue par compression de son amortisseur ;
en dessous d'une certaine vitesse, la gouverne de direction n'est plus efficace et le train avant assure le contrôle de la direction.
Le système de freinage du F-GCIM est actionné par l'intermédiaire d'une commande située au niveau de la console centrale, entre le sélecteur carburant et le tableau de bord. Le système freine les deux roues du train principal de manière symétrique. Un freinage dissymétrique est également possible lorsqu'un des palonniers est placé en butée.
Pour les atterrissages par vent de travers, le manuel de vol ne précise pas de consigne particulière sur la position des volets. Toutefois, une mise à jour des manuels de vol valable pour tous les DR400 (publiée en février 1988 pour le DR400-140B) recommande de n'utiliser qu'un cran de volets pour les atterrissages par vent de travers. La limite de vent de travers démontré est de 22 kt.
A la masse maximale à l'atterrissage (1 000 kg), au niveau de la mer et avec une température de 15 °C, la longueur de roulement à l'atterrissage est de 220 m sur une piste en dur en considérant un freinage modéré(2).
2.3 Expérience et témoignage du pilote
Le pilote, titulaire d'une licence de pilote avion PPL(A) depuis juillet 2013, totalisait 113 heures de vol dont 22 en tant que commandant de bord et 7 heures dans les trois mois ayant précédé l'accident. Il avait effectué environ 8 heures de vol sur DR400-140B dont 6 heures et 20 minutes en tant que commandant de bord, toutes dans les trois mois ayant précédé l'accident. Il a réalisé la quasi totalité de sa formation et des vols sur des avions Robin DR400-120 pour lesquels le freinage est obtenu par action sur les palonniers.
Le pilote indique que lors de la préparation du vol, il a constaté que le vent du nord entraînerait des décollages et des atterrissages avec du vent de travers. Il a estimé l'intensité du vent entre 10 et 15 kt. Il précise qu'il n'y a pas eu de turbulences au cours du vol et que le vent, tant en intensité qu'en direction, était identique sur les aérodromes d'Avranches et de Granville(3). Le pilote décrit une embardée soudaine mais régulière vers la gauche lors du toucher du train d'atterrissage avant. Habitué au DR400-120, il a d'abord tenté de freiner en appuyant sur les deux palonniers et n'a actionné la commande manuelle de frein que tardivement, peu avant l'arrêt de l'avion. Selon lui, il n'y a eu ni vibrations, ni à-coups lors du roulement à l'atterrissage et le train avant est resté dans une position fixe. Concernant sa formation, le pilote indique qu'il connaissait le système de freinage du F-GCIM mais qu'il était plus habitué à ceux actionnés par appui sur la partie haute des palonniers.
3 - Enseignements et conclusion
A l'atterrissage à Granville, la roue avant est probablement restée verrouillée dans l'axe de l'avion. L'amortisseur du train avant n'a pas été suffisamment comprimé, probablement en raison d'une action vers l'arrière trop importante sur le manche. Cette action peut s'expliquer par une attention portée sur le maintien de l'axe de piste par vent de travers. A partir d'une certaine vitesse, la gouverne de direction n'a plus été suffisamment efficace et l'action du vent de travers sur l'empennage a fait virer l'avion vers la gauche, face au vent (effet girouette). Avec la roue avant allégée et verrouillée dans l'axe de l'avion, le pilote n'a pu empêcher l'écart de trajectoire et la sortie de piste.
L'action réflexe sur les palonniers a été sans effet puisque, sur cet avion, le freinage est obtenu en agissant sur une commande manuelle du tableau de bord. Cette confusion s'explique par l'expérience relativement faible du pilote sur le F-GCIM. Le stress généré par une situation inattendue l'a également conduit à agir selon le savoir-faire acquis au cours de sa formation initiale.
Bien que la limite de vent de travers ait été démontrée par les constructeurs en configuration « plein volets », les manuels de vol de nombreux avions recommandent une configuration intermédiaire qui, du fait d'une vitesse d'atterrissage plus élevée, permet un meilleur contrôle de l'avion. Il faut toutefois noter que l'atterrissage avec des volets en position intermédiaire modifie les paramètres ainsi que l'attitude de l'avion en finale et augmente la distance d'atterrissage et par conséquent le risque de sortie longitudinale de piste.
Le nombre de sorties de piste en aviation générale est pratiquement constant chaque année. En 2006, le BEA a publié une étude intitulée « Maîtrise technique lors de l'atterrissage et connaissance de soi » où, en particulier, les implications du système de blocage du train avant sur avion Robin et du vent de travers sur l'atterrissage sont décrites. Cette étude est disponible sur le site internet du BEA, rubrique « Études de sécurité »(4) .
(1)Dimensions de la piste : 960 x 30 m.
(2)Source : manuel de vol.
(3)L'angle au vent lors de l'atterrissage à Avranches était toutefois inférieur à celui de l'atterrissage à Granville en raison de la différence d'orientation des pistes utilisées. La gestion de l'atterrissage par vent de travers à Avranches a ainsi été plus simple qu'à Granville.
(4)http://www.bea.aero/fr/publications/etudes/index.php