Sortie latérale de piste lors du roulement à l'atterrissage par vent traversier, rupture du train principal gauche, en instruction solo
Sortie latérale de piste lors du roulement à l'atterrissage par vent traversier, rupture du train principal gauche, en instruction solo
1 - DÉROULEMENT DU VOL
L’élève réalise sa première navigation solo dans le cadre de sa formation PPL sous la supervision de son instructeur. Il décolle de l’aérodrome de Poitiers-Biard (86) à destination de l’aérodrome de Niort Marais Poitevin où il doit effectuer un posé-décollé avant de revenir à Poitiers. Il s’intègre dans le circuit d’aérodrome pour la piste 07 revêtue. Immédiatement après le touché, l’avion vire brusquement à droite, sort de la piste et s’immobilise dans les servitudes.
2 - RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES
2.1 Examen du site et de l’épave
L’aérodrome de Niort Marais Poitevin est un aérodrome AFIS ouvert à la circulation aérienne publique. Il possède deux pistes parallèles, l’une revêtue et l’autre non revêtue (680 m x 80 m) orientées aux QFU 07/25.
Les traces laissées sur la piste montrent que l’avion a touché peu après le seuil de piste et qu’il a effectué un virage serré vers la droite avant de pénétrer dans les servitudes. Le train principal gauche est rompu par contrainte excessive latérale au cours du virage et lors du passage dans l’herbe. Une pale de l’hélice en bois s’est rompue.
2.2 Expérience et qualification
L’élève totalisait 98 heures de vol dont 74 sur type réalisées en un peu plus d’une année, 10 dans les trois mois précédents et 7 heures en tant que commandant de bord. Les trente dernières heures de vol ont été réalisées avec le F-POKD.
2.3 Les conditions météorologiques
Les conditions météorologiques étaient les suivantes :
au départ de Poitiers à 11 h 30 : vent 150°/5 kt, CAVOK, température 10 °C, QNH 1019 hPa ;
à l’arrivée à Niort à 12 h 00 (station automatique) : vent 160 / 13 kt, CAVOK, température 9 °C, QNH 1019 hPa.
L’aérodrome de Niort Marais Poitevin n’est pas équipé de station météorologique. Le service AFIS est fermé le week-end. L’instructeur et son élève n’avaient pas d’autres sources d’informations que les prévisions météorologiques (TAF) diffusées par les stations de La Rochelle et de Poitiers pour préparer le vol.
Celles-ci prévoyaient à La Rochelle (LFBH) et à Poitiers (LFBI) :
LFBH 120500Z 1206/1306 12008KT 4000 BR NSC PROB30 TEMPO 1206/1208 BKN005 BECMG 1209/1212 15013KT CAVOK BECMG 1218/1221 20012KT SCT015 BKN060 TEMPO 1221/1224 4000 -RA BKN010 BECMG 1300/1303 SCT015 SCT050=
LFBH 120924Z 1209/1306 12008KT 4000 BR NSC TEMPO 1209/1213 BKN005 BECMG 1213/1214 CAVOK BECMG 1218/1221 20012KT SCT015 BKN060 TEMPO 1221/1224 4000 -RA BKN010 BECMG 1300/1303 SCT015 SCT050=
LFBI 120500Z 1206/1306 10008KT 4000 BR SCT005 BECMG 1210/1213 CAVOK BECMG 1221/1224 8000 BKN012 BKN020 TEMPO 1300/1306 20012KT 4000 -RA=
LFBI 121100Z 1212/1312 15009KT CAVOK BECMG 1218/1221 16008KT 9999 SCT015 BKN100 TEMPO 1300/1306 8000 -RA SCT010 BKN015=
2.4 Témoignages
L’élève indique que, lorsqu’il s’est présenté à la verticale de l’aérodrome de Niort, la manche à air indiquait un vent de secteur sud, donc plein travers, pour une vitesse qu’il estimait entre 5 et 10 kt. Constatant qu’un autre avion s’était reporté en vent arrière pour la piste 07 revêtue, il a annoncé sur la fréquence qu’il s’intégrait également en vent arrière pour la même piste(1). Il a suivi du regard cet avion jusqu’à l’atterrissage complet pour « se rassurer », même s’il avait réalisé plusieurs atterrissages avec du vent de travers avec son instructeur. Etabli en finale, il a sorti les volets au 2ème cran et affiché une vitesse de 120 km/h. Juste après le toucher, il a ressenti une rafale de vent. L’avion a fait une embardée vers la droite qu’il n’a pas pu contrer. Au cours du virage, il a constaté que le train gauche s’affaissait avant que l’avion ne s’immobilise dans l’herbe.
L’instructeur précise que les conditions météorologiques à Poitiers comme celles qui étaient prévues dans la région permettaient de lâcher un élève. Il ajoute qu’un autre instructeur du club lâchait au même moment un de ses élèves. Il savait qu’il y aurait probablement un léger vent de travers à Niort mais n’était pas inquiet car son élève avait réalisé plusieurs atterrissages par vent de travers (environ 10 kt) en double commande, dont plusieurs la semaine précédente. Il regrette a posteriori de ne pas lui avoir conseillé de choisir la piste non revêtue qui permettait un atterrissage moins difficile. Il pense que son élève a pu avoir une réaction inappropriée aux commandes pour contrer l’effet girouette provoqué par une rafale de vent. Il explique la progression assez longue de son élève par une faible disponibilité personnelle et par l’apprentissage plus difficile de l’atterrissage avec un train classique.
2.5 Limitations avion
Ce Jodel est équipé d’un train classique.
Le vent de travers maximum démontré qui figure dans son manuel de vol est de 15 kt.
3 - ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION
L’accident est probablement dû à une maîtrise insuffisante de l’atterrissage par vent de travers avec un avion équipé d’un train classique.
Plusieurs facteurs ont pu contribuer à cet événement :
excès de confiance de l’instructeur dans son élève ;
absence de stratégie concertée en cas de difficulté à destination ;
sous-estimation par l’instructeur des conditions météorologiques pour un lâcher sur un avion équipé d’un train classique ;
vent irrégulier lors de l’atterrissage ;
décision de l’élève de poursuivre l’atterrissage ;
l’atterrissage sur la piste revêtue, plus délicat avec ce type d’avion que sur une piste en herbe.
Par vent traversier, avec un avion équipé d’un train classique, il est préférable de privilégier l’atterrissage sur une piste non revêtue lorsque cela est possible.
(1)Le pilote n’a pas pris la décision d’atterrir sur la piste non revêtue car il craignait que celle-ci ne soit détrempée et grasse.