Sortie latérale de piste lors d'un posé-décollé improvisé, en instruction solo

1 - DÉROULEMENT DU VOL

Le pilote effectue son deuxième vol solo. L’avion utilisé est celui avec lequel il a volé pendant les 25 heures de vol de sa formation. Comme convenu avec son instructeur, il réalise un circuit d’aérodrome achevé par un atterrissage complet en piste 31. Il fait demi-tour sur la piste puis rejoint le seuil 31. Il décolle à nouveau pour un vol local. Au retour, il atterrit sur cette même piste.

Il indique que, tandis que l’avion roule encore sur la piste, il entend son instructeur lui dire par radio « tu peux faire un troisième tour de piste si tu veux ». Estimant que le redécollage est possible, il avance la commande de puissance au maximum. Son regard se porte ensuite vers l’intérieur de la cabine pour configurer les volets en position de décollage. Lorsqu’il regarde à nouveau devant lui, il constate que l’avion a dévié à gauche sous l’effet du moteur, qu’il n’a pas suffisamment contré au palonnier droit. Malgré son action correctrice supplémentaire, l’avion sort latéralement de piste. L’instructeur lui demande de « tout réduire ». Le pilote réduit les gaz et freine. L’avion traverse l’unique voie de circulation desservant la piste au niveau du seuil 13. Il s’immobilise environ 10 m plus loin. Le pilote précise qu’il a interprété la proposition de son instructeur comme une consigne de décoller depuis sa position.

2 - RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES

2.1 Renseignements sur les conditions météorologiques

Les conditions estimées par Météo France au moment de l’incident sont les suivantes : vent 270° 6 à 8 kt avec des pointes de 10 à 12 kt,

visibilité supérieure à 10 km ;

un à deux octas de stratus à une hauteur de 1 000 ft ;

température 11 °C ;

QNH 1 018 hPa.

2.2 Témoignage

L’instructeur, qui exerce cette fonction régulièrement depuis 2000, estime qu’il restait environ une centaine de mètres de piste devant l’avion au moment où le pilote a augmenté la puissance. Il indique que l’avion s’est immobilisé avec les volets en configuration atterrissage. Il s’attendait à ce que le pilote, en réponse à sa suggestion de refaire un circuit d’aérodrome, suive la même méthode que pour son premier atterrissage. Il n’imaginait pas que le pilote puisse comprendre qu’il demandait une manoeuvre de type posé-décollé. Il précise qu’il n’enseigne pas à ses élèves d’effectuer seuls des posés-décollés estimant qu’ils ne correspondent pas à un besoin opérationnel mais seulement à une pratique utilisée en double commande pour gagner du temps lors de la répétition de décollages et atterrissages. Lorsqu’il effectue cet exercice avec ses élèves, c’est lui qui reconfigure l’avion pour le décollage et donne l’ordre de remettre les gaz, l’élève se concentrant sur la tenue de l’axe de piste.

Il ajoute qu’il s’astreint désormais à ne plus intervenir à la radio tant que l’avion est en mouvement sur la piste, sauf en cas d’urgence.

3 - ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION

L’incident grave est dû à :

la décision de réaliser un exercice de posé-décollé nécessitant des ressources supérieures à celles dont disposait l’élève dans les conditions de ce vol ;

l’improvisation de la manoeuvre, qui a pu altérer le jugement des conditions de redécollage ;

le malentendu entre l’instructeur et son élève.

Les posés-décollés sont des manoeuvres prévues dans la formation d’un pilote privé. Elles sont fréquemment pratiquées par des pilotes brevetés qui souhaitent par exemple effectuer une série d’atterrissages et décollages afin de maintenir leurs compétences. On note que :

les pratiques peuvent varier d’un instructeur à l’autre ;

les distances de piste nécessaires ne sont pas indiquées dans les manuels de vol en raison, entre autres, de la variabilité des actions des pilotes lors de la reconfiguration de l’avion dans la phase de roulement au sol. Elles sont donc estimées par la pratique. L’un des risques est la sortie longitudinale de piste lors du redécollage alors que l’énergie de l’avion est en augmentation (risque de dommages importants),

Il apparaît ainsi opportun que cette pratique soit enseignée pour être réalisée seul à bord, à un stade adéquate de la progression, et que des conditions de réalisation soient discutées entre instructeurs et pilotes ou définies par les exploitants(1) en fonction d’une analyse des risques.

Enfin, il n’existe pas nécessairement de phraséologie explicite définie entre un instructeur et son élève. Une phraséologie implicite se construit de fait lors de la progression.

(1)A titre d’exemple, la carte VAC de l’aérodrome de Tarbes Laloubère demande aux pilotes de prendre connaissance de consignes particulières sur le site : www.aerobigorre.org. Il y est précisé « Pas d’exercice de « touch and go » pour entraînement sans instructeur »