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Sortie longitudinale de piste lors d'un atterrissage sur une piste contaminée par de l'eau

Sortie longitudinale de piste lors d'un atterrissage sur une piste contaminée par de l'eau

Responsible entity

France - BEA

Investigation progression Closed
Progress: 100%

L'équipage est autorisé pour une approche ILS RWY 25. Au cours de la descente, le contrôleur l'informe d'un vent du 160° pour 17 kt avec des rafales de 26 kt et d'un grain fort et durable. La visibilité est réduite entre 2 000 et 3 000 m et la piste est mouillée avec des flaques d'eau. Il signale que l'avion précédent a rencontré des difficultés lors de son atterrissage en raison de phénomène « d'aquaplaning ».

L'équipage effectue l'approche en configuration volets 30°

L'approche ILS 25 est stable à 1 000 ft. Le pilote automatique (PA) est déconnecté vers 500 ft.

Le train principal de l'avion touche la piste à environ 1 100 m de la fin de piste.

L'avion sort de la piste, heurte les antennes du LOC avec l'aile gauche et s'immobilise dans un champ en herbe à environ 200 m du seuil 07.

Une évacuation d'urgence est ordonnée. Les 53 passagers évacuent par la porte avant gauche et les issues d'aile.

L'enquête a montré que l'accident est dû à l'absence de décision de l'équipage d'interrompre l'atterrissage alors qu'il n'avait pris conscience ni de la contamination de la piste ni de la longueur de piste restante.

La poursuite de l'atterrissage peut s'expliquer par :

- une conscience de la situation insuffisante liée :

. au niveau de performance de l'équipage, celui-ci étant par ailleurs dégradé par la fatigue et la routine,

. à une méconnaissance des marges de sécurité et à une formation TEM inadaptée ;

- une approche de la sécurité ne conduisant pas suffisamment les équipages à remettre en cause leur projet d'action.

Les facteurs suivants ont contribué à l'événement :

- la sous-estimation par l'équipage des conditions météorologiques ;

- des consignes opérationnelles parfois peu claires ou contradictoires fragilisant le travail en équipage ;

- les caractéristiques de la piste 25, par ailleurs non documentées dans le MANEX de Brit Air ;

- l'organisation de l'exploitation de l'aérodrome contribuant à ne pas corriger dans des délais raisonnables les écarts identifiés concernant la piste 25 ;

- l'absence d'une phraséologie commune garantissant aux équipages et aux contrôleurs une connaissance partagée de l'état réel de la piste ;

- l'organisation des entraînements et des contrôles ne permettant pas suffisamment à l'exploitant de connaître et d'améliorer sa performance de sécurité ;

- la prise en compte incomplète du risque fatigue par la compagnie.

Le BEA a adressé à l'AESA, la DGAC, la DIRCAM et l'Etat-Major de la Marine Nationale quinze recommandations de sécurité relatives :

- au balisage lumineux de la piste ;

- aux zones de rétention d'eau de la piste 07/25 ;

- à la gestion des menaces et des erreurs ;

- au niveau professionnel des équipages ;

- à la gestion de la fatigue ;

- à la clarification du Manuel d'Exploitation (MANEX) et de la Documentation Réduite (DR) ;

- aux symposiums de la DGAC ;

- au plan d'actions européen pour la prévention des sorties de piste ;

- à la certification de l'exploitant d'aérodrome.

Causes de l'accident

L'accident est dû à l'absence de décision de l'équipage d'interrompre l'atterrissage alors qu'il n'avait pris conscience ni de la contamination de la piste ni de la longueur de piste restante.

La poursuite de l'atterrissage peut s'expliquer par :

- une conscience de la situation insuffisante liée :

. au niveau de performance de l'équipage, celui-ci étant par ailleurs dégradé par la fatigue et la routine,

. à une méconnaissance des marges de sécurité et à une formation TEM inadaptée ;

- une approche de la sécurité ne conduisant pas suffisamment les équipages remettre en cause leur projet d'action.

Les facteurs suivants ont contribué à l'événement :

- la sous-estimation par l'équipage des conditions météorologiques ;

- des consignes opérationnelles parfois peu claires ou contradictoires fragilisant le travail en équipage ;

- les caractéristiques de la piste 25, par ailleurs non documentées dans le MANEX de Brit Air ;

- l'organisation de l'exploitation de l'aérodrome contribuant à ne pas corriger dans des délais raisonnables les écarts identifiés concernant la piste 25 ;

- l'absence d'une phraséologie commune garantissant aux équipages et aux contrôleurs une connaissance partagée de l'état réel de la piste ;

- l'organisation des entraînements et des contrôles ne permettant pas suffisamment à l'exploitant de connaître et d'améliorer sa performance de sécurité ;

- la prise en compte incomplète du risque fatigue par la compagnie.

RECOMMANDATIONs DE SECURITE

Rappel : conformément aux dispositions de l'article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l'autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l'étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l'article 18 du règlement précité.

Balisage lumineux de la piste

L'enquête a montré que l'équipage avait rencontré beaucoup de difficultés pour se positionner par rapport au seuil et à l'axe de la piste du fait d'un marquage au sol peu visible et de l'absence d'une signalisation lumineuse adaptée.

Lors de deux enquêtes, le BEA avait recommandé, en 2004 et 2008, à la DGAC d'étudier l'opportunité « d'installer un balisage lumineux axial sur les aérodromes accueillant du transport public ».

L'installation de feux d'axe de piste sur une piste homologuée pour des approches de précision de catégorie I et des approches RNAV (GNSS) n'est pas obligatoire. Elle est recommandée par l'OACI pour les approches de précision de catégorie I, notamment lorsque la piste est utilisée par des aéronefs ayant une vitesse d'atterrissage élevée. La DGAC propose que cette installation soit réalisée sur les pistes les plus sensibles lors de travaux programmés compatibles. Par ailleurs, la DGAC a publié une « info sécurité » n° 2012/02, reprise dans l'arrêté CHEA recommandant l'installation de feux de bord de piste spécifiques en cas d'absence de balisage lumineux axial.

En conséquence, le BEA recommande que :

- la DGAC s'assure que cette information de sécurité est connue de tous les exploitants d'aérodrome, notamment de ceux qui, relevant du ministère de la Défense, exploitent des aérodromes à l'usage de l'aviation commerciale civile ; [Recommandation FRAN-2013-068]

- la DGAC lie le renouvellement de ses homologations au bon état des marquages au sol ; [Recommandation FRAN-2013-069]

- l'AESA étudie, pour les aérodromes à l'usage de l'aviation commerciale civile, la mise en place obligatoire d'installations au sol complémentaires pour améliorer l'aide au pilotage de nuit sur les pistes homologuées pour des approches de précision de catégorie I ; [Recommandation FRAN-2013-070]

- dans l'attente, la DGAC rende obligatoire, pour tous les exploitants d'aérodrome à usage de l'aviation commerciale civile, l'installation recommandée dans « l'info sécurité » n° 2012/02. [Recommandation FRAN-2013-071]

Zones de rétention d'eau de la piste 07/25

Les zones de rétention d'eau diminuent l'adhérence des pneumatiques et favorisent l'apparition du phénomène d'aquaplaning. Une telle situation accroit les risques de sortie de piste.

A l'issue des deux sorties de piste de 2008 et 2009, le BEAD a recommandé qu'une étude pour l'amélioration de l'adhérence et du drainage de la piste 07/25 soit conduite. La croisée des pistes 07/25 et 02/20 a été identifiée comme une zone de rétention. La solution d'y réaliser un rainurage transversal, assortie d'une étude complémentaire, a été décidée mais n'a pas encore été réalisée.

L'examen de la piste en novembre 2012 a montré que de multiples autres zones existaient, notamment dans les 1 200 derniers mètres côté sud de la piste 25.

En conséquence, le BEA recommande que :

- la DIRCAM et la DGAC veillent conjointement à ce que l'Etat-Major de la Marine Nationale prenne les mesures permettant d'améliorer l'évacuation de l'eau et de supprimer les zones de rétention d'eau sur la totalité de la piste 25 dans les plus brefs délais. [Recommandation FRAN-2013-072]

Gestion des menaces et des erreurs

Les équipages sont exposés à des erreurs et des menaces lors de chaque vol. Ils sont amenés donc à systématiquement les identifier et les gérer pour établir un projet d'action qui les prend en compte. Le TEM est recommandé par l'OACI dans l'annexe 6 au niveau de la formation des équipages de conduite. L'AESA a émis le règlement (UE) n° 1178/2011 du 3 novembre 2011 qui demande que les instructeurs devront avoir une compétence qui intègre le TEM et que le contenu de l'examen pour la délivrance d'une licence de pilote professionnel (CPL) intègre le TEM. L'AESA a ouvert une tâche, référencée RMT.0194 « Extension of competency-based training to all licences and ratings and extension of TEM principle to all licences and ratings », qui reprend la tâche initialement identifiée FCL.006. Par ailleurs, le règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012 (ORO.FC.230 (e) et AMC1 ORO.FC.230) aborde les aspects CRM mais ne prend pas en compte spécifiquement le TEM dans l'entrainement et le contrôle en vol des équipages.

L'enquête a montré que le niveau TEM de l'équipage PNT était faible. Cette situation était liée à une formation TEM insuffisamment adaptée tant au niveau des cours au sol qu'au niveau des ECP ainsi qu'à l'absence de consignes TEM claires lors des briefings, pour lui permettre d'identifier les menaces et les erreurs et de développer des stratégies pour y faire face.

En conséquence, le BEA recommande que :

- l'AESA intègre le TEM dans les ECP (entraînements et contrôles périodiques) et les procédures d'exploitation des détenteurs d'un CTA ; [Recommandation FRAN-2013-073]

- dans l'attente, la DGAC conduise une action de sensibilisation sur le TEM auprès des exploitants détenteurs d'un CTA. [Recommandation FRAN-2013-074]

Les exploitants d'aéronefs sont exposés à de nombreuses menaces qui sont spécifiques à leur exploitation. Ils doivent les identifier pour assurer la sécurité de leur exploitation et les prendre en compte au niveau de leur SGS.

Ainsi, Brit Air assure une exploitation sur des pistes dont certaines sont limitatives et qui présentent des particularités dont certaines ne sont pas connues des équipages et ne font pas l'objet de procédures spécifiques.

En conséquence, le BEA recommande que :

- la DGAC vérifie que les exploitants détenteurs d'un CTA identifient les menaces spécifiques à leur exploitation afin de les intégrer dans leur SGS. [Recommandation FRAN-2013-075]

Niveau professionnel des équipages

Les équipages de Brit Air sont évalués lors de leur ECP par des instructeurs et des examinateurs. Cependant, la grille d'évaluation binaire mise à leur disponibilité est très limitée pour apporter une appréciation détaillée sur le travail effectué et le niveau professionnel acquis. Par ailleurs, ces derniers montrent une forte réticence à formaliser des éléments qui pourraient leur porter préjudice en cas de survenue de problèmes judiciaires. Ainsi, les appréciations et les commentaires restent très limités et ne présentent pas une véritable analyse du travail réalisé, les axes de progrès et le niveau professionnel des équipages.

En conséquence, le BEA recommande que :

- la DGAC s'assure que les exploitants détenteurs d'un CTA mettent en place des outils permettant d'évaluer de manière représentative et de suivre le niveau professionnel de leurs équipages. [Recommandation FRAN-2013-076]

Gestion du risque fatigue

Brit Air a développé une gestion des risques (SGS-RF) liés à la fatigue des équipages mais sans avoir mené d'étude spécifique. La compagnie, qui a été autorisée à effectuer des vols de cinq étapes avec des repos réduits, a conscience que ces vols sont fatigants et engendre une routine et une lassitude plus importantes.

Le « guide pratique de mise en œuvre des systèmes de gestion de la sécurité par les entreprises de transport aérien public et les organismes de maintenance » demande, dans le cadre du SGS, la prise en compte du risque fatigue.

Lors de cet accident, la gestion du risque fatigue au travers du SGS par Brit Air n'a pas empêché la présence de la fatigue de l'équipage ni d'en atténuer les effets.

En conséquence, le BEA recommande que :

- la DGAC s'assure que les mesures mises en place dans le cadre d'un SGS sont adaptées pour prévenir la fatigue et, le cas échéant, pour en atténuer les effets. [Recommandation FRAN-2013-077]

Clarification du MANEX et de la DR

Certaines imprécisions, notamment les corrections de la VAPP en fonction du vent soufflant en rafale, et consignes différentes, comme la hauteur du début d'arrondi ou de réduction de la poussée, figurent dans le MANEX et la DR de Brit Air. La consigne relative à la suppression de la configuration volets 30° en cas de cisaillements de vent suspectés ou avérés n'a pas été actualisée par la compagnie.

Par ailleurs, la partie C du MANEX ne présente pas toutes les particularités des aérodromes qui sont essentielles aux équipages pour leur permettre d'identifier les éventuelles menaces et réaliser des atterrissages dans les meilleures conditions de sécurité. Ainsi, les particularités de l'aérodrome de Lorient Lann Bihoué, notamment celles relatives aux marques de zones de toucher des roues, à l'état de la piste et à l'existence de zones de rétention d'eau sur la piste principale en cas de pluie, n'y sont pas mentionnées.

En conséquence, le BEA recommande que la DGAC s'assure que :

- le processus de vérification et de mise à jour de la documentation Brit Air soit revu afin d'améliorer les délais de prise en compte des changements et la cohérence globale entre les différentes documentations Brit Air ; [Recommandation FRAN-2013-078]

- le MANEX partie C de Brit Air présente les particularités des pistes notamment les informations concernant les marquages au sol (détails et état) et l'état de surface. [Recommandation FRAN-2013-079]

Symposiums de la DGAC

Les enseignements du symposium « Conditions météorologiques dégradées - aide à la décision des équipages pour l'approche et l'atterrissage » organisé par la DGAC le 25 novembre 2010 concernaient la plupart des facteurs contributifs de cet accident. Brit Air était présent à ce symposium mais les enseignements et les bonnes pratiques n'ont pas fait l'objet d'une réelle exploitation. La DGAC a diffusé ces enseignements mais ne s'est pas assurée que tous les exploitants d'avions et d'aérodrome en avait fait l'exploitation.

Par ailleurs, la DIRCAM n'a pas participé à ce symposium et n'a reçu aucun des documents émis par DGAC.

En conséquence le BEA recommande :

- la DGAC s'assure, dans le cadre de ses actions de surveillance, que l'ensemble des exploitants (d'aéronefs et d'aérodrome) et les prestataires de services de la navigation aérienne ont examiné dans le cadre de leur SGS les enseignements des symposiums organisés par la DGAC. [Recommandation FRAN-2013-080]

Plan d'actions européen pour la prévention des sorties de piste

Le plan d'actions européen (EAPPRE) présente des recommandations pour la prévention des sorties de pistes. Cependant, il n'y figure pas d'engagement formel de leur mise en œuvre. En outre, ces recommandations n'ont pas de valeur réglementaire. A ce titre, ce plan d'actions ne présente pas de garanties suffisantes de mise en œuvre des recommandations.

En conséquence, le BEA recommande que :

- la DGAC vérifie que les exploitants d'aérodrome et d'aéronefs détenteurs d'un CTA évaluent les recommandations du plan d'actions européen (EAPPRE) au travers de leur propre SGS. [Recommandation FRAN-2013-081]

Certification de l'exploitant d'aérodrome

Les exploitants d'aérodrome dont le trafic passager est supérieur à 150 000 passagers par an depuis juillet 2010 sont certifiés, à l'exception des exploitants d'aérodrome militaire comme celui de Lorient Lann Bihoué (181 524 passagers en 2011). Ces derniers ne sont donc pas soumis aux exigences d'un système de gestion de la sécurité permettant d'avoir une action proactive sur la détection et la correction d'écarts concernant les installations.

L'enquête a montré que les actions correctives, relatives aux écarts constatés sur l'exploitation de la piste 07/25 de Lorient Lann Bihoué, n'avaient pas été appliquées au jour de l'accident.

En conséquence, le BEA recommande que :

- la DSAC et la DIRCAM examinent la possibilité d'étendre aux aérodromes militaires accueillant du trafic civil commercial les exigences de certification et de gestion de la sécurité applicables aux aérodromes civils de trafic équivalent. [Recommandation FRAN-2013-082]