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Turbulences fortes, déconnexion du pilote automatique, perte d'altitude, alarme pression d'huile

Turbulences fortes, déconnexion du pilote automatique, perte d'altitude, alarme pression d'huile

Responsible entity

France - BEA

Investigation progression Closed
Progress: 100%

Vol Saint Martin Grand'Case - Pointe-à-Pitre (Guadeloupe)

 

Evénement : turbulences fortes, déconnexion du pilote automatique, perte d'altitude, alarme pression d'huile.

 

Conséquences et dommages : aucun.

 

Aéronef : ATR 72-212A.

 

Date et heure : le mardi 10 novembre 2009 à 13 h 42 UTC.

 

Exploitant : Air Caraïbes.

 

Lieu : au FL140 à proximité du point de compte rendu obligatoire ELOPO (Mer des Antilles).

 

Nature du vol : transport public de passagers, vol régulier.

 

Personnes à bord : 2 PNT, 2 PNC et 37 passagers dont un bébé.

 

 

 

DEROULEMENT DU VOL

 

L'équipage, en escale sur l'aérodrome de Saint Martin, prépare le vol à destination de Pointe à Pitre. Le copilote est PF. Le contrôleur autorisé l'équipage à suivre une route directe vers l'aérodrome de destination. L'équipage se trouve face à une masse nuageuse à forte activité orageuse qu'il avait observé lors du vol aller. Il estime qu'elle est infranchissable. Elle s'étend d'ouest en est sur une zone comprise entre les îles de Saint-Barthélemy et Antigua. L'équipage observe que le radar indique une forte activité en direction de cette masse. Il demande au contrôleur un changement de route. Ce dernier autorise l'équipage à poursuivre le vol en suivant la voie aérienne B 520, voie en direction du 140 qui aboutit à l'île d'Antigua, à partir du point de compte rendu obligatoire ELOPO, point distant de l'aérodrome de départ d'environ quarante milles marins. Lorsque l'équipage est proche du point précédent il change à nouveau de cap par l'est afin de longer la masse nuageuse et trouver un passage qui permette de la franchir. Il constate que le radar n'indique plus de forte activité orageuse après un parcours de quelques milles marins à l'est du point ELOPO. Vers 13 h 38 il décide de poursuivre le vol en empruntant ce passage au FL140. Il constate la présence d'humidité et active le système d'antigivrage et de dégivrage au niveau 2 (antigivrage).

 

A 13 h 42 l'équipage entre dans une zone de fortes turbulences en présence de pluie. Il pense que l'avion a été foudroyé à cet instant. Il sélectionne le mode IGNITION. L'équipage explique qu'il ne maitrise plus l'évolution de l'avion : ils n'arrivent pas à maintenir une assiette, un cap, une vitesse ou une altitude. Les données enregistrées indiquent des variations des valeurs de vitesse de cinquante milles marins et des valeurs de vitesse proche de la VMO. Il y a déconnexion du pilote automatique sans possibilité de l'engager à nouveau. L'équipage précise que plusieurs alarmes de type CAUTION ont retentis. Il ajoute qu'il ne peut pas les discriminer ni estimer la durée de leur activation en raison de la présence de fortes turbulences. Pendant cette séquence du vol le copilote s'occupe seulement de la maîtrise de la trajectoire. Il est assisté par le commandant de bord qui gère les manettes de puissance et essaie d'initialiser à nouveau les modes du PA. A 13 h 46 l'équipage reprend le contrôle de l'avion et constate une diminution de l'altitude de trois-mille pieds. La valeur maximale d'accélération verticale enregistrée est de 1,9 g. L'équipage contacte le contrôleur pour l'informer de la présence de turbulences dans la zone et de la perte d'altitude. A la demande du contrôle il remonte au FL140 et reprend la route vers l'île Antigua par une directe au VOR DME ANU. Le vol se poursuit en conditions IMC. Le radar n'indique pas la présence de cellules actives.

 

Le copilote atteint le niveau de vol dans un espace qui reste encore turbulent. Il vérifie les panneaux au poste de conduite. Il indique alors au commandant que l'alarme locale ENG OIL PRESS est activée pour le moteur numéro 1. Les valeurs fournies par les aiguilles des indicateurs de pression et de température de l'huile de ce moteur se situent dans la zone verte. Le commandant décide de poursuivre le vol. Il lit la procédure anormale ENG OIL LO PR sans l'appliquer. Il n'arrête donc pas le moteur numéro 1. Il contacte le contrôleur d'Antigua et obtient les dernières informations météorologiques de cet aérodrome ainsi que celles concernant la Guadeloupe. A cet instant les aiguilles indiquent une diminution de la valeur de la pression huile sans modification de la valeur de température. Le commandant précise qu'il hésite à arrêter le moteur dans cet environnement turbulent avec la présence de passagers à bord. Il ajoute qu'il ressent une certaine angoisse. A 13 h 54 il décide d'arrêter le moteur numéro 1 afin de lever le doute sur le fonctionnement de l'alarme de pression d'huile sur ce moteur. Le copilote continue de s'occuper de gérer la trajectoire pendant que le commandant applique alors la procédure qui demande de mettre l'hélice en drapeau et de couper l'arrivée du combustible. C'est pendant cette phase qu'il confond le témoin de l'alarme ENG qui est de couleur orange lorsqu'il est activé avec celui de l'alarme ENG OIL qui est de couleur rouge lorsqu'il est allumé. Il conclut que le témoin au CAP (Panneau d'alertes) fonctionne correctement et que dans ce cas le moteur peut être démarré à nouveau. C'est au démarrage du moteur qu'il réalise la confusion : il se rappelle qu'il a vu la couleur orange. Il porte son regard à nouveau au CAP pour confirmer son erreur. Il en informe le copilote. Il explique que l'alarme ENG OIL ne s'est jamais déclenchée après le passage de la manette de l'hélice en position drapeau. A 13 h 56 il coupe alors le moteur à nouveau et applique la procédure SINGLE ENG OPERATION.

 

Remarque : Le témoin de couleur orange lorsqu'il est activé indique une alerte CAUTION. Ce niveau d'alerte correspond à une situation anormale de l'avion, pannes de systèmes sans un impact direct sur la sécurité, qui nécessite une action corrective dont le temps de son exécution est laissé à l'appréciation de l'équipage. Ce type d'alerte identifié par un Master Caution associe un single chime et un témoin lumineux ambre sur le CAP

Lorsque le témoin est rouge ceci indique une alerte d'urgence WARNING.

 

Remarque : La procédure de traitement de panne du constructeur ENG OIL LO PR demande en cas d'une activation de l'alarme locale de pression d'huile d'arrêter le moteur puis de démarrer à nouveau le moteur seulement si le témoin de l'alarme ENG OIL s'allume après une durée de trente secondes, délai normal d'activation. Cette action permet de vérifier l'état de fonctionnement de l'alarme ENG OIL.

 

Il demande à nouveau au contrôleur d'Antigua les informations météorologiques de l'aérodrome. Ce dernier l'informe que les conditions à la Guadeloupe sont plus favorables et lui délivre l'autorisation pour poursuivre et contacter directement l'approche du terrain de destination. Il informe le personnel de cabine et les passagers. Le vol se poursuit à destination sans autre remarque particulière et à 14 h 14 l'équipage atterrit à Pointe-à-Pitre.

 

RENSEIGNEMENTS COMPLEMENTAIRES

 

Les actions de maintenance à la suite de l'incident

 

La maintenance de la compagnie constate que l'indicateur de pression est défaillant. Il n'a pas d'équipement de rechange sur place. Les vérifications nécessaires sont faites pour voler avec l'indicateur d'alarme locale défaillant comme le prévoit la MEL. L'avion est remis en service le jour même avec une tolérance technique.

 

Témoignages

 

Le commandant précise qu'il lui semble avoir subi de forte pressions temporelles lors du traitement de la panne du moteur et ressenti une certaine angoisse lorsqu'il a pris la décision d'arrêter le moteur. Il voulait traiter la panne au plus vite afin de récupérer le moteur, conscient de l'environnement turbulent dans lequel évoluait l'avion.

 

Le constructeur de l'avion

 

Le constructeur de l'avion indique que le bon fonctionnement des deux systèmes d'avertissement, le CAP et les témoins d'alarme locale, permettent au pilote de connaître l'état de la pression d'huile. Il ne peut expliquer l'apparition de l'alarme intempestive ENG au CAP qui a enduit le commandant en erreur. Cependant de nombreux équipages de compagnies différentes qui volent sur un avion du constructeur ATR reportent la survenue d'alarmes intempestives lors du vol en environnement turbulent.

 

Actions de la compagnie aérienne

 

Depuis la survenue de l'événement l'opérateur de l'avion a reproduit le scénario et la panne de l'incident dans le simulateur au bénéfice des pilotes qui volent sur les avions de la compagnie du constructeur ATR. Il a inséré dans le programme de maintien de compétences pour l'année 2010 le chapitre qui concerne le radar météorologique. Il a ajouté dans le cours de gestion des ressources de l'équipage une étude de l'événement. Il a rappelé aux équipages que toute suspicion de foudroiement devait être notifiée.