Vol en conditions météorologiques défavorables, collision avec le relief, en croisière, incendie
Vol en conditions météorologiques défavorables, collision avec le relief, en croisière, incendie
1 - Déroulement du vol
Le pilote effectue un vol VFR de Poitiers (86) à Cannes (06) avec un passager. Il décolle à 8 h 37, puis contacte le service d'information de vol de Limoges à 8 h 54. Les enregistrements radar montrent que le pilote effectue plusieurs changements de cap à l'approche d'Ussel (19). Alors que l'avion vole vers le nord-est à une altitude d'environ 3 500 ft, le pilote indique qu'il est « dans une météo un petit peu crasseuse » et remercie le contrôleur pour le « réconfort » qu'il lui apporte. Le contrôleur l'informe qu'il se dirige vers la zone militaire de La Courtine, active, et lui suggère de virer à droite pour l'éviter. Le pilote répond qu'il vire pour rejoindre sa route. Les enregistrements radar indiquent que le pilote vire à droite. Le contact radar est perdu peu après, à 9 h 48, alors que l'avion évolue selon une route 110° environ, à une altitude de 3 200 ft, à 5 NM environ au nord de la ville d'Ussel. Le contrôleur demande son cap au pilote qui répond « je suis au cap Est pour rejoindre ma route ». Le contrôleur suggère au pilote de contacter le SIV de Clermont. Le pilote collationne la fréquence indiquée. Aucun contact radio ultérieur n'a été enregistré avec le SIV de Clermont ni celui de Limoges.
2 - Renseignements complémentaires
2.1 Renseignements sur le pilote
Le pilote, âgé de 65 ans, avait obtenu un brevet de base en 1998, une licence de pilote privé en 2000 et une qualification vol de nuit en 2006. Son carnet de vol n'a pas été retrouvé. Les renseignements connus de la DGAC sur son expérience comprennent les informations suivantes :
expérience totale au 30 juillet 2004 : 256 heures de vol dont 136 en commandant de bord ;
expérience entre le 7 août 2011 et le 7 août 2012 : 19 heures de vol dont 17 en commandant de bord, 78 atterrissages et décollages.
2.2 Renseignements sur l'aéronef
Le TB200 F-HTEF était la copropriété du pilote et d'un second copropriétaire. Il était équipé d'un GPS Garmin 430. Le pilote emportait également un GPS portable Garmin 496 qui a été détruit dans l'accident. Aucune donnée utile à l'enquête n'a pu être extraite de ces équipements. L'avion était également muni d'instruments de radionavigation et de deux horizons artificiels.
2.3 Renseignements sur le site et l'épave
L'épave est retrouvée sensiblement dans le prolongement des derniers points radar enregistrés, 20 NM plus loin, à l'est d'Ussel. L'avion a heurté le relief au nord-ouest du Puy de Sancy, dans une forêt, à une altitude de 4 000 ft environ.
L'examen du site et de l'épave indique que l'avion a heurté les arbres avec une assiette et une inclinaison proches de l'horizontale, à une vitesse élevée, selon une route orientée au 200°. Les volets étaient rentrés. Le moteur délivrait de la puissance. Un incendie s'est déclaré après l'impact, alimenté par le carburant des réservoirs éventrés. Aucune anomalie antérieure à l'impact n'a été mise en évidence.
2.4 Renseignements sur les conditions météorologiques
La région des Monts d'Auvergne était sous l'influence d'un flux de secteur ouest à nord-ouest et d'une masse d'air très humide. A proximité du site de l'accident, les reliefs étaient noyés dans les nuages bas, soudés et épais. La visibilité était dégradée.
A 8 h 30, peu avant le décollage du F-HTEF, les observations de l'aérodrome de Poitiers étaient les suivantes :
vent 270° 4 kt ;
visibilité supérieure à 10 km ;
nuages SCT à 2 300 ft ;
SCT 3 000 ft ;
OVC à 3 700 ft.
L'ATIS de Limoges, dont l'écoute a été suggérée par le contrôleur au pilote alors que ce dernier approchait de l'aérodrome et souhaitait connaître « la dernière », contenait les informations météorologiques suivantes :
vent 280° 4 kt ;
visibilité 10 km ;
nuages SCT 3 900 ft ;
BKN 4 700 ft ;
OVC 5 600 ft.
2.5 Témoignages
Plusieurs témoins, situés à proximité du site de l'accident, ont entendu le bruit du moteur puis le bruit de l'impact. Ils n'ont pas vu l'avion qui semblait venir du nord, dans le brouillard.
Le pilote avait contacté par téléphone un prévisionniste la veille du jour de l'accident et le matin à plusieurs reprises entre 7 h 30 et 8 h 15. Ce dernier explique que dès la veille, les conditions météorologiques prévues à l'approche du Massif Central avaient été identifiées comme incompatibles avec le projet de vol vers Cannes. Les observations et prévisions de divers aérodromes ont été discutées. Une route alternative contournant largement le relief par le sud-ouest avait été envisagée. Cette solution imposait d'attendre la dissipation des brouillards attendus dans cette région, espérée à la mi-journée. Le prévisionniste explique avoir compris que cette solution d'attente ne semblait pas convenir au pilote qui espérait atteindre Cannes à la mi-journée. La possibilité d'avoir à faire demi-tour en route avait été évoquée.
Le copropriétaire explique que le pilote devait se rendre à Cannes avec un proche pour un déménagement. Il avait proposé de les amener tous les deux le lendemain, dans un autre avion. Le pilote avait décliné cette offre expliquant qu'ils devaient s'y rendre le jour prévu. La possibilité de décaler le vol à l'après-midi avait été évoquée mais le pilote préférait partir le matin. Le copropriétaire était en cours de formation IFR, accompagné parfois par le pilote lors de ces vols. Il était familier du trajet Poitier-Cannes et avait aidé le pilote à préparer sa navigation quelques jours plus tôt. La route prévue, insérée dans les deux GPS, passait par la verticale d'Ussel puis le VOR de Montélimar. Un journal de navigation avait été préparé. Le copropriétaire n'a pas été témoin des dernières actions de préparation du vol. Il avait suggéré au pilote d'appeler le prévisionniste. Il estime que le pilote totalisait environ 500 heures de vol et avait effectué quelques voyages dans les mois précédents.
3 - Enseignements et conclusion
L'enquête a montré que le pilote a continué son vol alors que les conditions météorologiques se dégradaient à l'approche du relief du Massif Central, conformément aux prévisions dont il avait connaissance. Les altérations de cap mises en évidence par la trajectoire radar et les communications avec le contrôleur montrent une volonté de persévérer selon la direction moyenne prévue lors de la préparation du vol. La trajectoire, suivie par l'avion peu avant la collision avec les arbres, orientée vers le sud / sud-ouest, peut indiquer une tentative de longer le relief vers le sud, peut-être dans l'espoir de trouver des conditions moins défavorables, permettant le cas échéant le franchissement du relief. L'attitude de l'avion à l'impact rend improbable l'hypothèse selon laquelle la collision aurait eu lieu lors d'un demi-tour stabilisé.
L'accident résulte de la décision tardive du pilote de modifier son projet d'action. La disponibilité d'équipements facilitant la navigation et le vol dans des conditions météorologiques marginales a pu y contribuer. Elle aussi est manifestement la conséquence d'une forte volonté d'atteindre le but prévu du vol.
Le BEA a publié sur son site(1) de nombreux rapports sur ce type d'accident, ainsi que le Recueil d'Evénements Confidentiel(2) (REC Info) n°1/2009 et deux études de sécurité, « Etude sur les événements GPS »(3) et « Objectif : destination 1991 - 1996 »(4).
(1)http://www.bea.aero/index.php
(2)http://www.bea.aero/recinfo/pdf/recinfo.2009.01.pdf
(3)http://www.bea.aero/etudes/etudegps/etudegps.pdf
(4)http://www.bea.aero/etudes/objectifdestination/objectifdestination.pdf