Perte de séparation, manoeuvres d'évitement suite à deux RA-TCAS successifs
Perte de séparation, manoeuvres d'évitement suite à deux RA-TCAS successifs
Résumé
L'équipage du vol AF7343 décolle de la piste 15 de Bâle-Mulhouse à destination de Paris Orly. Peu après, il est autorisé à monter au FL110 par le contrôleur d'approche. Environ une minute plus tard, le contrôleur autorise l'équipage, du vol DS1058, en provenance de Palma et en approche pour la piste 15, à descendre au même niveau. Un avis de trafic se déclenche à bord des deux avions suivi par une succession d'avis de résolution (RA TCAS) incluant une inversion de consigne. Au cours de ces manœuvres, le facteur de charge vertical enregistré à bord du vol DS1058 oscille entre - 0,19 g et 2,04 g. Un membre du personnel de cabine est légèrement blessé.
Cette perte de séparation a constitué un incident grave. L'enquête a montré qu'elle a résulté du lapsus d'un contrôleur-stagiaire ayant attribué un même niveau de vol à deux avions, l'un en montée et l'autre en descente, sans que le contrôleur-instructeur ne détecte l'erreur.
Ont pu contribuer à ce lapsus et à sa non-détection :
- une étude de sécurité inadéquate ayant conduit à la mise en place d'unités centrales dont les capacités insuffisantes avaient provoqué une panne non-résolue du système radar au moment de l'incident grave ;
- un contexte inhabituel de contrôle aux procédures classiques pour les deux contrôleurs, dans un contexte de demandes d'évitement pour raisons météorologiques ;
- la combinaison inadéquate d'un contrôle aux procédures classiques et de l'utilisation d'un radar déclaré inopérant ;
- le rôle d'interlocuteur exercé par le contrôleur-instructeur entre le contrôleur-stagiaire et le contrôleur-coordinateur, peu propice à la supervision du contrôleur-stagiaire.
Il est possible que la vitesse verticale de l'AF7343 ait joué un rôle dans la séquence d'apparition du TA puis du RA.
L'aggravation de la perte de séparation, matérialisée par l'inversion des avis de résolution, est consécutive à la conjonction :
- de la tendance à la diminution du taux de montée de l'AF7343 à la suite d'une instruction du contrôleur-stagiaire demandant à l'équipage de maintenir le FL100, instruction antérieure au déclenchement du RA TCAS « maintain vertical speed, crossing maintain » invitant au contraire l'équipage à maintenir un taux de montée constant ;
- d'une brève action à cabrer de la part du PF du vol DS1058 lors de la déconnexion du PA à la survenue du RA TCAS « monitor vertical speed » invitant l'équipage à ne pas monter.
La blessure légère d'un PNC du vol DS1058 est consécutive aux manœuvres franches du PF, alors soumis à un niveau de stress croissant, en réponse aux RA TCAS successifs.
Les dysfonctionnements du système de visualisation radar résultent de l'inadéquation entre l'équipement tel qu'il a été configuré et le trafic susceptible d'être pris en compte. La coordination inadaptée entre les services puis les contraintes temporelles n'ont pas favorisé la détection de cette anomalie lors des études menées antérieurement à l'incident.
Le BEA a émis quatre recommandations sur :
- l'automatisation des résolutions ACAS ;
- les avis de résolution préventifs ;
- l'utilisation de l'image radar lors du contrôle aux procédures ;
- le lissage de la trajectoire verticale à l'approche d'un niveau.
CONCLUSION
La perte de séparation qui caractérise cet incident grave est due au lapsus du contrôleur-stagiaire qui a autorisé l'AF7343 à monter au FL110, niveau de vol auquel il prévoyait d'autoriser l'équipage du DS1058 à descendre et auquel il l'a effectivement autorisé peu après, et de sa non-détection par le contrôleur-instructeur.
Ont pu contribuer à ce lapsus et à sa non-détection :
- l'étude et la mise en place précipitées d'unités centrales qui étaient en panne au moment de l'incident grave ;
- le contexte inhabituel pour chacun des deux contrôleurs, combinant contrôle aux procédures classiques, utilisation d'un radar déclaré inopérant et demandes d'évitement pour raisons météorologiques ;
- le rôle d'interlocuteur exercé par le contrôleur-instructeur entre le contrôleur-stagiaire et le contrôleur-coordinateur, peu propice à la supervision du contrôleur-stagiaire.
Il est possible que la vitesse verticale de l'AF7343 ait joué un rôle dans la séquence d'apparition du TA puis du RA.
L'aggravation de la perte de séparation, matérialisée par l'inversion des RA TCAS, est consécutive à la conjonction :
- de la tendance à la diminution du taux de montée de l'AF7343 à la suite de l'instruction du contrôleur-stagiaire demandant à l'équipage de maintenir le FL100, instruction antérieure au déclenchement du RA TCAS « maintain vertical speed, crossing maintain » invitant l'équipage à maintenir un taux de montée constant ;
- d'une brève action à cabrer de la part du PF du vol DS1058 lors de la déconnexion du PA à la survenue du RA TCAS « monitor vertical speed » invitant l'équipage à ne pas monter.
La blessure légère d'un PNC du vol DS1058 est consécutive aux manœuvres franches du PF, alors soumis à un niveau de stress croissant, en réponse aux RA TCAS successifs.
Les dysfonctionnements du système de visualisation radar résultent de l'inadéquation entre l'équipement tel qu'il a été configuré et le trafic susceptible d'être pris en compte. Au cours d'études de sécurité menées à l'occasion de changements antérieurs à l'incident, la coordination inadaptée entre les services puis les contraintes temporelles n'ont pas favorisé la détection de cette anomalie.
RECOMMANDATIONs
Rappel : conformément aux dispositions de l'article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l'autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l'étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l'article 18 du règlement précité.
Automatisation des résolutions ACAS
L'enquête a montré que malgré les évolutions des normes ACAS, des spécifications et des systèmes TCAS sur la base de l'expérience en exploitation, certaines manœuvres associées à l'apparition d'un avis de résolution restent hasardeuses. Ces manœuvres peuvent conduire à des blessures parmi les occupants lorsqu'elles sont brusques et, dans certains cas, aller jusqu'à compromettre la fiabilité de cette protection ultime face au risque de collision en vol.
En conséquence, le BEA recommande :
- que l'OACI étudie l'inscription en tant que norme ACAS de l'automatisation de la résolution lorsque le pilote automatique est engagé. Une telle étude devrait notamment considérer les effets directs et indirects de l'automatisation sur la capacité des membres d'équipage à rester conscients de la situation et à manœuvrer manuellement lorsque cela est nécessaire. [Recommandation FRAN-2013-058]
Avis de résolution préventifs
Le déclenchement d'un avis de résolution préventif, bien qu'il ne requière aucune manœuvre immédiate, incite un pilote à réagir, et ce de manière instinctive.
En conséquence, le BEA recommande :
- que l'OACI étudie l'impact sur la sécurité du classement de tous les avis de résolution (RA) de type préventif en avis de trafic (TA) uniquement. [Recommandation FRAN-2013-059]
Utilisation de l'image radar lors du contrôle aux procédures
L'image radar du service de navigation aérienne de Bâle-Mulhouse était déclarée en panne mais elle présentait des informations qui ont été utilisées par le contrôleur-instructeur pour vérifier les actions du contrôleur en formation. Alors que le contrôle aux procédures était en vigueur, les contrôleurs se sont appuyés sur des informations déclarées non fiables mais cohérentes avec le trafic en cours. Il n'existe pas de consignes de la DSNA sur l'utilisation d'une image radar déclarée en panne.
En conséquence, le BEA recommande :
- que la DSNA définisse une consigne claire sur l'utilisation de l'imagerie radar lorsque cette dernière est incertaine et que le contrôle aux procédures est en vigueur. [Recommandation FRAN-2013-060]
Lissage de la trajectoire verticale à l'approche d'un niveau
L'AF7343 avait un taux de montée de plus de 3 000 ft/min alors qu'il se trouvait à moins de 1 000 ft du niveau autorisé en présence d'un trafic convergent et conflictuel. Ce taux a pu contribuer à raccourcir le délai de déclenchement entre l'alerte TA et l'alerte RA. Airbus est sur le point de mettre en place un système automatique permettant de diminuer progressivement la vitesse verticale à l'approche de l'altitude ou du niveau de vol recherché et sélectionné.
En conséquence, le BEA recommande :
- que l'AESA étudie la mise en place d'une norme visant à lisser la trajectoire verticale des avions à l'approche d'un niveau sélectionné par l'équipage. [Recommandation FRAN-2013-061]