Accident survenu au Morane Saulnier MS887 immatriculé F-BVLI le 21/08/2024 à Sauviac (47)
Fortes vibrations en croisière, arrêt volontaire du moteur, atterrissage d’urgence
Note : Les informations suivantes sont principalement issues des témoignages du pilote et du mécanicien de l’aéroclub. Ces informations n'ont pas fait l'objet d'une validation indépendante par le BEA.
1. Déroulement du vol
Le pilote effectue un vol circulaire au départ de l’aérodrome privé de Bazas (LF3321). Il est accompagné d’un adulte et de deux enfants. La durée de vol prévue est de 30 minutes. Après 25 minutes de vol, alors qu’il est sur le trajet retour à moins de 10 km de l’aérodrome et à une altitude de 900 ft, le pilote perçoit d’importantes vibrations en provenance du compartiment moteur. Afin de ne pas endommager le bâti moteur et la cellule, le pilote décide de procéder à un atterrissage d’urgence dans un champ accessible situé à l’avant gauche de l’aéronef. Il arrête le moteur en étouffant la mixture et sort les volets. En très courte finale, une des ailes de l’aéronef entre en contact avec la cime d’un arbre situé en bordure de champ. Le pilote réussit à garder le contrôle de l’avion et se pose dans le champ.
Au cours du roulement à l’atterrissage, le train avant et le train principal se rompent au passage d’un fossé.
2. Renseignements complémentaires
2.1 Renseignements relatifs au pilote
Le pilote âgé de 72 ans, détenait une licence PPL(A) depuis 2004. Son expérience totale était de 675 heures de vol, dont environ 500 en tant que commandant de bord. Au jour de l’événement, son expérience sur l’avion était de 215 heures.
Son expérience récente était de 12 h dans les trois derniers mois, dont 4 h 30 dans les 30 jours précédents. La veille de l’événement, il avait volé sur l’aéronef F-BVLI pour une durée de 3 h 30.
2.2 Renseignements relatifs à l’aéronef
Le MS 887 F-BVLI est un avion monomoteur de construction métallique. Il a été fabriqué en 1973 et a été acquis par l’aéroclub en 2004. Il est équipé d’un moteur Textron Lycoming O-235 F2A qui délivre une puissance de 125 ch.
Le temps total de fonctionnement du moteur depuis la dernière révision générale était de 1 720 h. Son TBO[1] est fixé par le fabricant à 2 000 h. Dans le cas où cette butée n’est pas atteinte au bout de 12 ans d’exploitation, le motoriste conseille de procéder à son changement.
Le lendemain de l’événement, le club a procédé au décroisement de l’avion[2]. Au cours de cette opération, 20 litres de carburant ont été vidangés dans chacune des ailes[3]. Il a également été constaté que l’hélice n’opposait aucune résistance lors de sa rotation manuelle.
Le démontage ultérieur du moteur par le mécanicien de l’aéroclub a mis en évidence une rupture de la bielle n°3 ainsi qu’une rupture du vilebrequin. Lors de ce démontage, la quantité d’huile collectée était suffisante pour assurer une lubrification correcte du moteur.
Figure 1 : état du vilebrequin et de la bielle n°3 après démontage (Source : aéroclub)
2.3 Renseignements relatifs à la maintenance
La maintenance de l’aéronef était assurée par le mécanicien de l’aéroclub, détenteur d’une licence Part 66. Une visite périodique de 50 heures avait été effectuée 15 jours avant l’événement. Au cours de cette visite, l’examen par le mécanicien de l’huile vidangée et de la crépine du circuit de lubrification n’avait révélé aucune présence de particules métalliques. Le mécanicien déclare en outre que la consommation d’huile était dans les normes[4] et que la mesure récente des compressions du moteur avait donné des valeurs satisfaisantes, conformes aux préconisations du motoriste.
2.4 Renseignements relatifs à la météorologie
À l’heure de l’événement, le METAR de l’aérodrome de Bordeaux-Mérignac, situé à 30 NM indiquait :
METAR LFBD 210930Z AUTO 02006KT 350V060 CAVOK 21/12 Q1022 NOSIG=
2.5 Renseignements relatifs aux espaces aériens
L’aérodrome privé de Bazas est situé sous la zone LF-R115 B dont le plancher est fixé à 1 000 ft AGL.
L’AIP indique que cette zone abrite des activités spécifique défense de type tirs Air/Sol, parachutage et bombardement.
Le pilote précise que compte tenu de l’activation fréquente de cette zone, il est accoutumé à voler sous l’altitude de 1 000 ft à proximité de l’aérodrome et qu’il a de ce fait pour habitude de visualiser les champs accessibles, en cas de nécessité d’atterrissage en campagne.
3. Enseignements de sécurité
Compte tenu de l’altitude de vol, la seule option qui s’offrait au pilote consistait en la réalisation d’un atterrissage d’urgence. Malgré un temps disponible pour préparer et réaliser cet atterrissage hors aérodrome qui n’a pas excédé une minute, la réaction rapide et adaptée du pilote a permis de limiter efficacement les conséquences de cet événement. Son aptitude à connaître les zones de poser accessibles en cas d’urgence a également contribué à l’issue positive de l’atterrissage d’urgence.
Dans le cadre de la gestion des menaces et erreurs (TEM[5]), il est important que les pilotes aient conscience à tout moment du vol, des zones propices à un atterrissage en campagne en cas d’une éventuelle panne moteur.
Octobre 2024
[1] Time Between Overhaul
[2] Opération qui consiste à démonter les ailes afin de transporter la cellule par voie terrestre.
[3] L’avion est muni de deux réservoirs d’ailes de capacité unitaire 52,5 l (48 l utilisables).
[4] Le manuel d’utilisation du moteur met en évidence le fait qu’en fonction du régime utilisé en croisière, la consommation d’huile peut varier du simple au double.
[5] Threat and Error Management.