Accélération-arrêt après la vitesse de rotation à la suite d'efforts supérieurs à la normale sur la commande de profondeur
Accélération-arrêt après la vitesse de rotation à la suite d'efforts supérieurs à la normale sur la commande de profondeur
DEROULEMENT DU VOL
Une équipe de rugby affrète un avion pour un déplacement à Lyon Bron (69). Le vol retour est programmé avec le même avion qu'à l'aller mais avec un autre équipage. Ce dernier se rend sur l'aérodrome une heure avant le départ, prévu à 21 h 30 à destination de La Rochelle.
L'assistance au sol fournit à l'équipage un dossier de vol. L'équipage se rend à l'avion puis, constatant que le dossier de vol est incomplet, il contacte son service d'opération afin d'obtenir les NOTAM et des informations météorologiques. Le commandant de bord explique que, préoccupé par le chargement de l'avion en raison de la corpulence des passagers, il cherche en outre à obtenir la feuille de masse et centrage du vol du matin.
Lors de la visite pré-vol, le commandant de bord constate la présence de givre blanc sur le fuselage et les ailes. Il demande à l'agent d'exploitation un dégivrage de l'avion avant l'embarquement des passagers. L'application du fluide d'antigivrage de type II débute à 21 h 20 et se poursuit pendant environ 15 minutes.
Les passagers arrivent à l'aérogare à 21 h 50, les bagages sont répartis en soute par les deux agents d'assistance au sol qui viennent de dégivrer l'avion. L'embarquement a lieu à 22 h 00, le placement est libre. L'agent d'exploitation indique ensuite au commandant de bord, le nombre de passagers et de bagages.
L'équipage quitte le point de stationnement à 22 h 20 et rejoint le point d'arrêt de la piste 16. Le commandant de bord est PF. Lors du briefing avant décollage, il mentionne la procédure à appliquer en cas d'efforts supérieurs à la normale sur la commande de profondeur après l'utilisation d'un produit de dégivrage/antigivrage. Les volets sont braqués à 15° et le compensateur du stabilisateur à 2,8 à cabrer.
Le commandant de bord s'aligne et débute le décollage. A la vitesse de 110 kt (valeur retenue pour V1 et VR), il amène la commande de profondeur vers le secteur arrière et ressent un effort anormal. L'équipage exécute alors la procédure mentionnée au briefing : le copilote tire également sur la commande de profondeur. Le nez de l'avion ne se soulève pas et le compensateur du stabilisateur est actionné à cabrer, jusqu'à atteindre la valeur de 3,9. Vers 120 kt, le commandant de bord interrompt le décollage. L'inverseur de pas est actionné. L'avion s'arrête sur le dernier tiers de la piste. Le vol retour est reporté au lendemain.
ENSEIGNEMENTS
L'équipage avait conscience du caractère particulier de ce vol à la demande et notamment de la masse moyenne des joueurs supérieure à la normale. Il ne s'est néanmoins pas suffisamment représenté l'influence sur le centrage de leur répartition : ainsi, le nombre de bagages placés dans la soute arrière sur demande du commandant de bord n'était pas suffisant pour éviter un centrage hors de la limite avant. On notera en outre l'influence significative que peut avoir l'état du commissariat sur le centrage.
L'équipage a, dans un premier temps, estimé que l'effort important qu'il a ressenti sur la commande de profondeur était consécutif à l'application du produit d'antigivrage. Il a appliqué la procédure associée, retardant sa décision d'interrompre le décollage. Cependant, les difficultés rencontrées par l'équipage sont la conséquence d'un centrage hors de la limite avant au décollage.
Depuis l'incident, le service de sécurité des vols de l'exploitant a demandé au service charter de la compagnie d'obtenir la masse individuelle des passagers lors de vols particuliers comme le transport d'équipes sportives.
Ce même service rappelle aux équipages la particularité de certains vols charters, notamment :
- la prise en compte de la masse forfaitaire particulière ;
- le respect d'une répartition homogène des passagers en cabine de façon à respecter un centrage le plus neutre possible.
Le chapitre C du manuel d'exploitation, portant sur les masses en exploitation, va être modifié pour préciser que :
- dans le cas de transport de groupes importants, dont les membres ont manifestement des masses individuelles sensiblement différentes des masses forfaitaires, les masses individuelles doivent être utilisées. Il sera précisé que ces masses « sont déterminées par pesée (OPS 1.620(a)) ou en ajoutant un incrément de masse adéquat (IEM OPS 1.620(h))(6). De plus, la répartition en cabine des passagers sera établie pour obtenir un centrage le plus neutre possible et l'équipage s'assurera avant le départ que cette répartition est respectée » ;
- en ce qui concerne cet incrément à utiliser lorsque la pesée n'est pas possible, « cette surveillance incombe au personnel d'enregistrement, d'exploitation, d'embarquement ou de cabine qui devra systématiquement en référer à l'équipage technique ».
(6)Le EU-OPS 1.620 porte sur la masse relative aux passagers et aux bagages et l'IEM OPS 1.620 (h) apporte des précisions sur l'actualisation des masses forfaitaires.