Accident du Aiglon identifié 76-WC le 8/11/2015 à Ménerval (76)
Décrochage lors d’un circuit d’aérodrome sur une plate-forme ULM à usage privé
1 - DÉROULEMENT DU VOL
Un témoin entend l’ULM décoller de la plate-forme ULM à usage privé de Ménerval. Quelques minutes plus tard un autre témoin voit l’ULM à faible hauteur descendre en vrille à gauche et heurter le sol.
2 - RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES
2.1 Renseignements sur le site et sur l’épave
L’épave a été retrouvée sur une route à environ 100 mètres et en contre-bas de la plate-forme ULM. Elle repose sur le ventre, orientée sensiblement au 140°. Aucune trace de rebond ou de glissade n’a été observée à proximité de l’ULM qui a heurté le sol avec une légère inclinaison à gauche et une assiette à piquer.
L’examen de la cellule n’a pas révélé d’anomalie technique ayant pu contribuer à l’accident. Il a notamment été observé que :
- les commandes étaient continues ;
- le système de braquage symétrique des ailerons faisant office de commande de volets était sur la position « rentré » ;
- l’horamètre(1) indiquait environ 38 heures d’utilisation ;
- la commande de puissance était en position « plein réduit ».
L’examen du système propulsif, réalisé sur le site de l’accident, a permis de constater que :
- sollicité à la main via l’hélice, le moteur tournait librement et les compressions successives ont été identifiées ;
- du carburant était présent dans les réservoirs et dans les cuves des deux carburateurs. Aucune pollution n’a été observée dans le filtre décanteur et dans la pompe mécanique ;
- aucun endommagement extérieur n’a été observé sur le circuit d’allumage. Aucune singularité n’a été observée sur les électrodes des bougies ;
- une pale de l’hélice tripale en composite est rompue au droit du moyeu. Les deux autres pales sont encore solidaires du moyeu mais sont endommagées à la sortie du moyeu.
2.2 Renseignements sur l’aéronef
L’ULM identifié 76-WC est un multiaxe tube et toile biplace côte à côte de construction amateur équipé d’un moteur deux temps Rotax 582. Le pilote en était le propriétaire, il ne l’avait pas construit. Selon le constructeur, l’ULM avait une finesse de 10 environ. Lorsque le constructeur volait sur cet ULM, il réalisait les finales avec une vitesse indiquée d’environ 90 km/h. Le tableau de bord de l’ULM ne disposait pas d’un éclairage.
Le constructeur de l’ULM a livré le 76-WC par voie terrestre au pilote de l’accident sur la plate-forme de Ménerval un mois environ avant l’accident. L’horamètre indiquait alors environ 35 heures d’utilisation.
2.3 Renseignements sur le pilote
Le pilote, âgé de 64 ans, était titulaire d’une licence de pilote ULM délivrée en 2000. D’après les témoignages recueillis, le pilote totalisait entre 100 et 200 heures de vol, en grande partie réalisées sur un ULM Maestro(2). Des témoins précisent qu’il n’avait pas volé depuis sept ou huit ans, époque à laquelle il avait vendu son Maestro. Le pilote avait indiqué à un autre témoin qu’il faisait un ou deux vols par an avec d’autres pilotes mais qu’il ne faisait pas les atterrissages.
Le constructeur du 76-WC a fait un vol avec le pilote de l’accident après la livraison de l’ULM. A l’issue de ce vol, il a dit au pilote qu’il ne le considérait pas apte à voler sur cet ULM et qu’il devait voler avec un instructeur pour se perfectionner. Une semaine avant l’accident, le pilote du 76-WC avait réalisé une dizaine de « sauts de puce » sur la piste de Ménerval. Le vol de l’accident était son premier vol seul à bord du 76-WC.
Un ami du pilote indique lui avoir également conseillé de faire un vol avec un instructeur, mais précise que le pilote était difficile à conseiller et assez solitaire. Il ajoute que ce dernier avait pour habitude, avant son interruption des vols pendant plusieurs années, de réaliser des circuits rectangulaires à une hauteur comprise entre 300 ft et 400 ft. Il précise que le pilote virait généralement en étape de base lorsqu’il avait dépassé le seuil de piste d’une centaine de mètres.
Il est à noter que la licence de pilote d’ULM n’est pas limitée dans le temps(3). Le pilote était donc réglementairement autorisé à entreprendre ce vol.
2.4 Renseignement sur la plate-forme ULM
Le pilote a créé la plate-forme pour son usage personnel. Il a reçu en 1999 l’arrêté préfectoral autorisant l’installation de cette plate-forme permanente ULM à usage privé. Il possédait un hangar à côté de la piste dans lequel était remisé le 76-WC.
La plate-forme, située en espace aérien de classe G, dispose d’une bande aménagée en herbe d’environ 250 m x 20 m orientée 020°/200°.
Les seuils de piste sont balisés par des poteaux blancs semblables à ceux utilisés pour signaler les intersections routières. Il y a une manche à air au niveau du seuil 20.
2.5 Renseignements météorologiques
Les conditions météorologiques étaient anticycloniques. De nombreux bancs de brouillard et nuages bas lents à se dissiper recouvraient la région le matin et le début d’après-midi. Les METAR de Beauvais et de Rouen indiquent que les nuages bas se sont dissipés entre 14 et 15 h.
Les messages d’observations météorologiques (METAR) de 17 h 30 de Rouen et de Beauvais (60), situés respectivement à environ 22 NM et 20 NM du site de l’accident, faisaient état d’une situation CAVOK avec un vent de secteur sud pour 6 kt.
Le soleil s’est couché à 17 h 21. Au moment de l’accident le soleil avait un azimut d’environ 250° et le centre du disque solaire se trouvait à environ 4,5° en-dessous de l’horizon. La nuit aéronautique commence au début du crépuscule civil lorsque le centre du disque solaire se trouve à 6° en dessous de l’horizon.
La nuit aéronautique est une définition réglementaire qui ne traduit pas nécessairement les conditions d’éclairement(4). A l’approche de la nuit, ces conditions peuvent varier rapidement, particulièrement en hiver où l’obscurité peut précéder la nuit aéronautique.
2.6 Renseignements médicaux et pathologiques
Aucune substance susceptible d’altérer les capacités du pilote n’a été mise en évidence par les analyses toxicologiques.
3 - ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION
Le pilote a entrepris un vol seul à bord alors qu’il n’avait pas, ou très peu, piloté depuis plusieurs années. Dans ces conditions, le pilote ne disposait probablement pas des compétences et des ressources pour effectuer un circuit d’aérodrome avec un niveau acceptable de sécurité, particulièrement avec un ULM sur lequel il n’avait aucune expérience. De plus, le fait de décoller à quelques minutes de la nuit aéronautique, dans des conditions de luminosité faible, a accentué les difficultés de ce vol de reprise en main et de découverte de l’aéronef.
Compte tenu de l’attitude de l’aéronef lors de l’impact et de la position de l’épave, l’ULM a probablement décroché. L’examen de l’épave n’a pas révélé d’anomalie pouvant expliquer cette perte de contrôle. L’enquête n’a pas permis d’en établir formellement les raisons.
L’enquête n’a également pas permis de comprendre pourquoi le pilote a décollé seul à bord, dans des conditions d’éclairement faible, alors que d’une part il n’avait pas volé depuis plusieurs années et que d’autre part il n’avait aucune expérience sur cet aéronef qui avait des vitesses d’évolutions différentes de l’ULM sur lequel il avait principalement volé.
(1)L’horamètre se met en route dès qu’il est alimenté électriquement.
(2)ULM non équipé de volet, ayant une finesse de 4 ou 5 et une vitesse indiquée préconisée en finale de 70 km/h.
(3)Arrêté du 31 juillet 1981 relatif aux brevets, licences et qualifications des navigants non professionnels de l’aéronautique civile, §4.5.3.
(4)Ce thème a été abordé dans la lettre de sécurité mensuelle de la FFPLUM de décembre 2015 disponible sur le site internet de la FFPLUM www. ffplum.info