Accident du Cessna FR 182 immatriculé OO-VAK le 08/08/2015 à Marcillac (33)
Panne moteur en croisière, lors d'un VFR on top, atterrissage forcé manqué
1 - DÉROULEMENT DU VOL
Le pilote, propriétaire de l’avion, effectue un voyage en VFR de Dakar (Sénégal) vers Courtrai (Belgique) où il est basé. Il indique qu’il est familier de ces voyages allers-retours entre la Belgique et le Sénégal, qu’il a déjà effectués une vingtaine de fois. Il a décollé la veille du jour de l’accident de Dakar et fait escale à Nouadhibou (Mauritanie) puis à Agadir (Maroc), où il a passé la nuit. Le jour de l’accident, il décolle d’Agadir et fait escale à Valladolid (Espagne) vers 14 h 00. Durant l’escale, le pilote
consulte les METAR et TAF de Bordeaux, Paris et Ostende. Il estime que leur contenu
ne justifie pas de renoncer au vol prévu et redécolle vers 14 h 53 à destination de Courtrai sous plan de vol VFR.
Le pilote est en croisière au FL95 en VFR on-top(1), en contact avec le contrôleur responsable du SIV Aquitaine. A proximité de Bordeaux, il demande à descendre au FL75 pour maintenir les conditions VMC puis, quelques minutes plus tard, à descendre au FL55. Il évolue dans un espace de classe C de la TMA de Bordeaux.
Il indique qu’il enrichit un peu le mélange, actionne le réchauffage du carburateur et réduit un peu la puissance pour descendre. La descente s’effectue dans des conditions météorologiques à vue marginales. Au FL55, il perçoit deux ou trois ratés du moteur. L’indicateur de température d’air du carburateur indique 20 °C, et la pression d’admission est d’environ 19 pouces. Il constate que le moteur perd soudain toute sa puissance et que l’hélice tourne en moulinet.
Le pilote émet un appel de détresse. Le contrôleur lui fournit un cap vers l’aérodrome de Bordeaux-Mérignac (33) dans un premier temps, puis lui propose l’aérodrome de Montendre (17)(2), plus proche, ce que le pilote accepte.
Le pilote indique qu’il se concentre sur la gestion de la trajectoire et sur les communications avec le contrôleur. Il essaye de s’aider de son récepteur GNSS portable en tentant de fixer l’aérodrome comme but de navigation. Il explique avoir toujours été en vue du sol pendant la descente mais ne pas avoir vu l’aérodrome de Montendre. Pendant la descente, il pense avoir poussé toutes les manettes vers
l’avant pour tenter de restaurer la puissance du moteur. Il est possible qu’il ait également tenté de le redémarrer en actionnant le démarreur. Lorsqu’il comprend qu’il ne pourra pas atteindre l’aérodrome, il essaye d’atterrir avec le moins d’énergie possible en réduisant la vitesse vers la vitesse de décrochage. L’hélice cale. L’avion heurte un poteau en béton supportant une ligne électrique que le pilote n’avait pas détectée. L’avion s’immobilise dans un bosquet d’arbres.
Sur l’illustration suivante, la trajectoire de l’avion, issue des données d’un radar secondaire de la navigation aérienne, a été superposée à une image radar des précipitations fournie par Météo France, valable à 17 h 00 locales, soit 10 minutes avant l’accident. Quelques éléments de radiocommunications ont été ajoutés.
Le pilote a indiqué que, la veille du jour de l’accident lors de la mise en route à Nouadhibou, le moteur avait eu des ratés importants, pendant trente à quarante secondes. Les essais moteur avant le décollage n’ayant pas mis en évidence d’anomalie, le pilote avait décidé de décoller.
3 - ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION
L’accident est la conséquence d’un atterrissage forcé manqué, entrepris à la suite d’une perte de puissance du moteur.
L’origine de la perte de puissance n’a pas pu être établie par l’enquête. L’hypothèse d’une obturation du gicleur par une particule de pollution minérale retrouvée dans la cuve du carburateur est probable. L’obturation a pu disparaitre à l’impact ou lors des manipulations de l’épave. La pollution minérale et fibreuse mise en évidence par les examens du circuit de carburant ne provient pas d’un composant de l’aéronef. Elle a été introduite par une source externe à celui-ci, non déterminée par l’enquête. L’hypothèse d’un givrage du carburateur, tend à être écartée selon le témoignage du pilote. Les conditions météorologiques étaient propices à ce phénomène.
L’échec de l’atterrissage forcé en campagne s’explique probablement par la conjonction des facteurs suivants :
- L’attention portée en priorité à la gestion de la trajectoire et à la tentative de restauration de la puissance.
- L’obstination à atteindre l’aérodrome de Montendre, retardant la décision de préparer et d’effectuer un atterrissage en campagne. La trajectoire issue des données radar est en effet sensiblement rectiligne vers Montendre et la hauteur de l’avion lorsque le pilote indique ne pas pouvoir atteindre l’aérodrome est de l’ordre de 300 ft. L’épave se situe sur la gauche de ce segment, indiquant que le pilote a alors effectué une manoeuvre à faible hauteur, probablement afin d’orienter la trajectoire vers la zone la moins défavorable possible.
- La visibilité réduite, compliquant la détection visuelle d’une zone dégagée ou de l’aérodrome. Indépendamment des conditions météorologiques, celui-ci était probablement naturellement peu visible compte-tenu de sa piste en herbe et de ses infrastructures réduites.
La consultation, à Valladolid, des cartes TEMSI aurait utilement complété la consultation des TAF et METAR de Bordeaux en indiquant plus clairement l’empilement des couches nuageuses qui rendaient peu probable la réussite du projet du vol en VFR on-top sur ce trajet en respectant les conditions VMC requises. Les vols VFR on-top permettent d’éviter des conditions météorologiques défavorables au voisinage du sol (turbulence, visibilité réduite, nuages bas, par exemple) en se plaçant au-dessus d’une couche. Cependant, en cas de panne du moteur au-dessus d’une couche de nuages soudés ou presque, le pilote d’un mono-moteur est confronté à deux difficultés en plus de la recherche de panne :
- il doit traverser la couche en gardant le contrôle de son avion à l’aide de ses instruments, dont l’horizon artificiel, alors que ce circuit visuel est peu pratiqué par les pilotes VFR ;
- de plus, si la visibilité sous la couche est dégradée, ou si le plafond est bas voire nul, le pilote a peu, ou n’a pas, de possibilité de préparer son atterrissage forcé en identifiant une zone dégagée et en adaptant sa trajectoire.
Il parait ainsi opportun, lors de la préparation des vols, d’identifier les conditions prévues sous la couche et de décider, éventuellement, d’une modification de la route.
Ainsi, la prise en compte insuffisante des conditions météorologiques, lors de la préparation du vol puis en vol, a placé le pilote dans un contexte de vulnérabilité à la survenue d’une panne moteur. Elle constitue probablement un facteur contributif.
(1)En France, selon l’arrêté du 24 juillet 1991 relatif aux conditions d’utilisation des aéronefs civils en aviation générale, l’aéronef doit être équipé « d’un récepteur VOR ou un radiocompas automatique en fonction de la route prévue ou un GPS homologué en classe A, B ou C, si l’aéronef vole sans contact visuel du sol ou de l’eau ». Les autres exigences réglementaires pour les vols VFR restent applicables,
en particulier celles relatives au respect des conditions VMC définies selon les classes d’espace traversées.
(2)L’aérodrome de Montendre dispose d’une piste orientée 15/33 non revêtue équipée de deux surfaces bitumées à chacune de ses extrémités reliées par une bande de grave de 10 m de large.