Accident de l'ULM paramoteur identifié 60ADX survenu le 07/02/2022 à Duvy (60)
Perte de contrôle en vol, collision avec le sol
Quelques minutes après le décollage, à une hauteur d’environ 250 m, le pilote perd le contrôle de l’ULM, qui entre en collision avec le sol. L’atmosphère était légèrement turbulente.
L’enquête n’a pas permis de déterminer l’origine de la perte de contrôle.
Néanmoins, les éléments recueillis au cours de l’enquête sont compatibles avec la survenue d’un accident cardio-vasculaire, pathologie possiblement méconnue du pilote, ou avec une action inappropriée sur les commandes dans un contexte de diminution des capacités cognitives.
- Heure: Vers 16 h 20
- Exploitant: Privé
- Nature du vol: Local
- Personne à bord: Pilote
- Conséquences et dommages: Pilote décédé, ULM fortement endommagé
Perte de contrôle en vol, collision avec le sol
Sauf précision contraire, les heures figurant dans ce rapport sont exprimées en heure locale
1 DÉROULEMENT DU VOL
Note : Les informations suivantes sont principalement issues des données d’une tablette Sys Evolution.
Le pilote décolle d’une plate-forme ULM privée à 16 h 17, en direction du nord-est. Trois minutes plus tard, il stabilise sa hauteur à environ 250 m et effectue un virage par la droite puis un autre par la gauche. La vitesse sol est de l’ordre de 60 km/h.
À 16 h 21, le pilote perd le contrôle de l’ULM (*) qui entre en collision avec le sol. Un témoin indique que la voile s’est refermée sur elle-même et qu’elle s’est mise à tournoyer en tombant quasiment à la verticale.
(*) L’analyse des données radar montre qu’aucun aéronef, qui aurait pu causer de la turbulence, n’était dans la zone au moment de la perte de contrôle.
2 RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES
2.1 Renseignements météorologiques
Quatre autres pilotes de paramoteur, amis du pilote, ont décollé de la plate-forme l’après-midi du jour de l’accident.
Parmi eux, trois ont décollé à pied environ deux heures avant l’accident. Ils précisent que le vent était turbulent de force moyenne d’environ 20 km/h. Le quatrième a décollé en chariot quelques minutes après le pilote du 60ADX. Il estime que la vitesse du vent était plus faible.
Les premiers rapportent s’être fait « chahuter » au cours de leur vol, à cause de la présence de turbulences et de thermiques. Il s’agissait d’un ciel de traîne avec quelques cumulus.
Ils indiquent qu’à leur retour, une quinzaine de minutes après l’accident, le vent était plus stable avec une vitesse d’environ 10 km/h. Météo-France estime qu’au moment de l’accident, à une hauteur de 250 m, le vent était de secteur 270° et de force 20 km/h. La turbulence était faible. La nébulosité et la visibilité étaient compatibles avec la réalisation du vol. La température était de 9 °C.
2.2 Renseignements sur l’ULM
Les principaux composants de l’ULM étaient :
- une voile de profil Reflex, modèle Nucléon 4 fabriqué par la société Dudek, d’une surface alaire de 26 m², équipée du système TST (Tip Steering Toggle) , qui permet une action sur l’extrémité du bord de fuite en bout d’aile uniquement ;
- un chariot fabriqué par la société P2air64 ;
- un moteur deux temps fabriqué par la société Vittorazi.
L’importateur France de la voile précise les éléments suivants :
➢ Sur un profil Reflex, le bord de fuite de la voile remonte légèrement sur l’arrière. Ce profil est autostable, la voile se replaçant naturellement au-dessus du pilote. Ce type de voile permet de gagner de la vitesse. Elle est beaucoup moins sujette aux fermetures frontales, notamment dans le cas d’une voile accélérée, avec le bord d’attaque baissé. Néanmoins, en cas de fermeture de la voile de profil Reflex, la réouverture est plus délicate, plus violente, et susceptible d’entraîner une autorotation, contrairement à un profil standard (réouverture plus douce et moins de chance de rentrer en autorotation).
➢ La voile est dotée de trims et d’accélérateurs sur les élévateurs de l’aile, qui permettent de changer l’assiette de la voile et donc d’accélérer la voile. Les trims sont fixés sur le groupe arrière de la voile, qui permettent de lever le bord de fuite par rapport au bord d’attaque. Ils donnent un calage permanent à la voile. Les accélérateurs sont fixés sur le groupe avant, qui permettent de baisser le bord d’attaque et qui sont généralement actionnés temporairement par le pilote avec les pieds. Le chariot de l’ULM n’était pas équipé de la commande permettant d’agir sur les accélérateurs.
➢ Le système TST des voiles de profil Reflex permet d’avoir une action uniquement sur le bord de fuite situé au bout de l’aile (de chaque côté) pour virer, contrairement aux commandes de frein qui sont situées sur l’ensemble du bord de fuite. Ce système ne déforme pas le profil Reflex et permet de tourner sans risque de fermeture lorsque le pilote a actionné le profil Reflex.
Le manuel de vol de la voile précise que : « la moindre action sur les freins (surtout à vitesse maximale, trims ouverts) déplace le centre de pression vers l'arrière, le couple va diminuer l’incidence. Le mouvement de l’air est perturbé. Dans certains cas, ceci peut provoquer une fermeture. Une action sur les freins peut être nécessaire pour corriger la trajectoire, mais en vol droit les poignées de frein doivent être relâchées, sinon elles vont altérer l’équilibre des forces aérodynamiques ».
En tant qu’instructeur, l’importateur ajoute :
1. ne pas utiliser les freins quand l'aile est détrimée à plus de 50 % ou accélérée, pour se diriger il faut utiliser les TST prévus à cet effet ;
2. toujours détrimer avant d'accélérer ;
3. ne jamais utiliser le profil Reflex dans des conditions trop turbulentes, nous restons avec une voilure souple et lorsque les conditions ne le permettent pas, il faut rester au sol.
L’importateur précise aussi que le pilotage aux TST, ainsi que l’ouverture et la remise à zéro des trims sont extrêmement simples.
Le pilote utilisait sa voile, achetée neuve, depuis quelques mois. Un proche indique que ce n’était pas la première voile à profil Reflex que le pilote utilisait. Il estime que ce type de voile est facile à piloter.
2.3 Examen du site et de l’épave
Le site de l’accident se situe dans un champ. Lors de la collision avec le sol, l’ULM a laissé un cratère, situé à une vingtaine de mètres de l’endroit où repose l’épave principale.
Le chariot du paramoteur est entré en collision avec le sol avec une attitude à piquer. Il présente de nombreuses déformations, toutes consécutives à la collision avec le sol.
La voile a été examinée chez un spécialiste. Hormis les dommages dus à la collision avec le sol, la voile et les suspentes se trouvaient dans un excellent état. Les trims étaient ouverts, correspondant à une voile accélérée.
Le moteur a été examiné chez l’importateur, aucun défaut ou problème pouvant expliquer l’accident n’a été constaté.
Le parachute de secours n’a pas été utilisé.
2.4 Renseignements sur le pilote
Le pilote, âgé de 73 ans, était titulaire d’un brevet de pilote d’ULM de classe 1 (paramoteur) depuis 1998 et de classe 2 (pendulaire) depuis 2003.
Selon un proche, il réalisait en moyenne un à deux vols par semaine. Néanmoins, les mois qui ont précédé l’accident, il n’avait pas beaucoup volé, en raison des conditions météorologiques.
En 2021, selon le site Internet de la Coupe Française de Distance en paraMoteur (CFDM), le pilote avait réalisé 83 vols homologués et parcouru plus de 6 000 km. En 2022, il avait réalisé 4 vols et parcouru environ 300 km.
Les proches du pilote indiquent que les mois précédant l’accident, il était fatigué. Ils avaient constaté qu’il avait des « absences » et qu’il avait tendance à oublier des choses.
Un examen anatomo-pathologique a révélé :
- une athérosclérose évoluée des artères coronaires, jusqu’à l’obstruction de l’une d’entre elles. Il existe une fibrose évoluée du ventricule gauche. De telles lésions peuvent altérer la fonction cardiaque spontanément ou en cas de stress ;
- une perte de neurones (cellules nerveuses) au niveau du cortex cérébrale, susceptible d’expliquer les troubles cognitifs constatés par les proches.
Le fils du pilote a indiqué qu’il n’avait pas connaissance d’une pathologie cardiaque qui aurait affecté son père.
3 CONCLUSIONS
Les conclusions sont uniquement établies à partir des informations dont le BEA a eu connaissance au cours de l’enquête. Elles ne visent nullement à la détermination de fautes ou de responsabilités.
Scénario
Quelques minutes après le décollage, à une hauteur d’environ 250 m, le pilote perd le contrôle de l’ULM, qui entre en collision avec le sol. L’atmosphère était légèrement turbulente.
L’enquête n’a pas permis de déterminer l’origine de la perte de contrôle.
Néanmoins, les éléments recueillis au cours de l’enquête sont compatibles avec la survenue d’un accident cardio-vasculaire, pathologie possiblement méconnue du pilote, ou avec une action inappropriée sur les commandes dans un contexte de diminution des capacités cognitives.