Accident du Guimbal Cabri G2 immatriculé F-HPTI survenu le 03/04/2021 à St-Georges-de-Reneins (69)
Défaillance moteur lors de la translation au décollage, atterrissage d'urgence en glissé, basculement, en instruction
Peu après le décollage, l’hélicoptère a subi des à-coups en lacet et un bruit de claquement est apparu. L’instructeur, estimant que la panne était mineure, a réalisé un demi-tour pour revenir sur l’aire utilisée pour le décollage. Lors de cette manœuvre, la puissance du moteur a diminué, possiblement à cause d’un défaut d’étanchéité d’un cylindre au niveau des soupapes. L’instructeur a alors décidé d’atterrir immédiatement, avec un vent arrière d’environ 15 kt. Lors de l’atterrissage glissé dans un champs meuble parsemé de sillons et recouvert d’une bâche, l’hélicoptère a basculé vers l’avant puis sur le côté.
- Heure: Vers 13 h 45
- Exploitant: Savoie hélicoptères
- Nature du vol: Instruction
- Personnes à bord: Instructeur et élève pilote
- Conséquences & dommages: Hélicoptère fortement endommagé
Défaillance moteur lors de la translation au décollage, atterrissage d'urgence en glissé, basculement, en instruction
Sauf précision contraire, les heures figurant dans ce rapport sont exprimées en heure locale
1. DÉROULEMENT DU VOL
Note : Les informations suivantes sont principalement issues des témoignages de l’instructeur et de l’élève pilote.
L’élève pilote, accompagné d’un instructeur, décolle d'un chemin de terre pour un vol à destination de l’hélisurface de l’aéroclub située à Marnaz (74). Après la mise en stationnaire, il place l'hélicoptère face au vent du nord puis effectue une translation en montée. Pendant celle-ci, à une quinzaine de mètres du sol, un bruit de claquement apparaît et l’hélicoptère subit des à-coups en lacet. En réaction, l’instructeur baisse légèrement la commande de pas général pour que le moteur ne soit pas trop sollicité. Il annonce à l’élève qu’il reprend les commandes et qu’il va revenir atterrir sur le chemin de terre. Il effectue alors un demi-tour par la gauche et poursuit face au sud. Pour éviter d’avoir un taux de chute trop élevé, il prévoit de dépasser le chemin de terre puis de réaliser un nouveau demi-tour (qui ne sera pas réalisé) avant d’atterrir à son point de départ face au vent. À proximité du chemin de terre, en direction du sud à une hauteur d’environ cinq mètres et à une vitesse d’un peu moins de 30 kt, la puissance du moteur diminue et un signal sonore continu retentit en cabine. L’instructeur poursuit la descente et prévoit désormais d’atterrir dans le champ face à lui. La partie avant des patins entre en contact avec une bâche recouvrant le champ et s’enfonce dans la terre meuble. L’hélicoptère bascule vers l’avant, entraînant l’endommagement du rotor principal et la rupture de la poutre de queue. L’hélicoptère s’immobilise, couché sur son flanc gauche.
Figure 1 : site de l’accident (Source : BEA)
2. RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES
2.1 Renseignements météorologiques
Les conditions météorologiques estimées par Météo-France étaient les suivantes : vent du 360° pour 14 à 16 kt, rafales jusqu’à 30 kt, visibilité supérieure à 10 km, ciel clair à peu nuageux, température 12 °C, température du point de rosée 2 °C, QNH 1 018 hPa.
2.2 Renseignements sur l'élève pilote
L’élève pilote, âgé de 27 ans, était en cours de formation en vue de l’obtention de la licence PPL(H).
Depuis le début de ses vols environ trois mois plus tôt, il totalisait 69 heures de vol dont 33 sur Guimbal Cabri G2, hélicoptère sur lequel il planifiait de passer son examen pratique du PPL(H). Il avait réalisé quatre autres vols d’instruction avec l’instructeur le jour de l’événement, pour un total de 2 heures 36 de vol.
2.3 Renseignements sur l'instructeur
L’instructeur, âgé de 36 ans, était titulaire d’une licence CPL(H) depuis avril 2017, notamment assortie d’une qualification d’instructeur obtenue en octobre 2017, d’une qualification de type Airbus AS350/EC130 obtenue en avril 2018 et d’une qualification de type Guimbal Cabri G2 obtenue en décembre 2018. Il totalisait 1 693 heures de vol. Dans les trois mois précédant l’accident, il avait volé 157 heures, dont 86 sur Guimbal Cabri G2.
2.4 Renseignements sur les vols précédents de la journée de l'élève pilote et de l'instructeur
Un premier vol de 18 min a été effectué avec un Airbus AS350 B3e. Un deuxième vol de la même durée a été réalisé avec un autre Airbus AS350 B3e. Un troisième vol d’1 h 30, incluant des tours de piste avec simulation de panne du rotor anti-couple (RAC) et des autorotations, a été réalisé avec le F-HPTI. Un quatrième vol de 30 min et à destination d’un chemin de terre de Saint-Georges-de-Reneins a été réalisé avec le F-HPTI. À leur arrivée à 12 h 30, l’instructeur et l’élève pilote ont déjeuné chez des personnes habitant à proximité immédiate. Il s’agissait de la septième fois que l’instructeur se rendait à cet endroit en hélicoptère, et la première fois pour l’élève pilote.
2.5 Témoignage de l'élève pilote
Il indique que pour le vol de l’événement, le vent était régulier et ne posait aucune difficulté particulière. Il explique que le bruit de claquement était intermittent et que l’hélicoptère subissait des à-coups irréguliers en lacet. Il ajoute que lors du survol face au sud du point initialement prévu pour l’atterrissage, il a constaté une diminution des tours rotor et un son continu a retenti.
2.6 Témoignage de l'instructeur
Il explique que le vent était établi de secteur nord pour environ 20 kt et qu’il n’a pas ressenti de rafale. Lorsque que l’hélicoptère a commencé à subir des à-coups en lacet, il a pensé qu’il était dans le cas d’une panne mineure après décollage. Sa stratégie était alors de revenir atterrir face au vent du nord sur le chemin de terre.
À la suite du déclenchement du signal sonore continu, il a considéré qu’il était désormais dans une situation de panne majeure et qu’il fallait atterrir dans l’axe en « amortissant le contact avec le sol ». Il s’est dit que le signal sonore continu pouvait être interprété de deux façons :
- 1/ les tours rotor étaient bas ;
- 2/ les allumages étaient toujours sur « on » alors que le moteur venait de s’arrêter. Ce signal sonore est normalement prévu pour rappeler au pilote qui vient d’atterrir et d’éteindre le moteur de ne pas oublier de couper les allumages.
Il ne savait pas dans lequel des deux scénarios il se trouvait. Il précise ne pas avoir eu le temps de regarder les aiguilles du tachymètre ou de vérifier l’état du voyant de pression d’huile. Il estime que juste avant le contact avec le sol, le moteur faisait moins de bruit comme au ralenti. Il ajoute que le moteur ne tournait peut-être même plus lorsque l’hélicoptère a touché le sol. Il explique que les patins étaient au même niveau et que leur partie avant est venue tout doucement en contact avec le sol qui était complètement plat à cet endroit du champ. Il précise que l’hélicoptère a dû basculer vers l’avant à cause de la terre meuble plutôt que du vent.
2.7 Renseignements sur l'hélicoptère
2.7.1 Moteur
Le Guimbal Cabri G2 est équipé d’un moteur 4 cylindres à plat de type Lycoming O-360-J2A délivrant 145 ch (en puissance maximale continue) comportant une soupape d’admission et une soupape d’échappement par cylindre.
2.7.2 Maintenance
Le F-HPTI a été mis en service en décembre 2018 et avait 651 heures de vol au moment de l’événement. Le moteur était celui d’origine et avait le même temps d’utilisation que la cellule. La dernière vérification de la compression des cylindres a eu lieu lors de la visite de maintenance de type 50 heures les 1er et 2 février 2021. Les mesures avaient été jugées acceptables et n’avaient pas été enregistrées. La dernière visite de maintenance de l’hélicoptère, de type 100 heures, s’est terminée
le 11 mars 2021 après 605 heures vol. En ce qui concerne le moteur, ont été réalisés :
- une inspection des éléments du moteur nécessitant une attention particulière selon le service instruction Lycoming numéro 1080C ;
- une inspection du train de soupapes selon le service bulletin Lycoming numéro 388C. Cette inspection a pour but d’empêcher la survenue d’une panne du moteur en raison :
1/ d’un grippage des soupapes du fait de l’accumulation excessive de carbone entre les guides de soupape et les tiges de soupape,
2/ de l’endommagement des soupapes d’échappement du fait d’une usure excessive (évasement) des guides de soupape d’échappement ;
- une vidange avec une huile de type AERO DM 15W50 (comme lors des précédentes vidanges), le changement du filtre à huile et une inspection de la crépine d'aspiration d'huile. Aucune contamination métallique n’a été découverte lors de ces opérations ;
- l’inspection des magnétos, qui n’a pas montré d’anomalie ;
- le remplacement des bougies.
L’hélicoptère a volé 45 heures environ entre cette visite et le vol de l’accident.
2.7.3 Manuel de vol
Le manuel de vol indique qu’une panne moteur peut être détectée par :
- une accélération en lacet, nez vers la droite ;
- une baisse du niveau sonore du moteur ;
- une désynchronisation des aiguilles du tachymètre ;
- le voyant rouge de pression d’huile et l’indicateur de pression d’huile moteur qui s’allument ;
- l’alarme sonore du système « Plasma » (Le Cabri G2 est équipé d'un double allumage, composé d'une magnéto classique et d'un allumage électronique Plasma)
- une diminution du régime rotor et l’alarme sonore de bas régime qui retentit continuellement lorsque le régime rotor est inférieur à 466 tr/min.
2.8 Examen de l'hélicoptère
L’une des pales du rotor principal a désolidarisé la poutre de queue en avant du plan horizontal selon un angle biais qui indique que le rotor avait une vitesse de rotation faible.
L’examen de la boîte de transmission principale (BTP), de la tête rotor et du RAC de type fenestron n’a pas mis en évidence d’anomalie ayant pu entraîner l’accident. Extérieurement, le moteur était propre et ne présentait aucune fissure. Le filtre à huile était propre et aucune particule métallique n’a été observée dans l’huile retrouvée. Le filtre à carburant était également propre. Plusieurs mesures de compression des cylindres ont été effectuées sans que le moteur ne soit remis en route. Contrairement aux trois autres cylindres, le cylindre N°1 ne remontait pas en pression. L’examen boroscopique des chambres de combustion des cylindres n’a pas montré d’anomalie. En particulier, celle du cylindre N°1 était exempte de toute particule, griffure ou débris anormal. Bien que non mesuré, un jeu minime a été relevé au niveau des deux sièges de soupape du cylindre N°1. Après dépose de l’ensemble des ressorts de soupapes du moteur, les queues de soupapes ont été manipulées et ne présentaient ni point dur ni frottement anormal. Après remontage des ressorts, la pression du cylindre N°1 a été mesurée à une valeur similaire à celles des autres cylindres.
Le démontage complet du moteur par un atelier de maintenance révèle :
- une quantité importante de calamine sur les deux sièges de soupapes et sur le piston du cylindre N°1 ;
- une dégradation des soupapes d’échappement et un encrassement des soupapes d’admission de tous les cylindres.
L’atelier estime qu’il n’y a pas eu de grippage de soupape et que la calamine au niveau du cylindre N°1 n’a pas pu entraîner le dysfonctionnement du moteur.
3. CONCLUSION
Les conclusions sont uniquement établies à partir des informations dont le BEA a eu connaissance au cours de l’enquête. Elles ne visent nullement à la détermination de fautes ou de responsabilités.
Scénario
Peu après le décollage, l’hélicoptère a subi des à-coups en lacet et un bruit de claquement est apparu. L’instructeur, estimant que la panne était mineure, a réalisé un demi-tour pour revenir sur l’aire utilisée pour le décollage. Lors de cette manœuvre, la puissance du moteur a diminué, possiblement à cause d’un défaut d’étanchéité d’un cylindre au niveau des soupapes. L’instructeur a alors décidé d’atterrir immédiatement, avec un vent arrière d’environ 15 kt. Lors de l’atterrissage glissé dans un champs meuble parsemé de sillons et recouvert d’une bâche, l’hélicoptère a basculé vers l’avant puis sur le côté.
Les enquêtes du BEA ont pour unique objectif l’amélioration de la sécurité aérienne et ne visent nullement à la détermination de fautes ou responsabilités.