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Accident survenu au JMB VL-3 identifié 59DUJ le 19/06/2020 à Mortemer (76)

Perte de contrôle en croisière, collision avec le sol

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

Le pilote et la passagère ont prévu un vol vers l’aérodrome de Figeac-Livernon, afin de rendre visite aux parents de la passagère et préparer l’organisation de futurs vols de navigation en groupe dans la région. La veille du jour de l’accident, l’équipage a reporté le vol en raison de mauvaises conditions météorologiques.

Le jour de l’accident, un plan de vol est déposé pour une altitude de croisière de 3 000 ft et une route passant par les VOR d’Abbeville et de Rouen. Au moment du départ, le pilote indique à un témoin qu’il essaiera de passer au-dessus de nuages présents au loin dans l’axe.

Au passage de la frontière et au premier contact radio avec le service de la navigation aérienne de Lille (SNA Nord) gérant le Secteur d’information de vol (SIV) de Lille, le 59DUJ est à une altitude de 3 500 ft. Le pilote demande alors à la contrôleuse à plusieurs reprises à monter pour éviter les nuages sur sa route. Le dernier niveau atteint est le FL 080, niveau habituellement réservé aux vols IFR.

Peu après avoir survolé le VOR d’Abbeville, le pilote vire progressivement vers sa gauche jusqu’à infléchir sa trajectoire d’environ 20 degrés. Il souhaite probablement éviter le front nuageux qui se situe sur sa droite. Une fois établi sur cette nouvelle route, il est à environ 15 NM de la Région de contrôle terminale (TMA) 7 de Paris, espace aérien de classe A interdit aux vols VFR au-dessus du FL 065.

Peu après, la contrôleuse de Lille demande au pilote du 59DUJ de contacter le Centre d’information de vol (CIV) de Paris Info, sans qu’elle effectue toutefois de coordination préalable avec ce dernier. Le plot radar du 59DUJ ne s’affiche sur l’écran de l’agent CIV Paris que trois minutes après le premier contact avec le CIV en raison de l’erreur d’affichage initiale du code transpondeur par le pilote. Cette erreur pourrait s’expliquer par une charge de travail importante liée à l’évitement de masses nuageuses. Quand le plot radar apparaît sur l’écran de l’agent CIV, le 59DUJ se trouve en espace aérien de classe G au FL 080, à environ une minute de vol de la pénétration dans la TMA 7.

L’agent CIV ordonne ensuite à plusieurs reprises au pilote de tourner à droite afin de rejoindre la zone où le plancher de la TMA est au FL 085 (TMA 9) et lui demande de ne pas descendre.

Le pilote ne mentionne pas son impossibilité de virer à droite en raison du front nuageux. Il vire initialement à gauche et pénètre dans la zone de classe A en la tangentant à environ 500 m à l’intérieur de la limite. L’agent CIV se focalise sur l’évitement de la TMA 7 par l’ouest. Le pilote, quant à lui, réduit ensuite sa vitesse, descend et passe en pilotage manuel avec l’objectif de poursuivre ensuite sa navigation en dessous du FL 065 et de la TMA 7, ce qu’il annonce à la radio. La réalisation de virages serrés en descente laisse penser que le pilote a pu vouloir spiraler dans une ouverture dans la couche nuageuse tout en cherchant à ne pas continuer à évoluer à l’intérieur de la zone de classe A. Il effectue deux virages à droite avec une trajectoire globalement en descente qui l’amènent à sortir de la TMA 7 puis à y entrer de nouveau.

Puis, lors d’un virage à gauche à 49° d’inclinaison et 73 kt de vitesse indiquée, l’ULM atteint l’incidence de décrochage et le pilote perd le contrôle de l’aéronef. Le pilote, conscient de la chute, ne parvient pas à récupérer le contrôle de l’ULM. Le parachute de cellule n’est pas activé avant la collision avec le sol.

Il n’a pas été possible de déterminer si, durant la descente pour éviter la TMA, l’ULM était entré dans la couche nuageuse.

Le BEA a émis une recommandation de sécurité concernant l’organisation du service d’information de vol et assistance aux vols VFR en difficulté en France.

Le BEA émet 1 recommandation de sécurité :

- Recommandation FRAN-2023-022 / Organisation du service d'information de vol et assistance aux vols VFR en difficulté :

L’enquête a montré que le service d’information de vol n’est pas fourni de manière homogène en France. Des différences majeures existent en effet entre les secteurs d’information de vol (SIV) et les zones dépendant de centres d’information de vol (CIV), notamment au niveau des principes de visualisation radar des vols VFR et des qualifications et formations des personnels qui y assurent le service. Tout en étant deux entités différentes statutairement, les Approches gérant les SIV et les CIV rendent néanmoins théoriquement le même service d’information de vol auprès des pilotes.

Par ailleurs, au jour de l’accident, la position du CIV Paris n’était pas armée avec deux agents comme à l’accoutumée en été.

L’enquête a montré que :

  • le niveau de formation des agents CIV peut être insuffisant, notamment pour l’utilisation de la langue anglaise ainsi que l’identification et l’assistance aux vols VFR en difficulté ;
  • le service d’information de vol n’est pas disponible de manière permanente dans certains espaces en France et que les choix de la DSNA montrent une tendance à la diminution de ce service[1] ;
  • les agents du SIV et du CIV n’ont pas su détecter les difficultés rencontrées par le pilote.

Dix-sept événements ont été recensés au BEA entre 2010 et 2020 sur le sujet de l’assistance au pilote VFR en mauvaises conditions météorologiques. Ces événements représentent 30 morts.

Il est fréquent que les pilotes ne verbalisent pas leur problème ni ne demandent clairement une assistance. Des marqueurs de la difficulté rencontrée sont en général présents en amont de l’événement tels que demandes successives de changement de route ou d’altitude de vol, voire de régime de vol. Ces éléments pourraient être détectés par les agents de la navigation aérienne avec qui le pilote est en contact radio. Pour cela, il est nécessaire que les agents disposent d’une formation adaptée pour les reconnaître et y apporter une réponse adaptée.

Cette attitude proactive n’est pas standardisée au sein de la DSNA.

De plus, l’anticipation de l’arrivée du 59DUJ aurait pu être améliorée avec une :

  • coordination avant transfert par le SIV Lille auprès du CIV Paris ;
  • impression automatique des éléments du plan de vol VFR déposé lors de transits prévus dans les espaces gérés par les SIV ou CIV ;
  • meilleure compréhension par l’agent CIV Paris de l’altitude de vol du 59DUJ.

Une meilleure prise en compte par la contrôleuse de Lille des difficultés liées aux nuages que le pilote du 59DUJ a indiqués et la communication de ces problèmes au CIV Paris aurait pu permettre une meilleure conscience de la situation par l’agent du CIV Paris. Les agents CIV Paris et les contrôleurs de Lille n’ont pas à leur disposition d’information sur les conditions météorologiques en route susceptibles d’être gênantes pour les vols VFR, hormis le système Aspoc à Lille qui concerne uniquement les cellules orageuses.

Lorsque les centres d’information de vol sont alertés d’une situation difficile rencontrée par un pilote, ils sont susceptibles de  mettre en œuvre les moyens appropriés d’assistance au pilote VFR, qui peuvent aller jusqu’à l’autoriser à pénétrer dans une zone de classe A après coordination avec les services du contrôle compétents. En revanche, l’enquête a montré que les CIV ne sont pas formés à reconnaître de telles situations si le pilote ne l’annonce pas.

En conséquence, le BEA recommande que :

  • considérant que le service d’information de vol est une composante importante de la sécurité des vols VFR ;
  • considérant qu’une bonne coordination entre organismes permet une meilleure anticipation et donc une meilleure prise en charge des aéronefs par les agents rendant le service d’information de vol ;
  • considérant qu’un bon niveau d’utilisation de la radiotéléphonie en anglais est nécessaire pour les agents effectuant l’information de vol ;
  • considérant que les agents effectuant l’information de vol ne sont pas suffisamment formés à l’assistance et la reconnaissance des vols VFR en difficulté ;
  • considérant que les agents du CIV n’ont pas d’information à leur disposition sur les conditions météorologiques en route susceptibles de gêner les vols VFR ;
  • considérant les 17 accidents survenus entre 2010 et 2020 au cours desquels les services de la navigation aérienne avec lesquels les pilotes étaient en contact n’ont pas su détecter les situations difficiles ni y apporter une aide proactive et adaptée ;
  • considérant les recommandations et enseignements de sécurité émis par le BEA dans les rapports de sécurité concernant les accidents des aéronefs F-GPIT, F-HEHM, F-BXEU et 37AHH sur la qualité et la disponibilité du service d’information de vol ;

la DSNA revoie l’organisation du service d’information de vol, le positionnement de ce service par rapport à l’ensemble des services aériens rendus par la DSNA et la formation des agents rendant ce service dans les espaces aériens français en prêtant une attention particulière aux sujets suivants : 

    • la coordination entre les centres et l’affichage automatique des plans de vols VFR actifs afin que les agents puissent suffisamment anticiper l’arrivée des vols VFR,
    • la répartition des effectifs en poste en fonction du volume de trafic VFR,
    • la formation et les niveaux de compétences nécessaires pour assurer l’information de vol,
    • la formation spécifique à la détection et l’assistance des vols VFR en difficulté même sans émission d’un message de détresse ni verbalisation du pilote,

les équipements permettant aux agents d’avoir une conscience en temps réel de la situation météorologique en route ainsi que des conditions météorologiques à grande échelle susceptibles d’empêcher les vols VFR de poursuivre leur navigation.

Le suivi de cette recommandation est en cours

Suivi disponible sur SRIS2: cliquez ici

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[1] Problème également identifié dans l’enquête de sécurité sur la collision survenue entre le Robin DR400 immatriculé F-BXEU et l’Alpi Aviation Pioneer 300 identifié 37AHH le 10 octobre 2020 à Loches (37).

Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.