Accident du Piper Aircraft PA31T immatriculé OE-FKG, le 28/10/2011 à Toulouse Blagnac (31)
Assymétrie de traction, perte de contrôle en approche finale, collision avec le sol, incendie
ORGANISATION DE L’ENQUÊTE
Deux enquêteurs du BEA se sont rendus sur place.
L’Autriche, Etat d’immatriculation et de l’exploitant, les Etats-Unis, Etat de conception et de construction de l’avion, le Canada, Etat de conception et de construction des moteurs, l’Allemagne, Etat où la dernière visite d’entretien programmée a été réalisée, ont été notifiés. Chacun a désigné un représentant accrédité pour participer à l’enquête de sécurité.
La commission Européenne et l’AESA ont également été notifiés conformément au règlement européen n° 996/2010.
RÉSUMÉ
Le pilote, accompagné de trois passagers, membres de sa famille, décolle à 16 h 35 min de l’aérodrome de Kassel (Allemagne) pour un vol privé en IFR à destination de celui de Toulouse-Blagnac. Après environ trois heures de vol, il est autorisé à l’approche, puis bénéficie d’un guidage radar pour l’ILS de la piste 14R. Lors du dernier échange avec le contrôleur, alors que l’avion est en finale à 900 pieds de hauteur, le pilote précise qu’il a un problème, sans en préciser la nature car le message est interrompu. Peu après, les contacts radar et radio sont perdus. L’épave est retrouvée à proximité du seuil de la piste 14R.
Le pilote et les trois passagers sont décédés. L’avion est détruit.
CAUSES, FACTEURS CONTRIBUTIFS ET THÈMES DES RECOMMANDATIONS
Une anomalie au niveau du moteur droit a vraisemblablement généré une asymétrie de traction. Le pilote n’a probablement pas réagi suffisamment tôt à la diminution de vitesse et a probablement rencontré des difficultés à maîtriser l’asymétrie de traction avant de perdre le contrôle de l’avion.
La poursuite d’une arrivée rapide sans références visuelles extérieures, la fascination probable sur l’objectif, une formation à la qualification de type insuffisante et inadaptée ont pu contribuer à la survenue de cet accident.
La formation théorique et pratique des équipages de conduite des aéronefs et la surveillance des organismes de formation ont fait l’objet de cinq recommandations de sécurité.
3 - CONCLUSION
3.1 Faits établis par l’enquête
- le pilote détenait les licences et qualifications requises pour l’exécution du vol ;
- les quinze heures de formation en vue de l’obtention de la qualification de type PA31T ont été comptabilisées en IFR sur le carnet de vol du pilote. Treize ont été réalisées sur des étapes de deux heures et plus ;
- l’avion détenait un certificat de navigabilité en état de validité. Il sortait d’une visite d’entretien programmée au cours de laquelle aucune défaillance des moteurs n’a été remarquée ;
- le vol de l’événement s’est déroulé sans événement remarquable jusqu’à l’approche ;
- l’approche a été conduite de nuit, en condition IMC ;
- la réduction de vitesse et le passage en configuration atterrissage, trains sortis, volets 40° ont eu lieu à une hauteur d’environ 1 000 ft ;
- le pilote a détecté une anomalie et l’a signalé à la fréquence sans en préciser la nature ;
- la vitesse sol de l’avion a diminué jusqu’à la vitesse de décrochage dans cette configuration, à faible hauteur. Il a percuté le sol avec un angle de roulis important ;
- la check-list « EMERGENCY PROCEDURES » a été retrouvée à proximité du siège passager, ouverte à la page « ENGINE INOPERATIVE PROCEDURES » ;
- le moteur droit délivrait une puissance plus faible que le moteur gauche lors de l’impact avec le sol ;
- l’hélice du moteur droit n’a pas été mise en drapeau ;
- un incendie post impact s’est déclaré.
3.2 Causes de l’accident
Il est vraisemblable qu’au cours de l’approche finale, une anomalie sur le moteur droit, détectée par le pilote, a généré une asymétrie de traction. En raison d’une charge de travail élevée, pendant la phase de décélération et de sortie du train et des volets, le pilote n’a probablement pas surveillé la vitesse indiquée, ni constaté sa diminution. Il a alors pu rencontrer des difficultés à maîtriser l’asymétrie de traction avant de perdre le contrôle de l’avion.
Les facteurs suivants ont pu contribuer à l’accident :
- la poursuite d’une arrivée rapide dans la couche nuageuse, de nuit jusqu’à une hauteur d’environ 1 000 pieds avant de configurer l’avion pour atterrissage, qui a eu pour conséquence d’augmenter significativement la charge de travail du pilote lors du traitement de l’anomalie ;
- la fascination probable sur l’objectif compte-tenu de la proximité de la piste et de l’attraction induite par la rampe d’approche ;
- une formation à la qualification de type dégradée pour s’adapter aux contraintes du pilote lors de son renouvellement ;
- l’absence d’exercice spécifique relatif à la conduite d’une approche en vue d’un atterrissage monomoteur, à une vitesse proche de la VMCA, dans la formation à la qualification de type des avions monopilote multimoteurs performants.
4 - RECOMMANDATIONS DE SECURITE
Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n°996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en oeuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.
4.1 Réglementation relative à la formation des équipages PART FCL
Il existe trois familles d’avions pour lesquelles une qualification de type peut être requise : les avions monopilote, les avions monopilote complexes (plus d’un moteur) hautes performances, et les avions multipilotes. Le règlement PART FCL regroupe en un seul programme la formation relative aux avions monopilote complexes hautes performances et celle des avions multipilotes. Or, ce programme a été spécifiquement élaboré pour être réalisé au moyen de simulateurs de vol qui ne sont que très rarement disponibles pour les avions monopilote complexes hautes performances. Les exercices de simulation du vol asymétrique peuvent conduire à des accidents et justifient pleinement l’usage d’un simulateur de vol.
En conséquence, le BEA recommande que :
- L’AESA évalue l’opportunité d’élaborer un programme alternatif pour les avions monopilote complexes hautes performances ne disposant pas d’un simulateur de vol adéquat, par exemple en utilisant un simulateur de vol d’un type d’avion proche. [Recommandation FRAN-2016-006]
L’exercice de panne d’un moteur pour les avions monopilote complexes hautes performances est courant lors du décollage mais peu réalisé lors de l’approche ou de l’atterrissage. Or, ces exercices sont différents et devraient faire l’objet de leçons théoriques et pratiques, pour toute qualification de type monopilote.
En conséquence, le BEA recommande que :
- L’AESA renforce le contenu des programmes de formation relatifs aux avions monopilote complexes hautes performances en y intégrant des exercices relatifs à la gestion du vol asymétrique lors de l’approche en vue de l’atterrissage. [Recommandation FRAN-2016-007]
4.2 Surveillance des ATO
Le nombre d’heures d’instruction et le suivi rigoureux du programme de qualification de type approuvé par l’autorité compétente doit garantir un niveau satisfaisant de formation. Le seul contrôle du nombre d’heures de vol réalisé ne permet pas de s’assurer que la totalité du programme a été couvert. Ainsi la réalisation d’étapes comportant de longues navigations (supérieures à 2 heures) ou des vols de mise en place, a fortiori effectuées en régime de vol IFR, ne permet pas la répétition d’exercices de maniabilité prévus dans les programmes de formation. En effet, ces vols ne comprennent en général qu’un décollage, une approche et un atterrissage.
En conséquence, le BEA recommande que :
- L’AESA veille à ce que les autorités compétentes contrôlent ponctuellement l’adéquation entre les exercices prévus dans les programmes de qualification de type approuvés et les vols effectivement réalisés sur avion et reportés dans les livrets de progression et les carnets de vol des stagiaires. [Recommandation FRAN-2016-008]
4.3 Disponibilité de l’information relative au nombre de personnes à bord
L’information relative au nombre de personnes présentes à bord d’un aéronef peut se faire au moyen d’une déclaration du pilote lorsqu’il remplit le plan de vol. Cette information est cruciale en cas de déclenchement des recherches et sauvetage, or les conditions d’accès ne sont pas toujours connues.
En conséquence, le BEA recommande que :
- L’AESA s’assure que l’information relative au nombre de personnes présentes à bord des aéronefs non commerciaux soit rapidement accessible, en imposant que le champ dédié de la case 19 du plan de vol soit rempli et exploité afin que tous les organismes concernés puissent y avoir accès dès le décollage. [Recommandation FRAN-2016-009]
- Le programme européen de développement du système de nouvelle génération pour la gestion du trafic aérien (SESAR) prenne en compte dans ses systèmes le traitement et la mise à disposition de ce type d’information. [Recommandation FRAN-2016-010]