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Accident du Robin DR300-140 immatriculé F-BSON, le 7/03/2015 à Peyresourde (65)

Heurt d’une congère de neige à l’arrondi, effacement d’un train d’atterrissage au roulement à l’atterrissage

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

1 - DÉROULEMENT DU VOL

Le pilote a récemment obtenu son autorisation de site pour l’altiport de Peyresourde. Il organise des vols au profit de membres de sa famille avec l’unique avion du club basé à Saint-Girons (09). Quelques jours avant l’accident, il contacte le président du club et son instructeur pour annoncer ses intentions et réserver l’avion. La veille, il consulte les prévisions météorologiques et les NOTAM des aérodromes de la région. En milieu de journée, il prend contact avec les correspondants du club en place à la station de Peyragudes (65) afin de s’informer sur l’état de la piste, conformément aux pratiques du club. Il lui est indiqué que la piste a été déneigée et qu’elle sera utilisée le lendemain comme parking pour les voitures des vacanciers de la station à partir de 10 h 00 environ. Il doit donc avoir terminé son activité sur l’altiport à cette heure.

Le pilote indique que, le jour de l’accident, il consulte une dernière fois les notams et les conditions météorologiques. Il décolle avec un passager de Saint-Girons à 08 h 15. Il précise que les conditions aérologiques sont calmes. En arrivant par le col de Peyresourde, il observe que la piste revêtue et le parking sont déneigés et sans obstacle et que ses prochains passagers sont là et l’attendent. Il effectue ensuite une reconnaissance qui lui permet d’estimer que le vent est faible. Il prend la décision d’atterrir. Il retient le « 09 » comme point de touché et définit son point d’aboutissement plus en aval, comme il l’a pratiqué lors de ses vols d’instruction.

La finale est stabilisée. Le vent est nul. L’avion touche entre 10 et 20 mètres après le point de touché prévu. Pendant l’escale le passager descend et les deux autres passagers s’installent à bord. Le pilote décolle vers 08 h 50 pour un vol local.

Au retour, le pilote effectue une nouvelle reconnaissance et constate que les conditions n’ont pas changé. Il explique qu’afin de prendre en compte le décalage entre le point de touché prévu et celui réalisé lors du premier atterrissage, il décide de retarder le début de son arrondi, en conservant le point d’aboutissement du premier atterrissage.

Lors de l’arrondi, le train d’atterrissage heurte une congère de neige situé à proximité du seuil de piste. Pendant le roulement le train principal gauche se rompt. L’aile gauche frotte sur le revêtement de la piste jusqu’à l’arrêt de l’avion. Le pilote arrête le moteur et les occupants évacuent l’avion.

Le pilote ajoute qu’il n’avait pas pris conscience de la taille de la congère située à l’entrée de piste, probablement en raison de l’attention portée aux autres aspects de l’approche et de l’atterrissage. A posteriori, il pense que, même pour le premier atterrissage, son choix des points d’aboutissement et toucher ne garantissait pas de marge suffisante vis-à-vis de cette congère.

2 - RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES

2.1 Renseignements sur l’aérodrome

L’altiport de Peyresourde est la propriété de la station de Peyragudes. Son exploitation aéronautique est confiée à l’aéroclub. Pendant les jours d’affluence, la surface bétonnée de l’altiport est utilisée comme parking automobile complémentaire aux autres parkings de la station. Elle est déneigée, principalement, pour cette raison. Il n’y a pas de critères écrits quant à la qualité du déneigement exigé pour les activités aéronautiques. Toutefois les principes suivants sont utilisés :

  • la neige est repoussée du milieu de la piste vers les bordures en évitant, autant que possible, l’accumulation d’importantes quantités ;
  • l’engin de déneigement reste sur la partie bétonnée pour ne pas rouler sur les parties non revêtues de l’aérodrome, en particulier en aval du seuil 09 défini comme prolongement dégagé sur la carte VAC. Cette partie herbeuse avait été entretenue en 2012 par le service des bases aériennes. Elle n’est pas drainée. La personne en charge du déneigement explique qu’il lui a été demandé de ne pas y rouler avec les engins de déneigement lourd, à roues chaînées, pour ne pas l’endommager. Elle précise qu’il n’y a pas de dameuse disponible pour traiter les abords de la piste.

La possibilité d’étaler la neige est ainsi limitée par la portée des engins de déneigement restant sur la partie bétonnée de la piste.

Le CHEA (Conditions d’Homologation et procédures d’Exploitation des Aérodromes) définit les informations sur l’état des installations d’un aérodrome, qui doivent être portées à la connaissance des usagers par la voie de l’information aéronautique. Le paragraphe I.7.2.2.2 de l’annexe A inclut en particulier les « congères ou amoncellements de neige à proximité d’une piste ». Le président du club explique qu’il ne demande pas la publication d’un NOTAM dans le cas de neige abondante(1). Il estime que les pilotes sont à même de décider s’ils peuvent atterrir ou décoller au moyen de leurs reconnaissances. Ces prises de décision font partie des compétences attendues d’un pilote de montagne.

Un NOTAM avertissait les pilotes, désireux d’atterrir à Peyresourde, qu’ils devaient en obtenir l’autorisation auprès du club.

La réglementation(2) définit la bande de piste et la bande aménagée. Cette dernière est l’« aire comprise dans la bande de piste et nivelée à l’intention des aéronefs auxquels la piste est destinée, pour le cas où un aéronef sortirait de piste ». Dans le cas de Peyresourde, ces aires s’étendent 30 mètres au-delà de l’extrémité de piste. Il est précisé qu’aucun matériel ni aucune installation ne doit être placé sur la bande de piste s’il constitue un danger pour les aéronefs.

Le plan inférieur de la trouée d’atterrissage a une pente de 5 % et aboutit à un point situé à 30 mètres avant le seuil de piste, même altitude.

Cette réglementation ne prend pas en compte les spécificités des altiports. La Direction de la Sécurité de l’Aviation Civile mène une réflexion sur ce sujet.

2.2 Renseignements sur le personnel et la formation

L’élève, âgé de 26 ans, titulaire d’une licence CPL et des qualifications SEP, MEP et IR, totalisait 390 heures de vol. Il avait suivi une formation en vue de la délivrance d’une autorisation de site entre le 6 novembre 2014 et le 8 janvier 2015, en trois vols en double commande et douze atterrissages et décollages sur site(3).

L’instructeur du club qui a délivré cette autorisation a obtenu une qualification montagne (roue) en juillet 2010 puis une qualification d’instructeur montagne en juillet 2014. En 2014 il a effectué environ 17 heures d’instruction en montagne. Il indique que le club délivre environ trois autorisations de site par an et regroupe une cinquantaine d’adhérents pour quatre instructeurs dont deux instructeurs montagne. Il explique que le pilote n’avait pas éprouvé de difficultés lors de cette formation. Il précise que le club envisage d’augmenter le minimum d’heures de vol, d’atterrissages et de décollages en double commande pour la formation à la qualification de site. Cette augmentation devrait offrir davantage de possibilités d’exposer l’élève à différentes conditions afin qu’il acquière une expérience initiale plus importante.

Il ajoute que la présence éventuelle d’un obstacle de neige en courte finale est rarement évoquée pendant la formation car cette partie de l’aérodrome est dégagée. Cet obstacle doit amener le pilote à définir un point d’aboutissement décalé vers le haut de la piste, ce qui réduit la distance de roulement disponible. Ceci doit être pris en compte dans la décision d’atterrir.

3 - ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION

L’accident est dû à une prise en compte insuffisante de l’environnement de la piste pour la réalisation de l’atterrissage.

Le pilote évoluait dans un environnement opérationnel aux marges de sécurité réduites :

  • créneau horaire réduit pour le projet de vol ;
  • expérience minimale dans les conditions du jour ;
  • environnement de la piste (congères de neige) n’offrant que peu de tolérance à un écart latéral ou vertical vers le bas lors de l’atterrissage et du décollage.

La communication orale entre les différents acteurs sur l’état réel des abords de la piste n’a pas permis d’attirer suffisamment l’attention du pilote sur les risques associés à l’accumulation de neige. Si la capacité de jugement autonome est attendue pour les pilotes de montagne, elle peut n’être que partiellement acquise pour un pilote débutant ayant effectué un nombre d’heures de vol limité en double commande. Ceci suggère la nécessité d’une formation consolidée. L’accompagnement par le club d’un pilote récemment qualifié, lors de la préparation de ses premiers vols, peut également s’avérer utile.

(1)Un protocole d’accord pour la fourniture de données et renseignements aéronautiques a été signé entre le club et le Service de Navigation Aérienne Sud. Il définit les obligations générales de l’exploitant, notamment en cas de modification temporaire de l’aérodrome, et mentionne les modalités d’émission de NOTAM. Il ne fait pas explicitement référence au CHEA ni aux situations d’enneigement.

(2)Arrêté du 10 juillet 2006 relatif aux caractéristiques physiques des aérodromes civils utilisés par les aéronefs à voilure fixe.

(3)Le premier vol a été effectué par un instructeur qui, d’un point de vue réglementaire, n’avait pas les qualifications requises pour enseigner l’atterrissage et le décollage à Peyresourde.