Accident du Robin DR400 immatriculé F-GEKG survenu le 14/06/2022 à Banon (04)
Atterrissage dans un champ avant la piste, en instruction
Note : Les informations suivantes sont principalement issues des témoignages des occupants de l‘avion et d’un témoin au sol. Ces informations n'ont pas fait l'objet d'une validation indépendante par le BEA.
1. Déroulement du vol
Dans le cadre d’un vol d’initiation en montagne, en double commande, les trois occupants de l’avion décollent à 9 h 30 de Gap à destination de l’altisurface de Banon (3 710 ft d’altitude). Un pilote en situation d’instruction est aux commandes en place gauche, l’instructeur en place droite et un second pilote est en place arrière gauche. Après une reconnaissance, le pilote atterrit en piste 35 avec du vent arrière (du sud). L’instructeur décide de changer de piste et de poursuivre en piste 10. Ils effectuent ensuite deux atterrissages en piste 10[1], avec quelques turbulences au passage du seuil, puis stationnent l’avion pour débriefer et changer de pilote.
Le pilote qui était en place arrière prend les commandes et décolle en piste 35 pour effectuer plusieurs tours de pistes en situation d’instruction. Il effectue une reconnaissance de l’altisurface, puis atterrit une première fois en piste 10. L’approche finale s’effectue avec du vent du sud pour 10 kt et en présence de quelques turbulences. Le pilote en situation d’instruction choisit comme point d’aboutissement le chemin situé au niveau du seuil et atterrit légèrement en amont de celui-ci (voir Figure 1). Il redécolle en piste 17 et se présente vers 10 h 30 pour un second atterrissage en piste 10. Sur les consignes de l’instructeur, il effectue l’approche à 130 km/h sans majorer la vitesse, avec les volets complètement sortis[2]. En finale, l’instructeur détecte une diminution de la vitesse à 120 km/h environ et demande au pilote en situation d’instruction de mettre plus de puissance. Celui-ci ne réagit pas immédiatement et l’avion passe sous le plan.
L’instructeur reprend les commandes et met plein gaz tout en tirant sur la commande de profondeur pour rattraper le plan par dessous, mais l’avion continue de s’enfoncer et atterrit 10 m environ avant le seuil de la piste. Il rebondit vers la droite et retombe dans un champ de lavande bordant la piste, puis s’arrête 40 m plus loin, à 7 m du bord droit de la piste. En raison du roulement dans les sillons du champ, le bâti moteur, la cloison pare-feu, le capot moteur, l’hélice et les trains d’atterrissage droit et avant sont endommagés. Le capot moteur étant déformé, la verrière est bloquée et ne peut plus coulisser. Les trois occupants parviennent cependant à s’extraire de l’avion après quelques minutes, en libérant la verrière à l’aide des leviers de largage prévus à cet effet[3].
2. Renseignements complémentaires
2.1. Informations sur l’altisurface de Banon
L’altisurface de Banon est dotée de deux pistes croisées utilisables 10/28 et 35. La piste 17 n’est pas utilisable.
La fiche terrain éditée par l’Association Française des Pilotes de Montagne (AFPM) précise que l’aérologie est délicate durant l’approche en piste 10. Il y est indiqué que la piste 10 est utilisable uniquement par vent d’est et que celle-ci devient délicate même par vent faible, d’ouest ou de nord-ouest.
Figure 1 : vue aérienne de la finale au QFU 10 (Source : fiche AFPM)
2.2. Titres et expérience des occupants
Le pilote en situation d’instruction, âgé de 75 ans, est titulaire d’une licence de pilote professionnel d’avion périmée et d’une licence de pilote privé d’avion depuis 1972 prorogée par test au mois d’octobre 2020 avec un examinateur. Il totalise 1 143 h dont 129 sur type et 1 h 45 dans les trois mois précédents dont 1 h 37 sur type, effectuée la veille. Il ne possède pas la qualification montagne, mais dispose de plusieurs autorisations de sites. C’est la première fois qu’il atterrissait à Banon. Dans le passé, il avait pratiqué le vol en montagne en compagnie de plusieurs pilotes. La veille, il avait effectué en double commande avec cet instructeur et sur le F-GEKG, deux tours de piste à l’Alpe-d’Huez et un à Superdévoluy, puis deux à Bourg-en-Bresse avec un autre instructeur sur un autre DR400 et un Rallye. Avant cela, depuis la prorogation de sa licence, il n’avait volé qu’en qualité de passager. Il n’avait fait qu’un seul vol avec cet instructeur.
L’instructeur, âgé de 73 ans, est titulaire d’une licence de pilote privé d’avion depuis 1974, de la qualification montagne depuis 1985 et de la qualification d’instructeur montagne (MI) depuis le mois de septembre 2021. Il totalisait 3 400 heures de vol sur avion monomoteur, dont 1 500 h en qualité d’instructeur. Il totalisait 400 h sur DR400 dont environ 35 h sur DR400-180 et 53 h dans les trois derniers mois dont 5 sur DR400-180. Il indique qu’il connaissait l’altisurface et qu’il y était déjà allé quatre fois.
Le passager en place arrière, âgé de 65 ans, était titulaire d’une licence de pilote d’avion privé PPL(A) depuis février 2020. Il totalisait 220 heures de vol, toutes sur DR400, dont environ 12 h sur DR400-180. Il s’était déjà posé deux ou trois fois à Banon au mois de septembre 2020.
2.3. Témoignages
Un témoin au sol, avec une expérience aéronautique, se trouvait au seuil de la piste 10 lors de la seconde approche (avec du vent de sud-est pour 6 à 10 kt selon lui). Il indique que l’avion était en finale à l’altitude du seuil, extrêmement bas au-dessus des arbres. Le régime moteur a augmenté alors que l’avion se trouvait sensiblement en palier avec une attitude à cabrer, en légère dérive vers la droite. L’avion a touché le sol en contrebas du seuil et à droite de la piste. Il indique que la température était d’environ 27 °C. Il explique que le vent de sud-est génère un rabattant au seuil, masqué en partie par les arbres à droite de la piste si on est bas.
Le pilote en situation d’instruction indique qu’au début de la finale l’avion descendait à 450ft/min et que le plan et la vitesse étaient corrects. Il explique qu’il y a eu un rabattant durant les dix derniers mètres de la finale, juste avant de toucher le sol, et qu’il a eu une impression de mollesse aux commandes.
L’instructeur indique que lors du précédent atterrissage, en très courte finale à une hauteur supérieure de 20 m à l’altitude du seuil, ils ont rencontré un rabattant. Il a ensuite demandé au pilote en situation d’instruction de décaler le point d’aboutissement. Lors de la seconde approche, il pense avoir réagi trop tardivement à une variation d’assiette à cabrer sans ajout de puissance. Cette action tardive a provoqué l’enfoncement et un atterrissage dur avant la piste et la sortie de piste. Il explique qu’il aurait dû interrompre le vol après le premier atterrissage ou reprendre les commandes plus tôt lors de la seconde approche, avec le pilote en situation d’instruction en transparence. Il ajoute qu’il ne connaissait pas suffisamment le niveau de pilotage de celui-ci et pense avoir été trop loin dans la reprise en main de ce pilote.
Novembre 2022
[1] 380 x 15 m. Pente de 15 % sur les 100 premiers mètres, pente moyenne 4,5 %.
[2] Selon le manuel de vol constructeur, la vitesse préconisée en finale en configuration atterrissage (2 crans de volets) est égale à 125 km/h. Il est nécessaire pour atterrir sur une piste ayant une pente moyenne voisine de 15 % de majorer la vitesse d’approche de 5km/h et de conserver la puissance au cours de l’arrondi (selon l’ouvrage CEPADUES 3ème édition « Le vol en montagne expliqué au pilote »).
[3] En cas de blocage de la verrière, poignée de verrière en position « ouvert », il faut dégager les deux leviers de largage situés sur les accoudoirs, de part et d’autre du tableau de bord, et les amener en position verticale.