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Accident d'un Airbus A321 immatriculé SX-BHS exploité par Hermes Airlines survenu le 29/03/13 à Lyon

Approche non stabilisée, atterrissage long, sortie longitudinale de piste lors de l'atterrissage

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

Synopsis

L’équipage effectue une approche ILS de catégorie 1 (CAT I) en piste 36R sur l’aérodrome de Lyon Saint-Exupéry. Les conditions météorologiques sont telles que les procédures d’exploitation par faible visibilité (LVP) prévalent.

Lors du passage de la hauteur de stabilisation à 1 000 ft, la vitesse de l’avion est supérieure de 57 kt à la vitesse d’approche. A 140 ft, une augmentation inappropriée de la poussée par l’auto poussée maintient l’avion à une vitesse élevée.

L’arrondi est long et l’avion touche la piste 1 600 mètres après le seuil 36R. L’avion sort longitudinalement de piste et s’immobilise environ 300 mètres au-delà du seuil opposé.

3.2 Causes de l’accident

La poursuite d’une approche en dessous de la hauteur de stabilisation avec une vitesse significativement supérieure à la vitesse d’approche indique que l’équipage n’avait pas une conscience adéquate de la situation bien qu’il ait évoqué à plusieurs reprises ses doutes sur les conditions météorologiques marginales et sur ses difficultés à réduire la vitesse de l’avion.

La poursuite de cette approche non stabilisée à vitesse excessive a déclenché en dessous de 150 ft une augmentation non commandée de la poussée des moteurs. La réduction tardive de l’A/THR par l’équipage en dessous de 20 ft n‘ a pas permis à l’avion de résorber suffisamment sa vitesse pendant environ 15 secondes après le passage du seuil.

Après le passage des 20 ft, la technique d’arrondi inadaptée du PF et le phénomène de double pilotage provoqué par les actions du PM ont allongé significativement la phase d’arrondi. La distance de piste restante après le touché ne permettait plus à l’avion de s’arrêter avant la fin de la piste.

 

Les facteurs suivants ont contribué à la poursuite d’une approche non stabilisée et à un arrondi long :

une durée de temps de service de vol proche de 15 heures qui a vraisemblablement entraîné de la fatigue au sein de l’équipage ;

une préparation incomplète de l’approche qui n’a pas permis à l’équipage de prendre conscience des menaces du jour (vent arrière, piste mouillée) ;

la non application des procédures ATC qui demande aux contrôleurs d’assurer aux aéronefs une interception du LOCALIZER au plus tard à 10 NM du seuil de piste, avec une convergence maximale de 30° et une vitesse maximum de 160 kt ;

l’application partielle des procédures normales (SOP), un partage des tâches altéré et un CRM dégradé qui n’ont pas permis à l’équipage de gérer de façon optimale la décélération de l’avion. Ces facteurs ont contribué à une détérioration progressive de la conscience de la situation qui n’a pas permis d’envisager l’interruption de l’approche et de l’atterrissage ;

l’anomalie de fonctionnement de l’A/THR qui a maintenu l’avion à un niveau élevé d’énergie pendant la phase d’atterrissage ;

une procédure de reprise des commandes inadéquate à l’origine d’un phénomène de double pilotage.

 

Les facteurs organisationnels suivants ont contribué à la faible performance de l’équipage :

le choix de profils de recrutement de personnel navigant de l’exploitant, motivé par des considérations économiques, et une adaptation à la compagnie insuffisante, qui ont conduit à exploiter les avions avec des équipages relativement inexpérimentés sur type et dans leurs fonctions de commandant de bord ou de copilote ;

une utilisation abusive et inappropriée des dispositions réglementaires qui permettent d’étendre la durée de service de vol en cas de « circonstances imprévues » sans prendre en compte le risque prévisible de fatigue excessive de l’équipage ;

l’absence de surveillance initiale adaptée qui n’a pas permis à la HCAA de se focaliser sur les fragilités potentielles prévisibles de l’exploitation d’Hermes Airline.

 

4 - RECOMMANDATIONS DE SECURITE

Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en oeuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.

 

approche

4.1.1 Diffusion des messages ATIS à l’aide du Data-Link

L’une des recommandations du plan européen traite de l’implémentation du D-ATIS. La réception et l’impression de l’ATIS à l’aide du Data-Link permettent à un équipage d’éviter les mauvaises interprétations et les omissions d’informations importantes notamment lors des phases de vol critiques nécessitant une charge de travail importante.

Un D-ATIS aurait probablement permis à l’équipage du SX-BHS de prendre conscience de la présence d’un vent arrière important.

En conséquence le BEA recommande que, conformément aux recommandations du plan européen EAPPRE :

la DGAC accorde une priorité importante au déploiement du D-ATIS sur les aérodromes accueillant un trafic important en transport aérien commercial. [Recommandation FRAN-2015-020]

 

4.1.2 Gestion de la vitesse en approche

Cette enquête met en évidence la relation étroite qui existe entre le risque de sortie longitudinale de piste et une vitesse élevée en approche initiale ou intermédiaire. La DGAC dans sa publication de septembre 2013 (Info Sécurité DGAC n° 2013/09) recommande :

- aux exploitants d’avions en transport aérien commercial :

d’établir des procédures et des limites opérationnelles en approche permettant de favoriser le respect des critères de stabilisation. La DGAC recommande un seuil de vitesse de 180 kt à 8 NM de la piste, en régression vers la vitesse d’approche ;

d’adapter ces limites, notamment en cas de présence de composante de vent de face ou arrière significative ou d’approche exigeant une pente supérieure à 3° ;

de rappeler ces limites durant le briefing arrivée.

- aux prestataires de services de navigation aérienne :

pour un avion approchant à 3°, de considérer que toute clairance liée à la vitesse devrait être compatible avec un passage à 8NM du seuil à une VI maximale de 180 kt en régression ;

en cas de présence de composante de vent arrière significative (10 kt ou plus) durant la finale, de considérer ce même seuil pour la vitesse sol ; de même, en cas de vent de face significatif, ce même seuil sera acceptable pour la vitesse sol ;

de ne pas proposer de maintenir une vitesse élevée entre 8 NM et la piste ;

pour une pente d’approche supérieure à 3°, de considérer que la gestion amont éventuelle de la vitesse par le contrôleur devrait permettre à l’équipage de pouvoir l’adapter à ses besoins à 8 NM.

En conséquence le BEA recommande que :

l’AESA en coopération avec les prestataires des services de la navigation aérienne favorise la diffusion en Europe de procédures et limites opérationnelles en approche initiale ou intermédiaire permettant de faciliter le respect des critères de stabilisation en approche finale, dans l’esprit du document publié par la DGAC. [Recommandation FRAN-2015-021]

 

4.1.3 Assistance à l’équipage

Après la sortie de piste du SX-BHS, il apparaît que seule l’intervention du contrôleur a permis à l’équipage de le sortir de son état de stupeur et lui a permis d’initier les premières actions afin de sécuriser l’aéronef notamment en éteignant les moteurs.

En conséquence le BEA recommande que :

la DGAC étudie les modalités de l’intervention d’une tierce personne (contrôleur, agent SSLIA) afin de rappeler aux équipages qu’ils doivent sécuriser l’avion, après une sortie de piste. [Recommandation FRAN-2015-022]

 

4.2 Formations et entraînement des équipages

L’enquête a identifié des faiblesses au niveau de la formation et de l’entraînement des équipages au sein d’Hermes Airlines compte tenu notamment des profils de recrutement adoptés. Il apparaît par ailleurs que ce type de défaillances a déjà été identifié par de nombreuses instances internationales au sein de la formation des équipages en général au niveau européen.

Plus particulièrement, l’enquête a montré que les équipages ne sont pas formés ni entraînés d’une manière adéquate à des procédures spécifiques telles que l’interruption de l’atterrissage en dessous de 50 ft ou l’évacuation d’urgence. En effet, les enseignements dispensés ne sont pas en adéquation avec les situations opérationnelles rencontrées en service.

La mise en oeuvre d’une formation et d’entraînement incluant les principes de l’EBT (Evidence-based-training) devrait permettre de corriger ces défaillances en définissant des programmes plus adaptés aux risques rencontrés en opérations.

 

En conséquence le BEA recommande que :

l’AESA en coordination avec les groupes de travail internationaux en charge de la mise en oeuvre de l’EBT s’assure que les futurs programmes de formation et d’entraînements périodiques permettent aux équipages d’être capable de mieux gérer les situations suivantes :

gestion de l’énergie lors de la transition entre la phase d’approche initiale et d’approche finale ;

interruption de l’atterrissage de la phase d’arrondi jusqu’au déploiement des inverseurs de poussée ;

évacuation d’urgence (réalisations des premiers items afin de sécuriser l’avion). [Recommandation FRAN-2015-023]

 

4.3 Entraînement à la prise de priorité sur avions équipés de manches non conjugués

L’enquête a montré que l’entraînement à la reprise des commandes sur manches non conjuguées tel qu’il est effectué actuellement lors de la formation initiale et en entraînement périodique ne permet pas de garantir le maintien de compétence des équipages dans ce domaine.

Il apparaît alors nécessaire, dans le cadre des OSD de prendre en compte les procédures spécifiques relatives à la reprise de commandes sur les aéronefs équipés de manches non conjugués.

En conséquence le BEA recommande que:

l’AESA, en coordination avec les constructeurs, s’assure que les futurs programmes définis dans le cadre des OSD comportent une formation initiale et des entraînements périodiques à la prise de priorité sur avions équipés de manches non conjugués. [Recommandation FRAN-2015-024]

 

4.4 Comportement de l’A/THR

Le constructeur a publié une lettre d’information en juillet 2013. Cette lettre, dédiée à l’anomalie de fonctionnement de certains FMGC qui conduit à une augmentation de poussée commandée par l’A/THR lorsque la vitesse d’approche est supérieure à Vapp + 10 kt en dessous de 150 ft, a été adressée à tous les opérateurs (responsables des flottes, OSV et RDOA) exploitant des avions de la famille A320. En novembre 2013, l’AESA a également publié un bulletin d’information (SIB 2013-19) adressé à toutes les aviations civiles des Etats membres de l’Union Européenne. Cette information recommande aux autorités de s’assurer que ses opérateurs sont effectivement sensibilisés à cette défaillance de FMGC et à la lettre du constructeur. Cette publication est également la première à identifier l’anomalie de comportement de l’A/THR en facteur contributif à une sortie de piste.

A la date de publication de ce rapport, environ 350 aéronefs sont toujours équipés de l’ancien standard de FMGC susceptible de comporter cette anomalie. Le nombre important d’avions toujours équipés de ce type de FMGC montre l’inefficacité relative des publications de nature purement informative du constructeur et de l’AESA.

 

Les autorités nationales des aviations civiles n’ont pas connaissance des standards de FMGC équipant les avions en service. Il leur est par conséquent difficile de s’assurer que les publications du constructeur sont bien prises en compte par leurs exploitants. Cette difficulté est d’autant plus grande pour les autorités hors zone européenne puisqu’elles ne sont pas destinataires du bulletin d’information publié par l’AESA.

En conséquence le BEA recommande que :

L’AESA, en coordination avec le constructeur, s’assure que toutes les autorités de l’aviation civile dont les compagnies aériennes sont susceptibles d’exploiter les avions concernés soient effectivement informées de l’anomalie de fonctionnement de l’A/THR. [Recommandation FRAN-2015-025]

 

Afin de garantir une évolution positive de cette situation, le BEA recommande que :

L’AESA, en coordination avec le constructeur, définisse une période au terme de laquelle elle vérifie l’efficacité des actions entreprises. Sans retour des exploitants sur leur décision de remplacement des FMGC concernés, elle pourrait alors envisager l’émission d’une consigne de navigabilité. [Recommandation FRAN-2015-026]

 

4.5 Surveillance d’un exploitant par son autorité

L’enquête à mis en évidence que les conditions d’exploitation dans lesquelles Hermes Airlines a débuté son activité de transporteur aérien l’ont exposé simultanément à des difficultés dans le recrutement, la formation et le contrôle des compétences de ses équipages. Ces difficultés ont également été accentuées par la croissance rapide de la flotte et la nature saisonnière de l’activité. L’exploitant avait identifié des faiblesses de sécurité qui ont contribué à l’accident (commandants de bord et copilotes peu expérimentés sur type et dans la fonction, double pilotage, approches non stabilisées), mais n’avait pas adapté la formation et les entraînements à ces risques et ne disposait pas encore des outils nécessaires pour déterminer réellement la performance de sécurité de son exploitation.

La HCAA n’a pas su mettre en place de programme de surveillance qui se focaliserait sur les fragilités potentielles prévisibles de l’exploitation d’Hermes Airlines.

En conséquence le BEA recommande que :

Hermes Airlines dans le cadre de la mise en place de son système de gestion des risques prenne les mesures adéquates afin de corriger les faiblesses identifiées lors de l’enquête, notamment dans le cadre du recrutement et de la formation du personnel navigant et du risque lié à la fatigue de ses équipages. [Recommandation FRAN-2015-027]

La HCAA mette en oeuvre un programme de surveillance d’Hermes Airlines adapté, fondé notamment sur les risques identifiés lors de l’enquête. [Recommandation FRAN-2015-028]