Accident d'un Embraer 190 immatriculé F-HBLF survenu le 19/04/2014 à Paris Charles-de-Gaulle (95)
Collision avec un véhicule de piste lors du repoussage
1 - DÉROULEMENT DU VOL
L’équipage du F-HBLF appelle la fréquence « De Gaulle Trafic » pour demander l’autorisation de repoussage du poste J10 du terminal 2G pour un vol à destination de l’aérodrome de Clermont-Ferrand Auvergne (63). L’agent de la vigie trafic lui demande de repousser face à l’est.
L’équipage de l’avion stationné en J11, demande alors également à repousser. Pour permettre à cet avion d’entamer plus tôt sa manoeuvre, l’agent de la vigie trafic demande alors à l’équipage du F-HBLF de se faire tracter face au sud, après son repoussage, jusqu’au travers du poste J12. L’ensemble de cette manoeuvre constitue ce qu’on appelle un « push-pull ».
Pendant le repoussage, l’équipage du F-HBLF démarre les deux moteurs de l’avion, qui se stabilisent au régime de ralenti sol. À l’issue du repoussage depuis J10, l’avion se trouve sur l’axe spécifié dans la documentation (cf. infra).
Afin de positionner l’avion sur l’axe de la voie de circulation E7, le conducteur du tracteur doit faire effectuer à l’avion un virage d’environ 90° avec un rayon de virage court. Pour ce faire, il positionne son tracteur approximativement à 90° de l’axe de l’avion. Lorsque le tracteur commence à tirer l’avion, les fusibles de la tête d’attelage de la barre de remorquage se rompent. La tête d’attelage n’est alors solidaire de la barre de tractage que par un axe autour duquel elle peut pivoter horizontalement.
Sous l’effet de son inertie et de la poussée de ses moteurs au ralenti, l’avion continue d’aller tout droit. Lorsque la tête d’attelage arrive en butée, l’avion pivote vers la droite et entre en collision avec le tracteur.
2 - RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES
2.1 Procédure de repoussage depuis le poste J10
Les « consignes particulières d’exploitation des aires de stationnement (CPEX) »(1) publiées par Paris Aéroport(2) à destination des utilisateurs de ces aires indiquent que « selon les instructions de l’ATC et la validation du CDB », le repoussage de J10 peut s’effectuer de deux manières différentes :
- face à l’est, sur un axe spécifique peint en blanc, ou
- face au nord initialement puis alignement face à l’ouest sur la voie P4.
La procédure face au nord puis ouest est plus longue et peu usitée en raison, entre autres, de la durée du repoussage.
Dans le cas d’un repoussage face à l’est, il est précisé qu’il est interdit de réavancer l’avion à l’aide du tracteur (« pull »), le départ se faisant en autonome après le repoussage.
Les « consignes particulières d’exploitation des aires de stationnement » sont rédigées par Paris Aéroport en lien avec les SNA-RP(3) puis diffusées aux compagnies aériennes, aux prestataires en piste et aux SNA-RP.
Le manuel d’exploitation de la vigie trafic reprend les mêmes consignes ainsi que l’interdiction du « push-pull » au départ du poste J10. Cette procédure de « push-pull » est cependant autorisée et régulièrement utilisée sur les autres postes de stationnement pour fluidifier le trafic et éviter le souffle en cas de repoussages en simultané.
Les conducteurs indiquent que d’une façon générale ils ne remettent pas en cause les demandes des agents de la vigie trafic, même s’ils ont connaissance de l’interdiction dans les consignes d’exploitation.
2.2 Historique d’événements au repoussage de J10
En février 2008, lors de la création des positions de parking avion du terminal 2G, la procédure de repoussage initialement prévue de J10 est un « push-pull ».
Le 12 avril 2008, lors de la réavancée d’un Fokker 100 à l’aide du tracteur, celui-ci entre en collision avec l’avion et perfore le fuselage. A la suite de cet événement, une consigne urgente est émise par ADP le 24 avril 2008 pour modifier la procédure en repoussage au tracteur puis départ autonome. Le 3 septembre 2008, une nouvelle version des CPEX est publiée rendant définitive cette procédure.
Le 12 octobre 2009, lors du « pull » d’un Embraer 170, demandé par l’agent vigie trafic, le fusible de la barre de tractage se rompt et le tracteur entre en collision avec l’avion. Le 13 octobre, la consigne est complétée par la mention explicite que « le pull est interdit ».
Afin de réavancer l’avion à l’issue du repoussage face à l’est, le tracteur doit en effet être positionné selon un angle important par rapport à l’axe de l’avion. Lors du tractage dans cette configuration, le risque de rupture des goupilles de sécurité (fusibles) de la barre de tractage est fortement augmenté. Les manoeuvres de « push-pull » habituellement réalisées s’effectuent avec une force exercée par le tracteur qui est approximativement dans l’axe de l’avion, ce qui limite les risques de rupture des
goupilles de sécurité de la barre de tractage.
3 - ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION
L’agent vigie trafic a demandé que le repoussage soit suivi d’un réavancement à l’aide du tracteur, malgré l’interdiction dans le manuel d’exploitation de la vigie trafic de cette manoeuvre au départ du poste J10.
L’utilisation courante de cette manoeuvre sur les autres postes de stationnement et l’absence d’explication sur les raisons de l’interdiction pour ce poste précis ont probablement conduit l’agent vigie trafic à demander la réalisation de cette procédure non conforme.
Le conducteur du tracteur n’a pas remis en cause la demande de la vigie trafic, retransmise par l’équipage du F-HBLF. Les consignes d’exploitation précisent en effet que celles-ci sont « selon les instructions de l’ATC et la validation du CDB ».
Afin de pouvoir tirer l’avion, le conducteur a dû former un angle excessif entre la barre de tractage et l’axe de l’avion. La liaison entre le tracteur et l’avion s’est alors rompue. L’inertie de l’avion à la suite de sa mise en mouvement, et la poussée de ses moteurs au ralenti, ont fait avancer l’avion, ce qui a entraîné la collision avec le tracteur.
A la suite de cet événément, le manuel d’exploitation de la vigie trafic a été modifié pour faire apparaître les raisons de l’interdiction.
(1)Version n° 5 applicable à partir du 21/12/2013.
(2)Anciennement Aéroports de Paris (ADP).
(3)Services de la Navigation Aérienne - Région Parisienne.