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Accident survenu à l'Issoire Aviation APM30 immatriculé F-HHOP le 02/08/2020 à Arras Roclincourt (62)

Rupture de la commande du volet gauche, perte de contrôle lors de l’approche, collision avec le sol

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

Avant l’atterrissage sur la piste 22 de l’aérodrome d’Arras, la vis de la commande du volet gauche du F-HHOP s’est rompue en fatigue. Les volets avaient été sélectionnés en position atterrissage (25°) par le pilote. Il est probable que le voyant vert du boîtier de sélection des volets était allumé en position 25°. Par ailleurs, il est également probable que le voyant orange est resté éteint, puisqu'il sert à indiquer un dysfonctionnement survenant en amont des vis des volets. Ainsi, le pilote n’avait pas d’indication au tableau de bord de la mauvaise position du volet gauche. La rupture de la vis a entraîné une dissymétrie aérodynamique ainsi que des effets induits ayant pu mener à une perte de contrôle. Le pilote n’a pas compris ce qu’il s’est passé et n’a pas réussi à éviter la collision avec le sol à 12 h 53. L’épave était située dans un champ de maïs hauts, la rendant invisible depuis le sol.

La balise de détresse s’est bien déclenchée à l’impact. Cependant, le signal de détresse n’a pas été diffusé du fait de la rupture du connecteur reliant la balise à l’antenne intérieure fixée sur le dossier du siège pilote, ne permettant pas le déclenchement des procédures de recherche prévues dans ce cas. S’il est probable que la rupture de ce connecteur s’est produite de façon fortuite préalablement au vol de l’accident, le BEA n’a pas pu écarter l’éventualité d’une rupture du connecteur lors de l’impact avec le sol.

Malgré de nombreux échanges téléphoniques d’une part entre le pilote et son ancien instructeur et d’autre part entre des membres de l’aéro-club et des services de secours locaux (SAMU 62 appelé via le n°112, pompiers appelés via le n°18), ni les membres de l’aéro-club partis à sa recherche, ni l’équipe d’intervention du SMUR qui s’était mise en place du côté sud de l’autoroute, ni les pompiers qui ont tenté de récupérer la localisation du téléphone du pilote n’ont pu localiser précisément l’accident. C’est le pilote de l’hélicoptère du SAMU 62 qui a repéré le lieu de l’accident au nord de l’autoroute à partir de 13 h 56 puis a acheminé l’équipe médicale du SMUR, qui est arrivée auprès du pilote à 14 h 05, soit environ 1 h 15 après l’accident.

Le pilote a été trouvé inconscient puis a été déclaré décédé.

 

Le BEA émet 2 recommandations de sécurité : 

- Recommandation FRAN-2024-004 / Examen des vis 41 et analyse des résultats :

Les analyses au microscope électronique à balayage (MEB), de la vis 41 gauche du F-HHOP, effectuées au BEA, ont montré qu’elle s’est rompue selon un processus de fissuration en fatigue sous des efforts de flexions alternées. La rupture de cette vis est susceptible d’entraîner une sortie dissymétrique des volets dont les effets aérodynamiques peuvent compromettre la contrôlabilité de l’avion. Les observations des marquages dissymétriques des entretoises coniques sur la potence gauche sont cohérentes avec un défaut de serrage de l’ensemble vissé, sans qu’il ait été possible d’en déterminer la cause exacte. Un défaut de serrage peut favoriser le développement d’un processus de fissuration en fatigue.

Les examens au MEB d’autres vis 41 effectués par le BEA (volet droit du F-HHOP ainsi que les vis des deux volets d’un second APM30) ont montré des microfissures en fond de filet, invisibles à l’œil nu, dans une zone comparable à la zone de rupture de la vis gauche du F-HHOP. La propagation de ces fissures constitue la dernière étape du processus de fatigue avant la rupture finale. Il n’a pas été observé de marquage caractéristique d’un défaut de serrage sur la potence du volet droit du F‑HHOP. Les potences du second APM30 n’ont pas été examinées.

La rupture finale de la vis se produit au moment où les contraintes aérodynamiques sur le volet augmentent et que la section résistante de la vis n’est plus suffisante pour supporter les efforts en service, comme ça peut être le cas lorsque les volets sont manipulés par le pilote, par exemple lors de l’approche ou après décollage. L’effet de surprise que peut engendrer ce type de rupture ainsi que la faible hauteur à laquelle elle peut survenir laissent peu de temps à un pilote pour analyser la situation et tenter de récupérer le contrôle de l’avion.

L’observation d’un processus de fissuration en fatigue sur chacune des quatre vis examinées par le BEA ainsi que les conséquences potentiellement catastrophiques de la rupture qui peuvent en résulter, telles que matérialisées par l’accident du F-HHOP, questionnent le niveau de navigabilité de la flotte composée d’une trentaine d’avions.

Une AD a été émise par l’AESA en date du 9 mai 2023, faisant référence au SB N° 63 à application obligatoire, diffusé par Issoire Aviation le même jour. Ces documents mentionnent une possible condition compromettant la sécurité. Il est demandé de vérifier le jeu et de changer les vis 41 de tous les APM20 et APM30 en exploitation. Les vis remplacées doivent être envoyées à Issoire Aviation. Il est précisé dans l’AD que celle-ci a été émise à titre temporaire et que d’autres AD ultérieures pourront être émises afin de mettre en œuvre d’autres actions si cela s’avérait nécessaire.

À la date de rédaction de ce rapport, ni la nature des examens réalisés par Issoire Aviation ni les résultats de ceux-ci n’étaient connus de l’AESA. Aucune AD supplémentaire n’est prévue à ce stade.

En conséquence, le BEA recommande que :

  • considérant que la vis du volet gauche (vis 41) du F-HHOP s’est rompue à la suite d’un processus de fissuration par fatigue ;
  • considérant que les trois autres vis 41 de volets d’APM30 examinées par le BEA présentaient des microfissures, invisibles à l’œil nu, témoignant d’un processus de fissuration en fatigue ;
  • considérant qu’il n’est pas démontré que le contrôle du jeu des vis 41 soit suffisant pour empêcher le processus de fissuration par fatigue de s’amorcer ;
  • considérant que la rupture d’une vis 41 peut entraîner la sortie dissymétrique des volets et compromettre la contrôlabilité de l’avion ;
  • considérant que cette situation est susceptible de se produire à faible hauteur, laissant peu de temps au pilote pour tenter de récupérer le contrôle de l’avion ;
  • considérant que l’AD publiée en mai 2023 est une mesure urgente et provisoire dont les résultats ne sont pas encore connus de l’AESA ;
  • considérant qu’il n’est pas démontré qu’un seul remplacement des vis par des vis identiques, comme préconisé par l’AD publiée en mai 2023, permette d’éviter le risque de nouvelle rupture pendant la durée de vie de l’avion,

l’AESA s’assure auprès d’Issoire Aviation de la réalisation d’examens pertinents sur les vis collectées, de l’analyse des résultats de manière à statuer sur la persistance ou non du risque de rupture, et impose de nouvelles mesures de prévention si celles-ci s’avéraient nécessaires.
 

- Recommandation FRAN-2024-005 / Installation de la balise de détresse :

L’enquête a montré que le connecteur reliant la balise de détresse et l’antenne était rompu sur le F-HHOP. Le connecteur a été endommagé probablement avant le vol de l’accident lors de l’accès d’un passager sur la place arrière ou du positionnement d’un objet ou d’un harnais de sécurité à l’arrière, sans qu’il soit toutefois possible d’écarter l’éventualité d’une rupture du connecteur lors de l’impact.

Le fonctionnement nominal de la balise de détresse ainsi que la bonne émission du signal de détresse sont fondamentaux pour le déclenchement satisfaisant des opérations de recherche et de sauvetage et leur bonne coordination, même quand le lieu de l’accident est proche d’un aérodrome ou de la base de départ des équipes de secours.

La rupture du connecteur balise – antenne, qui a empêché l’émission correcte du signal de détresse, aurait probablement pu être évitée par une protection de la balise et de ses accessoires.

À la date de rédaction du présent rapport, Issoire Aviation indique avoir exploré différents montages permettant une protection efficace de la balise de détresse. Il précise qu’il étudie également la possibilité d’utiliser un autre modèle de balise dont l’autotest permettrait de détecter un défaut de connexion de l’antenne.

En conséquence, le BEA recommande que :

  • considérant que l’émission correcte de la balise de détresse est un composant essentiel du déclenchement rapide de moyens de recherches et de secours adaptés en cas d’incapacité du pilote, comme défini dans les plans nationaux et départementaux ;
  • considérant que la protection physique de la balise de détresse, de son antenne ainsi que de ses câbles et connecteurs est primordiale afin de préserver les chances d’une émission correcte de la balise en cas d’accident ;
  • considérant qu’il est probable que le connecteur reliant la balise de détresse du F-HHOP à son antenne a été arraché préalablement au vol de l’accident, lors d’une manœuvre au sol d’une personne ou d’un objet ou harnais placé à l’arrière, sans qu’il soit toutefois possible d’écarter l’éventualité d’une rupture lors de l’impact de l’accident, ce qui a provoqué l’absence d’émission correcte du signal de la balise de détresse ;
  • considérant que les informations collectées par le BEA au cours de l’enquête indiquent que des ruptures intempestives du connecteur balise de détresse – antenne ont été détectées par d’autres exploitants d’avions APM ;
  • considérant que le test interne de la balise de détresse ne permet pas de détecter une déconnexion de l’antenne sur les modèles Kannad AF Compact,

l’AESA s’assure qu’Issoire Aviation développe une solution robuste pour l’installation d’une balise de détresse et de ses accessoires à bord des avions APM et que cette solution soit mise en œuvre également pour les avions déjà en service.

Le suivi de ces recommandations est en cours

Suivi disponible sur SRIS2: cliquez ici

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Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.