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Accident survenu au Tecnam P2002 immatriculé F-HEJB le 21/04/2023 à Chavenay-Villepreux (78)

Atterrissage long, sortie longitudinale de piste, lors d’un exercice d’encadrement sans volet, pendant un vol d’examen

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

Note : Les informations suivantes sont principalement issues du témoignage des deux personnes à bord et du contrôleur aérien. Ces informations n'ont pas fait l'objet d'une validation indépendante par le BEA.

1. Déroulement du vol

Dans le cadre d’un examen pratique pour la délivrance de la licence PPL(A), l’examinateur demande au candidat d’effectuer des exercices de maniabilité lors de la branche retour vers l’aérodrome de Chavenay-Villepreux. Le dernier exercice combine un encadrement (simulation de panne moteur) et un atterrissage sans volet. Le candidat débute l’exercice à 2 000 ft, à la verticale de l’aérodrome, après deux virages de 360° de retardement en raison de la densité du trafic dans le circuit. Il rejoint la branche vent-arrière au sud des installations, circuit main gauche en vue d’un atterrissage en piste 28[1]. Il vire en base un peu plus tôt que d’habitude pour se placer entre un aéronef en courte finale et un autre en base main droite.

En approche finale, l’avion est un peu haut sur le plan et la vitesse est de l’ordre de 80 kt. Lors de l’arrondi, l’avion flotte au-dessus de la piste à environ un mètre de hauteur. Selon le contrôleur aérien, l’avion atterrit après la croisée des pistes située à environ 250 m du seuil de piste 28. Le candidat débute le freinage puis envisage une remise de gaz. L'examinateur refuse, jugeant la faible énergie de l’avion et la distance de roulement restante insuffisantes pour redécoller. L’avion sort longitudinalement de piste et s’immobilise quelques mètres après l’extrémité de piste dans une zone non entretenue. Le train d’atterrissage avant se rompt, ce qui déforme la partie avant de l’avion. Les deux occupants évacuent l’avion.

2. Renseignements complémentaires

2.1. Renseignements sur l’aérodrome

L’aérodrome de Chavenay-Villepreux dispose de deux pistes sécantes 10/28 et 05/23, en herbe.

La piste 28 (710 m de longueur et 100 m de largeur) dispose d’un seuil décalé. La longueur utilisable à l’atterrissage (LDA) est de 560 m. L’intersection des deux pistes se situe à environ 250 m après le seuil décalé.

2.2. Renseignements sur l’avion

La vitesse d’approche indiquée dans la procédure d’atterrissage forcé sans puissance moteur du manuel de vol de l’avion est de 69 kt avec les volets rentrés.

Le manuel de vol de l’avion ne donne pas les performances pour un atterrissage sans volet. Cependant, en configuration atterrissage, le manuel indique une distance d’atterrissage de l’ordre de 280 m avec une distance de roulement à l’atterrissage de l’ordre de 140 m sur une piste en herbe, avec une vitesse en courte finale de 51 kt, une masse de 580 kg[2].

Note : le Manuel du pilote d’avion[3], exemple de livre utilisé pour préparer les examens théoriques PPL(A) et LAPL(A), précise de majorer la distance d’atterrissage de 50 % en cas de panne de volets, lorsque l’information n’est pas disponible dans le manuel de vol de l’avion.

2.3. Combinaison d’exercices lors d’un examen PPL

Le compte rendu pour la délivrance de la licence PPL de la DGAC indique qu’il est possible de combiner l’exercice d’atterrissage forcé simulé, à la discrétion de l’examinateur (FE), avec notamment un atterrissage sans volet.

Le Manuel de sécurité SEP de la Fédération Française Aéronautique (FFA), à destination des examinateurs FE PPL(A) FFA, précise quant à lui, dans son chapitre sur les pannes simulées, que le cumul d’une panne majeure (panne moteur, par exemple) et d’une autre panne (panne de volets) n’est souhaitable que s’il est réaliste et présente un intérêt pédagogique.

2.4. Renseignements les personnes à bord

Le candidat, âgé de 25 ans, totalisait 43 heures de vol en avion. Il était par ailleurs titulaire d’une licence de pilote de planeur SPL et totalisait une centaine d’heures de vol en planeur.

L’examinateur, âgé de 26 ans, était titulaire d’une licence de pilote professionnel CPL(A), obtenue en 2020. Il avait obtenu une licence de pilote privé PPL(A) cinq ans plus tôt. Il totalisait 2 450 heures de vol dont 1 250 en avion mono moteur. Il était instructeur FI(A) depuis 2020 et détenait les autorisations examinateur FE depuis 2021. Il était également pilote pour un exploitant aérien.

2.5. Synthèse des témoignages

Le contrôleur aérien indique avoir accordé la demande d’exercice d’encadrement depuis la verticale de l’aérodrome. Dans ces conditions, il précise qu’il demande à être contacté lorsque l’avion se trouve en branche vent arrière pour autoriser le pilote à l’atterrissage ou ordonner une remise de gaz. Il laisse le pilote gérer sa trajectoire lors de l’exercice. Le contrôleur aérien indique avoir transmis une information de trafic au pilote de l’avion qui suivait le F-HEJB et estime ne pas avoir demandé au candidat de raccourcir sa trajectoire.

Le candidat indique que la branche vent-arrière a été raccourcie à la demande de l’examinateur pour respecter le séquencement donné par le contrôleur et ainsi s’insérer entre les deux trafics dans le circuit.

Le candidat indique qu’en base, il avait un plan fort et un excédent de vitesse de l’ordre de 10 kt. Selon lui, il a voulu élargir le virage pour se réaxer avec un plan de descente adapté, mais l’examinateur est intervenu et a refusé cette manœuvre. Le candidat explique qu’il a ainsi poursuivi la finale sur le même plan fort avec une vitesse élevée. Il ajoute qu’il a également proposé d’interrompre l’approche ce que l’examinateur a également refusé car il craignait un conflit potentiel en vol avec l’avion en début de montée initiale. L’examinateur indique que, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un vol d’instruction, le candidat fait son exercice et ce n’est que dans le cas où la sécurité est en jeu que l’examinateur intervient et reprend les commandes.

Le candidat ajoute qu’il se sentait à l’aise lors de l’exercice combiné et qu’il n’était pas fatigué. L’examinateur indique qu’il a choisi de combiner deux exercices à la fin de l’épreuve car le candidat avait un bon niveau. Il ne souhaitait pas rallonger l’épreuve qui avait déjà duré deux heures. Il précise que la charge de travail était élevée. Il y avait deux autres avions dans le tour de piste et deux avions au point d’attente.

L’examinateur ajoute que les facteurs suivants ont probablement contribué à l’accident :

  • le contexte du vol (fatigue et pression du candidat liées à l’épreuve) ;
  • l’aérodrome de Chavenay-Villepreux avec l’évitement du survol des villes à ses abords ;
  • la trajectoire écourtée en vent arrière pour s’espacer des trafics en vol ;
  • l’excédent de vitesse en finale ;
  • l’autorisation tardive d’atterrissage car l’avion précédent atterrissait ;
  • la surveillance des trafics en vol ;
  • le temps de réaction pour freiner ;
  • le freinage moins efficace sur une piste en herbe.

L’examinateur précise qu’il n’a pas voulu interrompre l’atterrissage et qu’il est préférable de sortir de piste avec une vitesse faible, plutôt que de remettre les gaz avec une faible énergie et risquer un décrochage à faible hauteur.

Note : ce dernier élément de témoignage de l’examinateur rejoint un enseignement de sécurité précédemment émis par le BEA[4].

Septembre 2023


[1] Le vent était calme. La température était de 13 °C.

[2] La masse estimée au moment de l’atterrissage est de 570 kg.

[3] Manuel du pilote d’avion, 19ème éd. 2022, Éditions Cépaduès.