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Approche au-dessus du plan de descente, interception d'un signal ILS secondaire, augmentation de l'assiette commandée par l'AP

Approche au-dessus du plan de descente, interception d'un signal ILS secondaire, augmentation de l'assiette commandée par l'AP

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

Déroulement du vol

Note : le déroulement du vol a été établi à partir des données de vol du DAR, des enregistrements des données radars et phoniques des services de la navigation aérienne ainsi que des témoignages de l'équipage et des contrôleurs. L'enregistreur phonique de l'avion (CVR) ne contenait plus le vol de l'événement lorsque celui-ci a été notifié au BEA.

L'équipage décolle de l'aérodrome de Bamako (Mali) le 12 mars 2012 à 23 h 59 à destination de l'aérodrome de Paris Charles de Gaulle (CDG). A leur arrivée, l'ATIS indique que la procédure de faible visibilité (LVP) est en vigueur. L'équipage se prépare à une approche de précision CAT III.

L'avion est stable au FL90 à environ 30 NM du seuil de piste 08R. Le pilote automatique (AP) 1 est engagé en mode HDG et ALT. L'ATHR est engagée en mode SPEED. La vitesse est stable à 250 kt conformément à la demande du contrôleur. L'équipage est en contact avec l'approche de CDG. Il est autorisé à intercepter le localizer 08R.

A 4 h 40 min 20, le contrôleur autorise l'équipage à descendre au FL80 et cinq secondes plus tard l'avion, stable au FL90, passe au-dessus du plan de descente de 3°. L'équipage est ensuite autorisé à descendre au FL60. Il sélectionne une altitude de 6 000 ft au FCU et l'AP passe en mode OP DES. L'AP capture le signal localizer 08R (LOC*) puis le mode LOC s'engage. Lorsque l'avion passe 7 220 ft, et qu'il est à 17,5 NM du seuil, soit environ 1 275 ft au-dessus du plan, le contrôleur demande le maintien d'une vitesse supérieure à 200 kt. La vitesse de l'avion est d'environ 250 kt. L'équipage collationne et demande s'il peut poursuivre la descente. Le contrôleur s'excuse de son oubli puis autorise l'équipage à descendre vers 3 000 ft pour intercepter l'ILS 08R.

L'équipage sélectionne 220 kt et 3 000 ft. Le mode OP DES reste actif. La vitesse et le taux de descente de l'avion diminuent(1) ce qui a pour conséquence d'augmenter l'écart par rapport au plan de descente. L'équipage sort les aérofreins. Lorsque la vitesse de l'avion atteint la vitesse cible de 220 kt, le taux de descente augmente à nouveau jusqu'à une valeur de - 1 840 ft/min(2).

A 10 NM du seuil de piste et à une altitude de 5 500 ft, le contrôleur d'approche demande à l'équipage de maintenir une vitesse supérieure à 160 kt et de contacter la tour. Il n'informe pas le contrôleur de la tour que l'avion est au-dessus du plan. L'équipage sélectionne une vitesse de 210 kt puis 183 kt et la configuration

becs/volets 1. Une nouvelle fois, le taux de descente diminue et l'avion s'écarte du plan de descente à 3°.

L'équipage contacte la tour et indique qu'il est à 9 NM. L'avion est à une altitude de 4 950 ft (soit 1 750 ft au-dessus du plan). Le contrôleur autorise initialement l'équipage à poursuivre l'approche. Ce dernier collationne « Autorisé atterrissage 08 droite… ». Le contrôleur indique qu'il vérifie alors que les servitudes CAT III sont dégagées puis confirme l'autorisation d'atterrir.

L'équipage sélectionne la configuration becs/volets 2 et rentre les aérofreins. Environ une minute plus tard, il sort à nouveau les aérofreins, arme le mode G/S par appui sur le bouton APPR et engage l'AP 2. La déviation du glide affichée sur le PFD indique à l'équipage qu'il se rapproche d'un plan de descente par le dessus. L'avion est à 4 NM du seuil de piste, à environ 3 700 ft (soit 2 100 ft au-dessus du plan de descente à 3°) et se situe dans un lobe secondaire du signal ILS.

Environ 30 secondes plus tard, l'équipage sort le train d'atterrissage. Le mode de capture du plan de descente (G/S*) s'active lorsque l'avion est à 2 NM du seuil de piste et à 2 850 ft (soit environ 1 600 ft au-dessus du plan de descente à 3°). L'ATHR passe en mode SPEED. L'assiette augmente de 1° à 26° en 12 secondes. Le PNF indique qu'il a annoncé l'écart d'assiette à l'apparition des chevrons(3). Lors de la prise d'assiette, la vitesse passe de 163 kt à 130 kt, la vitesse verticale passe de - 1 600 ft/min à + 3 300 ft/min. Lorsque l'assiette atteint 26°, l'équipage déconnecte les deux AP et le PF applique une action à piquer proche de la butée mécanique. L'assiette et la vitesse verticale diminuent. L'équipage rentre les aérofreins. Les manettes de poussée sont positionnées sur le cran IDLE. La vitesse est de 143 kt et l'ATHR se désengage. Environ 30 secondes plus tard, l'AP 1 est engagé, les manettes sont repositionnées sur le cran CL et l'ATHR est activée. Le PF explique qu'il engage l'AP 1 pour effectuer une remise des gaz en automatique(4). Les modes LOC et G/S sont actifs et l'ATHR est en mode SPEED. La vitesse est de 147 kt. L'avion est à la verticale du seuil de piste à une altitude d'environ 2 700 ft. L'assiette diminue alors de 2° à - 5° et l'avion descend.

Le PF précise qu'il se rend compte que les modes affichés au FMA ne sont pas adaptés. Il désengage alors l'AP 8 secondes après l'avoir activé puis affiche une assiette d'environ 6° et positionne les manettes de poussée dans le cran TOGA à une altitude d'environ 2 000 ft.

L'équipage effectue une seconde approche et atterrit sans autre difficulté.

Conclusion

L'incident grave est dû :

- à la surveillance insuffisante de la trajectoire de l'avion par le contrôleur et par l'équipage lors de l'approche de précision CAT III sous guidage radar ;

- à la décision de l'équipage de poursuivre l'approche après le FAP alors que l'avion était au-dessus du plan.

Les facteurs suivants y ont contribué :

- l'absence de repères visuels sur l'écran radar des contrôleurs pour l'interception du plan de descente à des altitudes inférieures à 5 000 ft ;

- l'utilisation par l'équipage d'une méthode inadaptée pour rattraper le plan de descente par le haut ;

- la capture par l'AP d'un signal ILS provenant d'un lobe secondaire, qui a généré une augmentation d'assiette excessive.

La fatigue de l'équipage et des contrôleurs a pu contribuer à la survenue de l'incident grave.

Recommandations

Rappel : conformément aux dispositions de l'article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l'autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l'étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l'article 18 du règlement précité.

La procédure d'Air France relative au rattrapage du plan de descente par le dessus ne définit pas de limites opérationnelles pour sa réalisation (écart toléré par rapport à la trajectoire, conditions météorologiques et position dans la procédure d'approche). Cette absence ne permet pas à l'équipage de disposer de critères suffisants pour décider de la poursuite de l'approche.

En conséquence le BEA recommande que :

- l'AESA veille à ce que les autorités nationales s'assurent que leurs exploitants définissent dans leur documentation des limites opérationnelles explicites fournissant aux pilotes une aide à la décision avant d'effectuer un rattrapage du plan de descente par le haut.[Recommandation FRAN-2013-005]

Le rattrapage du plan de descente par le haut a été identifié en 2006 lors d'un symposium organisé par la DGAC relatif aux approches stabilisées comme étant un élément précurseur d'une approche non stabilisée. Dans un guide, édité à cette occasion, il est fait mention de conseils pour les contrôleurs ainsi que pour les pilotes.

En conséquence le BEA recommande que :

- la DGAC s'assure que les exploitants et la DSNA soient sensibilisés aux enseignements issus du symposium de 2006 organisé par la DGAC relatif aux approches non stabilisées. [Recommandation FRAN-2013-006]

Les contrôleurs des services de la navigation aérienne ne disposent pas d'outil leur permettant de détecter qu'un avion n'est pas sur le plan de descente publié et de suivre l'évolution de cet écart au cours de l'approche. Un tel outil permettrait aux contrôleurs de guider un aéronef en pouvant vérifier sa position par rapport au plan de descente publié et favoriser la diminution du nombre d'approche non stabilisée.

En conséquence le BEA recommande que :

- a DGAC étudie la mise en place d'un système permettant d'aider les contrôleurs à déterminer la position dans le plan vertical d'un aéronef par rapport au plan de descente publié. [Recommandation FRAN-2013-007]

L'enquête a montré qu'il était possible d'intercepter un plan de descente ILS d'un lobe secondaire sous pilote automatique sans alerter l'équipage. De plus, dans ces conditions, le pilote automatique a conduit l'avion dans une position inusuelle (assiette de 26°) lors d'une phase critique du vol. Cette problématique est susceptible de concerner d'autres aéronefs en transport public.

En conséquence le BEA recommande que :

- l'AESA s'assure que les modes ILS des aéronefs ne s'engagent pas sur un signal ILS autre que celui correspondant au plan de descente publié; qu'à défaut un système permettant d'alerter l'équipage soit mis en place ; [Recommandation FRAN-2013-008]

- l'AESA s'assure que l'activation des modes ILS sous pilote automatique des aéronefs n'entraîne pas des attitudes inadaptées lors d'une approche. [Recommandation FRAN-2013-009]

(1) En mode OP DES, la diminution de la vitesse est prioritaire sur l'acquisition de l'altitude.

(2) A cet instant, il y a un vent de face de 10 kt. Le taux de descente pour un plan de descente de 3° à la vitesse

de l'avion est d'environ 1 100 ft/min.

(3) L'assiette de 30° est représentée par des chevrons sur le PFD pour indiquer à l'équipage de diminuer l'assiette lorsque l'assiette de l'avion est proche de cette valeur.

(4) )La procédure de remise de gaz prévoit d'afficher une assiette de 12,5° et de positionner les manettes sur le cran TOGA.