Arrêt du moteur, amerrissage forcé sur un lac lors d'un remorquage de banderole
Arrêt du moteur, amerrissage forcé sur un lac lors d'un remorquage de banderole
1 - Déroulement du vol
Le pilote décolle de l’aérodrome d’Andernos-les-Bains (33) pour un vol de remorquage de banderole à basse hauteur dans la région de Lacanau. En abordant la rive sud de l’étang de Moutchic, vers 300 ft d’altitude, l’avion rencontre de fortes turbulences. Au même moment, le moteur subit des ratés puis s’arrête. Le pilote procède à un amerrissage forcé le long du rivage. Le contact brutal avec la surface de l’eau provoque la rupture du train d’atterrissage et des blessures légères du pilote.
2 - Renseignements complémentaires
2.1 Examen de l’épave
Le sélecteur de carburant est sur la position réservoir arrière. Celui-ci est plein de carburant. Le réservoir avant contient une très faible quantité de carburant. Sa jauge, sur le tableau de bord, indique une quantité un peu au-dessus de zéro. La pompe auxiliaire est sur la position « ON ».
2.2 Témoignage du pilote
Le pilote explique qu’il avait décollé d’Andernos-les-Bains sur le réservoir avant avec l’idée de consommer un peu du carburant qu’il contenait, puis de passer sur le réservoir arrière en arrivant sur la zone de travail. Après une demi-heure de vol, la jauge du réservoir avant indiquant une faible quantité restante (deux largeurs d’aiguille au-dessus de zéro), le pilote a décidé de changer de réservoir. Il précise qu’à cet instant, l’avion était soumis à de fortes turbulences qui l’ont amené à interrompre la procédure de changement de réservoir. Il a incliné l’avion à gauche de manière énergique pour sortir de la zone et en a profité pour vérifier l’arrimage de la banderole. Au cours de cette manœuvre, le moteur a eu des ratés et s’est arrêté. Le pilote indique qu’il a sélectionné le réservoir arrière, mais que cela n’a pas permis au moteur de redémarrer immédiatement. Il a décidé d’amerrir après avoir largué la banderole.
Le pilote ajoute qu’il n’a pas pour habitude d’utiliser le réservoir avant en remorquage et met cette erreur sur le compte du rythme des vols et de la fatigue de fin de saison.
Il pense que le virage à gauche entrepris dans une certaine urgence n’a pas été parfaitement symétrique. La faible quantité de carburant a alors été projetée sur le côté du réservoir provoquant une prise d’air dans le circuit carburant et le désamorçage de la pompe.
2.3 Expérience du pilote
Le pilote, titulaire d’une licence de pilote professionnel avion depuis 1976, totalisait environ 7 000 heures de vol dont 60 sur type dans les trois mois précédents.
2.4 Renseignements sur l’avion
Le F-BIZF est équipé d’un réservoir arrière d’une contenance de 125 litres et d’un réservoir avant d’une contenance de 90 litres. Un sélecteur manuel de carburant à trois positions (Avant-Fermé-Arrière) permet d’alimenter le moteur avec l’un ou l’autre des deux réservoirs.
Cet avion (numéro de série 020 fabriqué en 1958), n’est pas équipé d’une alarme visuelle indiquant le bas niveau carburant dans les réservoirs(1) .
Le manuel de vol, repris en partie par le Manuel d’Activité Particulière (MAP), recommande de décoller avec le réservoir avant vide lors du remorquage de banderoles(2).
Le fond du réservoir avant comporte en son milieu une crépine sur laquelle est connectée une des tuyauteries du circuit carburant.
2.5 Conditions météorologiques
Les conditions météorologiques estimées sur le site étaient les suivantes :
vent du 020° pour 10 kt rafales à 20 kt sur la partie est de l’étang ;
vent du 340° pour 14 kt rafales à 20 kt sur la partie ouest de l’étang ;
pour ces deux parties de l’étang : CAVOK, température 26 °C, température du point de rosée 10 °C, QNH 1 022 hPa.
Les turbulences étaient modérées à la convergence entre le flux de nord-ouest et la brise côtière de nord / nord-est.
3 - Enseignements et conclusion
La perte de puissance, consécutive au désamorçage du circuit carburant, puis l’arrêt du moteur à basse hauteur ont conduit le pilote à entreprendre un amerrissage forcé sur un lac.
Cet accident s’explique par la conjonction des facteurs suivants :
une gestion de carburant inadéquate conduisant au quasi assèchement d’un réservoir dont l’utilisation n’était pas recommandée par les procédures ;
une manœuvre réflexe soutenue pour se dégager d’une zone de turbulence ;
la faible hauteur réduisant les possibilités d’action en cas de perte de puissance momentanée ou définitive du moteur.
La fatigue accumulée au cours de la saison a pu constituer un facteur contributif.
(1)Sur les Jodel D140 qui en sont équipés, les lampes indicatrices « Fin de réservoir » et « Basse pression » montées sur le tableau de bord s’allument lorsque la quantité restante de carburant est respectivement de 10 litres pour le réservoir avant et 12 litres pour le réservoir arrière, ce qui permet de voler une quinzaine de minutes à 75 % de la puissance nominale du moteur et de changer de réservoir.
(2)Le remorquage de banderoles est réalisé à la vitesse de 100 km/h et les volets rentrés. Dans cette configuration, compte tenu de la traînée induite par la banderole, l’avion a une assiette à cabrer importante. Avec une telle attitude et avec une quantité assez faible de carburant dans le réservoir avant, le risque de désamorçage est grand.