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Arrêt du moteur lors d'un vol d'épandage, collision avec le sol, incendie

Arrêt du moteur lors d'un vol d'épandage, collision avec le sol, incendie

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

CIRCONSTANCES

Le pilote décolle après un avitaillement de 40 litres de carburant et de 100 litres de produit phytosanitaire pour traiter les deux dernières parcelles de bananiers de la journée. En arrivant en bordure de la deuxième, la puissance du moteur diminue, l'hélicoptère heurte les bananiers puis le sol et prend feu. Le pilote a juste le temps de dégrafer le harnais et d'évacuer l'hélicoptère.

Un promeneur situé à 150 m du lieu de l'accident indique avoir entendu un bruit ressemblant à des ratés du moteur juste avant que l'hélicoptère heurte la végétation.

Le pilote nouvellement arrivé en Martinique, totalisait le jour de l'accident 1 348 heures de vol, 42 sur type dont 18 effectuées dans la société le mois précédent.

L'examen du site et de l'épave a montré que :

- le site de l'accident est une bananeraie rectangulaire et plane faite de parcelles régulières et sans obstacle. Du fait de ces caractéristiques, le traitement de cette bananeraie est donné en priorité aux nouveaux arrivants ;

- les traces sur la végétation et sur l'épave montrent que l'hélicoptère a heurté la végétation à faible vitesse et que le choc a été de faible intensité ;

- les ruptures et les déformations mises en évidence lors de l'examen de l'épave sur les ensembles tournants montrent que ceux-ci développaient une puissance presque inexistante au moment de la collision avec le sol.

Les examens techniques ont mis en évidence les points suivants :

- l'examen du moteur et des équipements a montré l'absence d'indice de rotation du moteur et du ventilateur du radiateur à l'impact ;

- les endommagements constatés sur le moteur, l'embrayage et la BTP sont consécutifs à l'accident ou à l'incendie survenu au sol ;

- l'examen du carburateur a montré des obstructions partielles des conduits ou du gicleur ;

- les analyses des échantillons de fluides prélevés sur l'épave et dans la cuve d'avitaillement de la société ont montré la présence de sédiments de nature minérale. Le carburant utilisé était du carburant automobile sans plomb. Il présentait une teneur en gomme indiquant un vieillissement avancé caractéristique de conditions de stockage inadéquates ;

L'enquête a montré que l'utilisation du carburant sans plomb n'est pas autorisée par le détenteur du suivi de navigabilité (Lycoming) pour ce type de moteur VO-4356AID et par l'équipementier fabricant du carburateur (Precision Airmotive).

Elle a également montré que l'emploi d'une essence sans plomb dont la pression de vapeur est supérieure à celle de l'essence aviation AVGAS 100 LL favorise le phénomène de « Vapor lock ».

Par ailleurs, le carburant était stocké dans une cuve agricole en plastique de 1000 litres translucide, palettisée et donc non enterrée, non adaptée au stockage du carburant et protégée des rayons du soleil par une simple tôle. Ces conditions de stockage engendraient des amplitudes de températures importantes de nature à accélérer la dégradation du carburant. De fait, ceci explique une teneur en gomme non conforme aux spécifications du produit relevée lors des examens.

INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES

Cinq accidents ont eu lieu entre mars et septembre 2012 chez l'opérateur avec le même type d'hélicoptère.

Alors que les enquêtes et examens étaient encore en cours, des mesures préventives ont été prises dès l'automne par l'autorité de tutelle afin d'arrêter cette recrudescence d'accidents :

- la vérification immédiate des moteurs et en particulier des carburateurs équipant les autres hélicoptères de l'exploitant ayant utilisé du carburant sans plomb (application du Mandatory Service Bulletin 398B du constructeur Bell) ;

- l'obligation d'utiliser exclusivement de l'essence aviation AVGAS 100 LL ;

- la diminution de la masse maximale au décollage de 50 kg (MTOW 1061 kg) pour les pilotes dont l'expérience est inférieure à 500 h d'épandage ;

- le port systématique d'un casque de protection et du harnais ;

- le remplacement pour l'épandage aérien dans les produits phytosanitaires de l'adjuvant type « Banol » par de l'eau. Cet adjuvant a la caractéristique d'être gras et donc de bien fixer l'agent traitant sur la végétation même si des pluies ultérieures surviennent. En contrepartie, il a l'inconvénient de bien fixer les poussières et autres débris végétaux sur les pare-brises, de les rendre moins transparents et de rendre difficile leur nettoyage. L'utilisation d'eau comme adjuvant élimine tous ces inconvénients.

Ces mesures ont depuis contribué à stopper la recrudescence d'accidents.

CONCLUSION ET ENSEIGNEMENT DE SECURITE

L'arrêt du moteur de l'hélicoptère est dû à une alimentation dégradée en carburant ayant pour origine :

- un phénomène de « Vapor lock » favorisé par l'emploi d'un carburant inadapté ;

- une obstruction partielle des conduits internes du carburateur par des sédiments et des gommes présents dans le carburant.

Le port du harnais et du casque a sans doute contribué à l'évacuation autonome et rapide du pilote avant l'incendie et a donc probablement limité les conséquences de l'accident.

Ce facteur positif est à opposer aux conséquences de l'accident ayant eu lieu avec le même type d'hélicoptère de la même société, quatre jours auparavant (rapport disponible sur le site du BEA : www.bea.aero/docspa/2012/f-xl120312/pdf/f-xl120312.pdf).

L'utilisation de l'eau comme adjuvant en remplacement d'un produit gras type « Banol » améliore la vision des pilotes en facilitant le nettoyage des pare-brises et en améliorant leur transparence.