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Atterrissage sur une piste occupée

Atterrissage sur une piste occupée

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

1 - Déroulement du vol

Le pilote, propriétaire du MCR, réalise un vol entre Saragosse (Espagne) et Carcassonne.

A 14 h 58 min 06(1), le pilote s'annonce au sud de la zone auprès du contrôleur de l'aérodrome. Ce dernier lui demande de le recontacter en branche vent arrière main gauche pour la piste 28.

A 15 h 00 min 45, l'équipage d'un avion de transport public bi-turbo réacteur s'annonce pour un atterrissage en piste 28 avec un circuit par le nord.

A 15 h 01 min 53, le contrôleur indique au pilote du MCR qu'il doit s'attendre à être numéro deux derrière l'avion de transport public. Le pilote collationne l'information fournie.

A 15 h 05 min 00, le pilote du MCR annonce qu'il effectue un circuit d'attente au sud de l'aérodrome.

A 15 h 07 min 04, l'équipage de l'avion de transport public est autorisé à atterrir en piste 28.

A 15 h 08 min 22, le contrôleur annonce au pilote du MCR qu'il peut rejoindre la finale en deuxième position derrière l'avion de transport public. Il le met en garde sur la turbulence de sillage générée par cet avion. Il lui annonce également que ce dernier va remonter la piste après son atterrissage.

A 15 h 09 min 54, le pilote du MCR s'annonce établi en finale pour la piste 28. Le contrôleur lui demande de le recontacter en courte finale car l'avion de transport public est en train de remonter la piste.

A 15 h 10 min 22, le pilote du MCR s'annonce en courte finale. Le contrôleur lui demande de remettre les gaz et de le recontacter lorsqu'il s'établira en vent arrière.

A 15 h 10 min 39, le contrôleur répète sa demande de remise de gaz. Le pilote collationne « Go-around H-KH » puis poursuit l'atterrissage en piste 28.

2 - Renseignements complémentaires

Le vent était du 300 pour 13 kt.

Le pilote du MCR vole sur cet avion depuis 2002. Il totalise 660 heures de vol dont 534 sur type. Dans les trois mois précédents il a volé 19 heures dont 17 sur type.

Il indique que le contrôleur lui a demandé de remettre les gaz tardivement, alors qu'il se trouvait à environ 30 m du seuil de la piste, à une hauteur de 5 à 10 m, avec une vitesse de 65 kt et les volets déployés aux trois quarts de leur course.

Il explique qu'il aurait eu besoin d'une vitesse de 75 à 80 kt pour pouvoir ramener les volets à 10° et commencer à reprendre de la hauteur. Dans le même temps, il voyait l'avion de transport public face à lui à une hauteur qu'il estimait supérieure de 10 m à la sienne du fait de la pente de la piste.

Il précise qu'il a alors envisagé :

- soit une remise de gaz dans l'axe, au-dessus de l'autre avion ;

- soit une remise de gaz en virant à droite, au-dessus de la piste en herbe ;

- soit un atterrissage face à l'autre avion.

Il mentionne que le vent était turbulent et qu'il a donc estimé risqué de remettre les gaz, ne sachant pas s'il pourrait remonter suffisamment face à l'autre avion. Il a estimé plus prudent de poursuivre son atterrissage.

Il ajoute que la distance d'atterrissage de son avion à la masse maximale est de 210 m. Il estime qu'il restait environ 700 m entre lui et l'autre avion.

Le seuil de la piste 28 se trouve à une altitude de 402 ft ; la piste monte ensuite aux alentours de 425 ft vers son milieu, puis à 431 ft à l'extrémité. L'avion de transport public se trouvait entre les bretelles B et C lorsque le MCR a atterri, soit environ 7 m au-dessus du seuil de la piste 28.

La société Dyn'Aéro conceptrice de l'avion indique que lors d'une remise de gaz dans les conditions rapportées par le pilote, la mise en puissance aurait permis à l'avion de remonter même si les volets étaient encore complètement sortis. La commande électrique de rentrée des volets de la configuration « plein sorti » à la configuration lisse prend une dizaine de secondes durant lesquelles l'avion aurait eu le temps d'accélérer vers sa vitesse de montée.

Le manuel de vol du MCR Sportster indique les caractéristiques suivantes :

- vitesse d'approche recommandée : 130 km/h (70 kt) ;

- remise de gaz : vitesse de 130 km/h (70 kt), volets rentrés, puis montée à 165 km/h (89 kt) ;

- vitesse de décrochage à plat en configuration lisse : 118 km/h (64 kt) ;

- vitesse de décrochage à plat avec les volets complètement sortis (25°) : 91 km/h (49 kt) ;

- distance de décollage(2) : 155 m ;

- passage des 15 m : 230 m ;

- distance d'atterrissage sur piste revêtue en conditions standard : 270 m.

3 - Enseignements et conclusion

A chaque étape de son circuit d'aérodrome, le pilote du MCR a été informé par le contrôleur de la présence de l'avion de transport public. En finale, le pilote du MCR a vu que la piste était toujours occupée par l'autre avion. Il n'a cependant pas anticipé qu'il allait probablement devoir effectuer une approche interrompue et ne s'est pas préparé à cette éventualité.

Lorsqu'il s'est annoncé en courte finale, le contrôleur lui a demandé de remettre les gaz. A cet instant, l'absence d'anticipation et sa méconnaissance des performances de son avion lui ont fait penser qu'il n'avait pas le choix et devait poursuivre son atterrissage malgré la demande du contrôleur.

En contact avec un contrôleur, le pilote a probablement pensé qu'il n'avait pas la liberté de ses actions et s'est laissé guider dans une situation qu'il ne maîtrisait plus en raison de ses inquiétudes sur l'aptitude de son avion à pouvoir remettre les gaz en courte finale face à un obstacle.

L'incident grave est dû à la décision du pilote de poursuivre son approche et d'atterrir sur une piste occupée malgré la demande de remise de gaz du contrôleur. L'absence d'anticipation du pilote et la méconnaissance des performances de son avion ont contribué à l'incident grave.

Même en contact avec un contrôleur, un commandant de bord doit assurer sa sécurité et peut prendre l'initiative d'une remise de gaz.

 

(1)Les communications entre le contrôleur et les pilotes des deux avions sont intégralement réalisées en langue anglaise.

(2)Les distances de décollage et de passage des 15 m indiquées concernent un MCR-01 équipé d'une hélice à pas fixe. Le HB-YKH est équipé d'une hélice à pas variable plus performante.