Diminution de la puissance du moteur en montée initiale, atterrissage forcé, en instruction
Diminution de la puissance du moteur en montée initiale, atterrissage forcé, en instruction
1 - Déroulement du vol
L’élève et l’instructeur décollent de la piste 26(1) pour un vol local d’instruction. L’instructeur explique qu’en montée initiale, à une hauteur d’environ 50 ft, il constate une diminution de la puissance du moteur. Il prend les commandes et vérifie que la manette de puissance est sur la position « plein gaz ». Il précise que l’indicateur du régime hélice affiche environ 900 tr/min(2). La route face à lui étant occupée par de nombreux véhicules, il décide de ne pas atterrir dans l’axe. Il vire à gauche pour atterrir dans une zone dégagée d’obstacle. Lors de la manœuvre l’aile gauche touche le sol et l’instructeur immobilise l’avion sur la piste non revêtue. Peu après l’atterrissage, le moteur s’arrête.
2 - Renseignements complémentaires
2.1 Examen du moteur
L’examen du moteur Rotax 912 S2 a révélé la présence de débris métalliques dans la chambre du cylindre n° 1. Ces débris empêchaient notamment la fermeture complète de la soupape d’échappement de ce cylindre et ont endommagé les deux bougies. Des débris ont également été retrouvés dans le cylindre n° 3. Des marques d’impacts ont été observées dans la veine d’air du carburateur alimentant les cylindres nos 1 et 3.
L’examen a également révélé l’absence de la patte d’attache inférieure du collecteur d’air chaud du réchauffage carburateur. Un morceau de cette attache a été retrouvé à proximité du collecteur.
La composition chimique des débris retrouvés dans le cylindre n° 1 est similaire à celle du morceau de l’attache retrouvé à proximité du collecteur et à celle de l’attache supérieure de ce collecteur. Ces attaches ont une épaisseur de 0,8 mm.
Il n’y a pas de dispositif empêchant ou limitant les risques d’ingestion de corps étrangers au niveau du collecteur d’air chaud du réchauffage carburateur.
2.2 Attaches du collecteur d’air chaud du réchauffage carburateur
Les P2008 sont fabriqués en Italie par Tecnam, titulaire d’un agrément d’organisme de production. Le collecteur d’air chaud du réchauffage carburateur du P2008 est équipé de deux attaches d’une épaisseur de 1,5 mm. Ces attaches sont rivetées sur le collecteur par Tecnam.
Le F-HDMV a été acheté neuf par le club. Il totalisait environ 405 heures de vol. La maintenance de l’avion était effectuée par l’unité d’entretien agréée du club. Le président du club indique qu’aucune intervention sur le collecteur de l’avion ne lui a été rapportée.
Le club exploite six Tecnam P2008. Trois d’entre eux (dont le F-HDMV) étaient équipés de collecteurs avec des attaches d’une épaisseur inférieure à 1,5 mm. Un précédent cas de rupture d’attache était survenu sur l’un d’entre eux, le numéro de série 1007. L’avion totalisait 260 heures de vol et la rupture des deux attaches avait été constatée lors d’une visite de maintenance programmée.
A la suite de l’accident, Tecnam a publié le Bulletin de Service (SB) n° 163-CS-P2008. Ce SB demande l’inspection des collecteurs et le remplacement de ces derniers si les attaches ne sont pas conformes en dimensions. Ce SB a été appliqué sur tous les P2008 en service. Six P2008 ont été équipés de ces attaches non-conformes. Leurs numéros de série étaient compris entre 1002 et 1009.
Tecnam a mené une enquête interne pour comprendre les raisons de l’installation de ces pièces non-conformes et prévenir de nouvelles occurrences. Ce processus a été supervisé par l’aviation civile italienne en charge de la surveillance continue pour le maintien de l’agrément d’organisme de production de Tecnam. Les attaches non-conformes avaient été produites à des fins expérimentales et n’étaient pas destinées à la production de série. Tecnam a mis en place des actions correctives portant notamment sur l’organisation de la production.
2.3 Renseignements sur l’aérodrome
En juin 2010, un DR400 a été accidenté(3) lors d‘un exercice de panne moteur en montée initiale depuis la piste 26 revêtue de Lognes. A la fin de l’exercice, l’équipage a été confronté à une inefficacité de la commande de puissance et a atterri dans le champ choisi pour l’exercice. Ce champ s’est révélé inadapté pour un atterrissage forcé réel. L’instructeur estimait que ce champ était néanmoins le seul praticable pour ce type d’exercice. Il y a peu de zones propices à un atterrissage forcé au voisinage de l’aérodrome de Lognes.
A la suite de cet accident les pilotes inspecteurs de la DSAC-Nord ont demandé aux instructeurs de ne pas réaliser « d’exercice de panne moteur dans des conditions où la survenue d’une panne réelle ne permet pas d’effectuer un atterrissage sur l’aérodrome ou en campagne en toute sécurité ».
2.4 Témoignage de l’instructeur
L’instructeur indique qu’il enseigne à ses élèves qu’en cas de panne majeure après le décollage, il faut rendre la main et atterrir plus ou moins dans l’axe de la piste. Cette consigne a été rappelée lors du briefing avant décollage.
Lorsque la panne est survenue, l’instructeur a réduit l’assiette puis, réalisant qu’il ne pourrait pas atterrir dans l’axe, il a décidé de changer de stratégie. Il a alors viré à gauche pour se diriger vers une zone dégagée d’obstacles et pour se mettre face au vent afin de réduire la distance d’atterrissage.
L’instructeur ajoute que le club ne pratique plus d’exercice de simulation de panne moteur en montée initiale à Lognes depuis l’accident du DR400 F-GUXJ. Les entraînements sont réalisés sur d’autres aérodromes ayant un environnement plus favorable à un atterrissage forcé.
2.5 Panne moteur en montée initiale
Dans le guide de l’instructeur VFR édition juin 2014 de l’ENAC il est indiqué en cas de panne moteur après le décollage :
« - Prendre l’assiette pour obtenir 1,3Vs en vol plané.
- Le changement de trajectoire pour éviter les obstacles importants, se fait en fonction de l’inclinaison permise et de la hauteur restante.
- Ensuite appliquer la procédure du manuel de vol « Panne après décollage ».
- Le demi-tour pour tenter de rejoindre la piste est à proscrire, la hauteur étant en général insuffisante. »
Il y est également précisé que la perte de hauteur constatée lors d’un virage de 180° à 30° d’inclinaison est de l’ordre de 800 ft.
La procédure d’atterrissage forcé du manuel de vol de l’avion est la suivante :
2.6 Renseignements supplémentaires
Les messages d’observation météorologique des aérodromes environnants mentionnaient un vent du 200° pour environ 12 kt, une visibilité supérieure à 10 km et une température de 24 °C.
La distance d’atterrissage (depuis le passage des 50 ft) calculée d’après le manuel de vol est, dans les conditions du jour sur une piste en herbe, d’environ 390 m(4) dont 180 m de roulement.
3 - enseignement ET Conclusion
3.1 Diminution de la puissance lors de la montée initiale
Des attaches non conformes ont été installées sur le collecteur d’air du réchauffage du carburateur lors de la production de l’avion. Ces attaches étaient de dimensions inférieures aux spécifications techniques. L’attache inférieure du collecteur s’est rompue. Les débris ont été probablement ingérés par le moteur lors des essais du réchauffage carburateur. Ils ont traversé la veine d’air du carburateur puis sont entrés dans les cylindres nos 1 et 3 provoquant la diminution de la puissance lors de la montée initiale.
Ces attaches non-conformes ont été installées par le constructeur sur cinq autres collecteurs de P2008. Elles ont été produites à des fins expérimentales et n’étaient pas destinées à une production en série. Tecnam a mis en place des actions correctives afin d’éviter la survenue d’un événement similaire.
3.2 Atterrissage forcé
L’élève et l’instructeur ont été confrontés à une diminution de la puissance lors de la montée initiale ne leur permettant plus de poursuivre le décollage. En l’absence d’une zone propice à un atterrissage forcé dans le prolongement de la piste, l’instructeur a entrepris une manœuvre à faible hauteur pour atterrir face au vent(5) dans une zone dégagée d’obstacles. L’avion a été endommagé lors de cette manœuvre.
3.3 Enseignement
Bien qu’il soit enseigné d’atterrir dans l’axe de piste lors de la survenue d’une panne majeure après le décollage, cet accident montre que le pilote doit constamment s’adapter à la situation et à l’environnement. Le briefing avant décollage aborde notamment cette situation de panne. Cet événement illustre le fait qu’un tel briefing ne doit pas être machinal ou figé mais doit être construit à chaque vol pour s’adapter au mieux à l’environnement et aux conditions du jour.
(1)Piste revêtue 700 m x 20 m.
(2)Le régime de l’hélice (à pas fixe) nominal en montée est de 2 250 tr/min.
(3)Accident du DR400 F-GUXJ du 29 juin 2010. Le rapport est disponible sur le site du BEA à l’adresse suivante : www.bea.aero/docspa/2010/f-xj100629/pdf/f-xj100629.pdf.
(4)Pour une approche stabilisée à 54 kt en configuration atterrissage.
(5)Un atterrissage face au vent permet de diminuer la vitesse sol et donc de diminuer la distance d’atterrissage.