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Diminution des performances du moteur lors d'une mise en puissance à l'issue d’un exercice d’autorotation, atterrissage dur, en instruction

Diminution des performances du moteur lors d'une mise en puissance à l'issue d’un exercice d’autorotation, atterrissage dur, en instruction

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

1 - DÉROULEMENT DU VOL

L’instructeur et son élève réalisent des exercices d’encadrement en autorotation avec reprise moteur en complément d’une formation de pilote ULM de classe 6. Au cours du second exercice, avant le dernier virage, l’instructeur prend les commandes pour ajuster la trajectoire. Lors de la « reprise moteur(1) », ce dernier s’arrête. L’instructeur aux commandes poursuit l’autorotation. L’ULM touche durement la piste avec une forte assiette à cabrer, glisse et s’immobilise à plat sur les patins.

2 - RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES

2.1 Examen du site et de l’épave

L’ULM a atterri après le premier tiers de la piste. Les traces au sol révèlent un premier impact du talon du patin droit puis, un mètre plus loin, l’impact du talon gauche et celui du tube de garde du rotor anti-couple, les traces de glissade suivent ensuite sur quelques mètres.

Les observations faites sur l’épave montrent une déformation importante dans le sens vertical de l’arceau arrière droit du train à patins. La poutre arrière et les deux fixations arrière des haubans de support de la poutre sont rompues au ras de la boîte de transmission arrière. Des traces d’interférence avec une des deux pales du rotor principal sont visibles sur la poutre arrière. Les pales du rotor principal sont en place sur le moyeu : l’une d’elles présente les traces d’un choc qui correspond aux marques repérées sur la poutre de queue.

2.2 Expérience

2.2.1 L’instructeur

Titulaire de brevets :

de pilote ULM de 1992 ;

de pilote ULM hélicoptère Ultraléger (classe 6) de 2012.

 

Titulaire de licences :

de pilote privé avion de 1988 ;

de pilote privé hélicoptère de 2011 ;

d’une qualification d’instructeur ULM Classe 6 d’avril 2013.

Il totalise environ 5 350 heures de vol. Il a réalisé 590 heures de vol sur hélicoptère dont 187 heures en tant que pilote instructeur et 350 sur type. Il a formé seize pilotes.

2.2.2. L’élève

L’élève totalise environ 21 heures de vol en double-commande. Sa formation touchait à sa fin et il réalisait une séance dite de perfectionnement, non incluse dans le programme de formation.

2.3 L’encadrement terrain en autorotation

Débuté à une hauteur de 1 500 ft, l’exercice consiste à rejoindre un terrain précédemment survolé sur une zone inhospitalière par une succession de virages en régime d’autorotation qui permettent au pilote de gérer à la fois les tours du rotor principal et le taux de descente. Il se termine par une Prise de Terrain en U (PTU) sensiblement au même cap qu’au début de l’exercice.

 

2.4 Témoignages

L’élève précise qu’il venait de réaliser le même exercice avec son instructeur. Il ajoute qu’avant le dernier virage, l’instructeur a pris les commandes pour affiner la trajectoire. Après la sortie de virage, il se souvient avoir entendu une voix synthétique dire « génératrice, génératrice, autorotation » et entendre le moteur s’arrêter. A proximité du sol, il a noté que l’assiette était forte au touché.

L’instructeur précise que cet exercice n’est pas prévu dans le programme d’instruction en vol diffusé par la Fédération Française d’ULM. Il le fait réaliser aux élèves qui ont une bonne progression, ce qui était le cas de son élève. Le jour de l’accident, l’élève a débuté l’exercice à la verticale de l’aérodrome à une hauteur d’environ 1 500 ft, pour finir par une PTU en piste 25 avant de procéder à la « reprise moteur ». Le vent était d’ouest sud / ouest pour 5 kt. Constatant que la trajectoire suivie était décalée du fait du vent, l’instructeur a pris les commandes avant le dernier virage. A une hauteur de 150 pieds, lorsqu’il a procédé à la reprise moteur, ce dernier s’est arrêté, les alarmes vocales et lumineuses ont retenti. Il a été surpris et a constaté que le rotor avait perdu des tours. N’ayant pas la possibilité d’en récupérer par manque de hauteur, il a volontairement cabré l’hélicoptère pour amortir le choc avec le sol.

 

2.5 L’aéronef

L’hélicoptère CH7 Kompress C2 est un ULM de classe 6 de masse maximale au décollage de 450 kg. Sa masse lors du vol de l’accident était de 440 kg. Il est équipé d’un moteur Rotax 914 UL, bien que le manuel du constructeur du moteur déconseille son installation sur hélicoptère(2).

 

L’ULM est également équipé d’un instrument de bord Flybox miniEIS (Engine Information System) qui permet au pilote de contrôler la plupart des paramètres de vol (moteur et cellule) et de l’alerter en cas de disfonctionnement grâce à une voix synthétique et à des alarmes sonores. Cet instrument peut enregistrer jusqu’à 32 paramètres.

 

2.6 Essais et recherches

L’examen de l’épave a mis en évidence que la boucle d’un câble d’alimentation haute tension(3) d’une bougie avait fondu au contact d’une pipe d’échappement (photographie ci-dessous) jusqu’à dénuder les deux fils électriques qu’il contient. Ces derniers sont venus au contact de la pipe d’échappement et ont provoqué des arcs électriques laissant des traces sur les deux parties en contact.

Sur le moteur Rotax 914 UL monté sur cet ULM, les câbles haute-tension qui alimentent les bougies sont assemblés par paire, maintenus et isolés par des gaines en tissus synthétique appelés aussi « chaussette ». Lorsque le montage est réalisé suivant les règles de l’art, les câbles qui sortent de la gaine passent par-dessus les parties chaudes, sans les toucher.

 

La gaine dans laquelle passe le câble rompu (en blanc sur la photo ci-dessus) était en place et maintenait correctement les deux câbles haute-tension (voir les deux photos).

La longueur des câbles de bougie telle que constatée lors de l’examen de l’épave, le positionnement voire la longueur de la gaine, rendent possible le contact avec une partie chaude du moteur.

3 - ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION

Le moteur s’est arrêté consécutivement à la coupure partielle du circuit d’allumage. L’enquête a mis en évidence que la conception rend possible l’interaction entre les câbles et/ou la gaine des bougies et l’échappement.

 

La reprise des commandes par l’instructeur au cours de l’exercice d’encadrement, juste avant d’aborder le dernier virage avait pour but d’ajuster la trajectoire. La panne du moteur s’est produite au moment où il allait réaliser la reprise moteur. L’instructeur a dû poursuivre l’autorotation jusqu’au sol. La faible hauteur (150 pieds) à laquelle s’est produit l’arrêt moteur et le fort taux de descente à ce moment-là ne lui ont pas permis de tenter une remise en route du moteur. L’effet de surprise a vraisemblablement diminué sa vigilance et a pénalisé la surveillance du paramètre « tours rotor », condition indispensable pour atterrir dans de bonnes conditions.

L’un des points-clés de la réalisation en sécurité d’une autorotation est le maintien tout au long de la descente des tours rotor dans la plage verte d’utilisation. Il doit en être de même lorsqu’il s’agit d’un exercice avec reprise moteur, ce qui permet de s’affranchir d’un éventuel effet de surprise.

 

(1)Expression propre à l’utilisation des hélicoptères : il s’agit d’une remise des gaz qui, réalisée à hauteur de sécurité (150 ft) en fin d’exercice d’autorotation, permet de transmettre à nouveau la puissance du moteur aux parties tournantes par l’intermédiaire de la roue libre et de reprendre un vol normal.

(2)docusearch.flyrotax. com/files/pdf/d06153. pdf (page 1-5)

(3)Ce câble en caoutchouc renferme deux fils électriques qui conduisent un courant à haute tension vers la bougie.