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Fumées en cabine lors de l'embarquement, évacuation des passagers

Fumées en cabine lors de l'embarquement, évacuation des passagers

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

1 - DÉROULEMENT DU VOL

Note : les éléments suivants sont issus de données extraites de l’enregistreur de maintenance (QAR), de l’enregistreur phonique (CVR)(1), de l’enregistrement des communications radio et des témoignages de l’équipage.

L’équipage prépare le vol à destination de Shanghai et se rend à l’avion vers 22 h 20, une heure environ avant l’heure prévue de départ. L’équipage de conduite prépare le poste de pilotage et met en route l’APU(2) afin de pouvoir climatiser la cabine. L’avitaillement est en cours.

L’embarquement des passagers débute environ vingt minutes après l’arrivée de l’équipage et s’effectue par les portes 1G et 2G (voir schéma ci-dessous).

 

3 - ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION

3.1 Gestion de la situation de crise

L’équipage de conduite a détecté la présence d’une odeur suspecte. Le commandant de bord a immédiatement décidé de quitter le poste de pilotage avec le copilote de renfort pour déterminer l’origine de cette odeur. L’absence du commandant de bord du poste de pilotage a eu les conséquences suivantes :

il n’a pas perçu la situation vécue par les PNC en porte 3 ;

le copilote a pris l’initiative de couper les packs sans l’avis du commandant de bord.

Le commandant de bord ne disposait donc pas de l’ensemble des informations lorsqu’il est retourné au poste de pilotage. Toutefois, il a immédiatement envisagé de réaliser une évacuation d’urgence puis, après avoir eu l’information de la présence de fumée au niveau de l’APU, il a demandé d’évacuer l’avion par les passerelles d’embarquement.

Le poste de pilotage peut être considéré comme le poste de commandement. Comme l’illustre cet événement, il paraît utile que le commandant de bord reste dans le poste de pilotage. Il peut ainsi s’appuyer sur les procédures à sa disposition notamment celle « smoke, fire or fumes » et sur son équipage pour s’informer sur la situation dans la cabine.

 

Si cet événement était survenu en vol, l’équipage n’aurait probablement pas quitté le poste. Il semble opportun de s’interroger sur une différence de comportement de l’équipage entre le vol et le sol.

Néanmoins, cet unique événement ne permet pas de conclure sur la stratégie à adopter dans l’ensemble des situations d’urgence pouvant se présenter au sol et en vol.

 

3.2 Evacuation

Le manuel d’exploitation de la compagnie ne prévoit pas l’évacuation de l’avion par les portes d’embarquement. Les termes employés par le commandant de bord lorsqu’il a envisagé l’évacuation était « ici le poste de pilotage, PNC à vos postes ». Ces mots sont ceux associés à la procédure d’évacuation d’urgence et ont pour effet de préparer les PNC à cette éventualité. Le commandant indique 45 secondes plus tard « PNC ici le poste de pilotage, vous faites évacuer les passagers, faites évacuer les passagers par les portes, par les portes uniquement ». Ces termes ne permettent pas de comprendre sans ambigüité que le commandant demande une évacuation par les portes d’embarquement.

Les PNC de la porte 3 étaient dans un contexte de stress important. Ils ont perçu la situation comme critique et ayant un doute sur l’ordre reçu, ils ont décidé de procéder à l’évacuation par les toboggans.

Le commandant de bord ne disposait pas de procédure associée à la stratégie qu’il souhaitait mettre en oeuvre : un débarquement rapide au poste de stationnement. Il a ainsi utilisé une terminologie qui n’était pas parfaitement adaptée à la situation. En l’absence de procédure, les PNC ont eu un doute sur l’ordre reçu et donc des modalités d’exécution. Certaines compagnies ont ainsi défini une procédure dans ce genre de situation.

3.3 Toxicité des fumées

La compagnie a choisi d’utiliser une huile dont la pyrolyse peut générer des gaz toxiques. Ce choix a été effectué sur la base de considération technique et de facteurs humains relatifs à l’activité des mécaniciens. La compagnie n’a pas évalué les conséquences possibles en cas d’échauffement de l’huile par l’APU pour les occupants de l’avion. Il peut être utile de prendre en compte ces aspects dans le cadre d’une étude de sécurité.

 

3.4 Port des protections

L’équipage a été exposé à des fumées qui peuvent être toxiques. La majorité des membres de l’équipage ne se sont pas équipés des protections à leur disposition. Dans le doute, il est nécessaire que les membres d’équipage s’équipent des protections adaptées pour assurer leur mission de sécurité.

3.5 Causes

La fumée en cabine et au poste de pilotage a été générée par la pyrolyse d’huile au niveau de l’APU dans le système de ventilation. La présence d’huile est due à un défaut d’étanchéité d’un joint provoqué par la défaillance d’un roulement à bille de l’APU.

L’équipage de conduite a décidé de débarquer rapidement les passagers. Les PNC situés au niveau des portes 3 n’ont pas compris les intentions du commandant de bord et ont décidé d’effectuer une évacuation d’urgence en ouvrant les issues de secours. Au cours de cette évacuation un passager a été gravement blessé.

 

La terminologie imprécise utilisée par le commandant de bord a contribué à la mauvaise interprétation de l’ordre donné.

L’absence de procédure dédiée à un débarquement rapide a contribué à une terminologie imprécise du commandant de bord et une interprétation erronée par les PNC en porte 3.

 

4 - ACTIONS DE SÉCURITÉ D’AIR FRANCE

L’exploitant a mené une enquête interne à la suite de cet événement dans le cadre de son système de gestion de sécurité. Six actions correctrices ont été définies portant sur :

l’utilisation de la protection respiratoire en cas d’odeur persistante ;

la consolidation des connaissances des personnels navigants sur les moyens d’intercommunication ;

la création d’une procédure de « débarquement de précaution » ;

la difficulté à poser la protection respiratoire ;

la formation des personnels au sol sur l’évacuation d’urgence ;

l’étude des risques liés à la toxicité des odeurs et des fumées provenant des huiles de lubrification.

 

 

(1)L’enregistrement du CVR débute à 22 h 21 min 31.

 

(2)Groupe auxiliaire de puissance