Incident de l'Airbus A330 immatriculé F-GZCJ exploité par Air France survenu le 31/12/2020 en croisière
Fuite de carburant en croisière, déroutement, maintien en fonctionnement des deux moteurs jusqu’au roulage vers le parking
L’Airbus A330 exploité par Air France effectue le 31 décembre 2020 le vol régulier AF735V entre Brazzaville (Congo) et Paris-Charles de Gaulle (France). Le décollage a lieu à 21 h 13.
En atteignant le FL 380, niveau de croisière, l’équipage détecte qu’il manque environ 1,4 tonne de carburant dans les réservoirs. Il surveille l’évolution des quantités carburant. Le commandant de bord quitte le poste de pilotage pour son tour de repos quelques minutes plus tard en demandant aux copilotes de surveiller l’évolution des quantités carburant. Environ vingt minutes plus tard, les copilotes le rappellent car il manque alors environ 2,1 tonnes de carburant.
L’équipage débute la procédure FUEL LEAK puis l’interrompt à la ligne qui prévoit la coupure du moteur du côté de la fuite suspectée (ici côté gauche), en choisissant de maintenir ce dernier en fonctionnement. L’équipage se déroute sur l’aéroport de N’Djamena (Tchad) où il effectue une approche RNAV en piste 23 et y atterrit 1 h 47 après l’identification de la fuite. L’alarme ROPS, avertissant d’un risque de sortie de piste, s’active au moment du toucher des roues. Le PF freine fortement et la température des freins augmente jusqu’à 600 °C.
Les deux moteurs sont maintenus en fonctionnement. L’équipage réalise un demi-tour sur la raquette en bout de piste, puis coupe le moteur 1 (moteur gauche) alors qu’il roule vers le parking. L’équipage immobilise l’avion sur les aires de parking et coupe le moteur 2 . Les pompiers qui s’étaient positionnés à proximité de l’avion depuis l’atterrissage interviennent après la coupure du moteur 2 en dispersant de l’eau sous le moteur 1. Les passagers sont débarqués sans autre incident.
Le vol a duré 2 h 21, et la perte de carburant entre le décollage et la coupure du moteur 2 au parking a été estimée à environ 5,7 t dont 5,3 t en vol.
Un examen du moteur 1 a révélé que la fuite de carburant se situait au niveau de la bride supérieure de la tuyauterie principale de carburant qui assure l’interface entre le mât et le moteur.
Le BEA a émis une recommandation de sécurité concernant le respect des procédures par l’exploitant.
Le BEA émet 1 recommandation de sécurité:
- Recommandation FRAN-2022-011 / Respect des procédures par l'exploitant :
Le BEA recommande que :
• Considérant la récurrence d’enquêtes concernant des événements Air France récemment menées par le BEA qui montrent une adaptation des procédures voire une violation délibérée de celles-ci amenant à une réduction des marges de sécurité ;
• Considérant que la culture juste n’accepte pas les déviations volontaires répétées, les négligences graves et les manquements délibérés ;
• Considérant que les écarts aux procédures détectés en vol ou au travers de la surveillance des données de vol (FDM) peuvent impliquer des actions fortes globales mais aussi individuelles ;
• Considérant que l’autorité de surveillance a indiqué au BEA avoir réalisé des constats comparables au travers de ses contrôles en vol ;
• Considérant que l’exploitant a indiqué au BEA une refonte en cours de son protocole d’analyse des vols dans l’objectif de renforcer le suivi individualisé des équipages ;
• Considérant que l’exploitant a décidé de mener un audit LOSA transverse à partir de l’automne 2022 ;
Air France poursuive et étende, si nécessaire, les actions internes entreprises afin de faire évoluer la culture de sécurité dans le sens d’une valorisation d’une application plus stricte des procédures en vol. Ceci pourrait s’appuyer sur un plan d’action global qui pourrait notamment inclure les sujets suivants :
o l’identification et la gestion individuelle des écarts aux procédures en vol, dans le cadre du FDM et dans un cadre de culture juste ;
o la fourniture aux pilotes d’outils pour rejouer et analyser leurs vols et la promotion de l’utilisation de ces outils ;
o une évolution du manuel d’exploitation afin de limiter les cas de déviations aux procédures à des circonstances exceptionnelles pour lesquelles les procédures sont inapplicables ou clairement inadaptées ;
o l’implication de l’encadrement, des instructeurs et des personnels navigants dans la construction de ces évolutions culturelles.
Le suivi de cette recommandation est en cours
Suivi disponible sur SRIS2: cliquez ici
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Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.