Incident grave de l'Airbus A320 immatriculé SX-BHV exploité par Hermes Airlines survenu le 11/04/2012 près de Lyon
Approche non stabilisée, déclenchements d'alarmes GPWS et MSAW, double pilotage, approche interrompue, de nuit, en instruction
Déroulement du vol
Note : les éléments suivants sont issus de données extraites de l'enregistreur de paramètres (FDR), de l'enregistreur phonique (CVR) et des témoignages de l'équipage.
L'équipage décolle d'Ajaccio (2A) pour un vol à destination de Lyon Saint-Exupéry. Le vol est affrété par la compagnie Air Méditerranée et effectué par la compagnie Hermes Airlines. Le commandant de bord est instructeur, PNF, et assis en place droite. L'élève pilote / commandant de bord est PF et assis en place gauche. Lors de la préparation des moyens de radionavigation au décollage, le PNF insère manuellement la fréquence de l'ILS AC d'Ajaccio dans la page RADIO NAV du pupitre de navigation MCDU (Multipurpose Control and Display Unit) afin de préparer un éventuel demi-tour QRF (Quick Return Flight). Cette fréquence va rester sélectionnée tout au long du vol jusqu'à l'approche. Le vol est réalisé avec le pilote automatique AP1 engagé.
Au cours du vol, l'équipage écoute l'ATIS qui mentionne que l'approche ILS piste 18L est en vigueur. Il programme le système de navigation FMGS (Flight Management, Guidance System) pour cette approche. Alors que l'avion est autorisé sur une arrivée PINED 1, le contrôleur d'approche annonce un vent faible et propose un guidage radar pour une approche ILS sur la piste 36L que l'équipage accepte. Il fait nuit et les conditions météorologiques sont IMC.
Lors de cette arrivée, l'équipage constate des incohérences sur les distances DME (Distance Measuring Equipment) affichées sur le ND (Navigation Display) : le PNF annonce 99 NM et le PF annonce 40 NM(1).
Environ une minute après le début du guidage radar, le contrôleur, qui s'aperçoit que l'avion est haut sur le plan, demande « …forty nautical […] is that OK for you, four zero ? ». L'équipage, programmant le FMGS pour l'approche ILS 36L, répond « Actually we…we'll need to make a thirty six ». Le contrôleur, qui interprète la réponse de l'équipage comme une confirmation d'un atterrissage en piste 36, ne comprend pas que l'équipage souhaite effectuer un virage de retardement de 360°. Il fournit un cap au 315° vers l'axe du localizer de la piste 36L. L'ILS AC d'Ajaccio n'ayant pas été désélectionné, le FMGS ne sélectionne pas automatiquement l'ILS de la piste 36L de Lyon.
Environ trois minutes plus tard (1), le contrôleur donne un cap 270° de façon à rallonger la trajectoire car l'avion est trop haut sur le plan. L'équipage, occupé à résoudre l'incohérence d'affichage de la fréquence ILS et à la suite d'une erreur de collationnement d'un autre équipage, vire une trentaine de secondes plus tard. Un dialogue d'environ deux minutes s'engage entre le PF et le PNF au sujet de l'insertion de l'approche dans le MCDU et de la validité de la fréquence ILS.
Le contrôleur donne un cap 320° afin que l'avion intercepte l'axe du localizer de la piste 36L (2). La fréquence de l'ILS de la piste 36L n'étant pas active, l'avion traverse l'axe sans l'intercepter. Environ 30 secondes plus tard, constatant que l'avion a dépassé l'axe, le contrôleur demande à l'équipage de prendre un cap à droite au 020°, de descendre à 3 000 ft puis l'autorise à l'approche ILS piste 36L. Le PNF collationne et demande au PF d'afficher la fréquence : « Mets la fréquence mets SAN, l'ILS c'est SAN(2) ». La fréquence de l'ILS passe de 110,30 MHz (fréquence de l'ILS d'Ajaccio) à 110,75 MHz (fréquence de l'ILS de la piste 36L de Lyon Saint-Exupéry) (3). L'avion traverse ensuite l'axe du localizer pour la deuxième fois.
Alors que le mode Capture s'engage pour une altitude sélectionnée de 3 000 ft à une vitesse de 240 kt, l'équipage décide de sélectionner une altitude de 400 ft sur son pupitre de commande (FCU) (4)(3), ce qui entraîne une réversion de mode du pilote automatique de ALT* en VS - 1 200 ft/min, vitesse verticale de l'avion à cet instant. Il arme le mode approche et engage le pilote automatique AP 2. L'équipage vire à gauche afin d'intercepter l'axe du localizer, puis l'avion passe sous l'altitude minimale de sécurité radar de 3 000 ft.
Le contrôleur demande à l'équipage s'il a la bonne fréquence de l'ILS. L'équipage confirme.
Alors que l'avion est en configuration lisse à une vitesse de 230 kt et à une altitude de 2 460 ft (hauteur de 950 ft), l'alarme de proximité du sol GPWS (Ground Proximity Warning System) « TERRAIN TERRAIN PULL UP PULL UP » se déclenche (5). L'instructeur intervient seul sur les commandes, met les manettes de poussée dans le cran TOGA (Take-Off-Go Around) et affiche une assiette maximale de 9,5°, sans annoncer la prise de commande. Les pilotes automatiques AP 1 et 2 se désengagent. L'avion étant en configuration lisse, le mode SRS (Speed Reference System) ne s'engage pas et ne donne pas à l'équipage les ordres à cabrer attendus qui correspondraient à la manœuvre d'évitement en cours. Les modes de guidage vertical et horizontal VS -1200 et HDG sont toujours actifs(4). Alors que l'assiette de l'avion atteint 9°, l'instructeur donne des ordres à piquer.
En réaction à une alarme d'altitude minimale de sécurité MSAW (Minimum Safe Altitude Warning) se déclenchant quelques secondes plus tard, le contrôleur annonce : « you maintain 2 500 ft, you are too low, you are below the glide » et demande à être rappelé quand l'avion sera établi sur le plan. L'avion est à 2 420 ft en montée. L'instructeur poursuit les ordres à piquer tout en convergeant vers l'axe du localizer et accuse simultanément réception du message. Il cherche probablement à stabiliser l'avion à l'altitude de 2 500 ft. Les ordres à piquer sont maintenus pendant une vingtaine de secondes. La manette de poussée est positionnée dans le cran CLIMB. L'équipage à cet instant attend les ordres du contrôleur pour monter. La vitesse conventionnelle augmente fortement et l'avion se remet en descente jusqu'à une altitude de 2 150 ft. A 320 kt et à une hauteur de 900 ft (6), les manettes de poussée sont positionnées sur le cran IDLE. A cet instant, une seconde alerte MSAW se déclenche. Le contrôleur intervient de nouveau : « …check your altitude immediatly, you are too low ».
Quelques secondes plus tard, l'élève, en place gauche, actionne le mini-manche à cabrer pendant une dizaine de secondes tandis que l'instructeur donne un ordre inverse. L'alarme sonore et visuelle DUAL INPUT se déclenche pendant une minute. Au cours de cette phase de double pilotage manuel, le PNF continue de communiquer avec l'ATC et demande un guidage radar pour l'interruption de l'approche. Les communications, faisant probablement référence à la prise de commande, sont confuses « PF : « [laisse le, laisse le] », PNF : « [prends le toi] », PF : « [J'ai les commandes, 5 000 ft, laisse le, 5 000…. ;] ». Le contrôleur demande à l'équipage de monter vers 5 000 ft (7). Parallèlement aux actions à cabrer de l'instructeur, l'élève donne des ordres à piquer. Pendant cette période l'avion remonte. L'équipage positionne les manettes de poussée dans le cran CLIMB.
L'alarme DUAL INPUT s'arrête. L'instructeur en place droite reprend alors les commandes. Le pilote automatique AP 2 est engagé (8).
Les paramètres de l'avion se stabilisent. Une seconde approche est réalisée et l'équipage atterrit sur la piste 36L.
(1)La fréquence de l'ILS DME active à cet instant est celle d'Ajaccio (AC 110,30 MHz), insérée par l'équipage lors du décollage. Le DME reçu à cet instant est celui de Marseille (ML), de même fréquence, distant d'une centaine de milles marins.
(2)[..] Traduit de la langue grecque, langue maternelle des deux membres d'équipage.
(3)Altitude inférieure à l'altitude du seuil de piste.
(4)Le mode commun de guidage GA ne peut s'engager que si la manette de commande des volets est au moins positionnée dans le cran 1.