Incident grave de l'Airbus A340-313E immatriculé F-GLZU et exploité par Air France le 11/03/2017 à Bogota [Enquête déléguée au BEA par GRIAA / Colombie]
Décollage anormalement long
Le 11 mars 2017, l’Airbus A340 immatriculé F-GLZU et exploité par la compagnie Air France effectue le vol AF423 depuis l’aéroport de Bogota Eldorado (Colombie) à destination de Paris CDG (France) dans le cadre d’un vol de transport commercial de passagers. Sont à bord 268 passagers et 13 membres d’équipage. Le Commandant de bord (CdB) est le pilote en fonction (PF) sur cette étape.
Le décollage est réalisé de nuit sur la piste 13R d’une longueur de 3 800 m et dotée d’un prolongement dégagé (CWY) de 300 m. À 23 h 54 min UTC, l’équipage effectue une mise en poussée à 50 % sur freins puis le décollage est réalisé à pleine poussée (TOGA).
Le CdB initie la rotation lorsque la vitesse conventionnelle atteint la vitesse de rotation (VR). L’avion est à 2 760 m du seuil 13R. Le taux de rotation de l’avion est faible. Les trois membres d’équipage indiquent avoir entendu l’alarme audio « PITCH PITCH ». Les trains principaux quittent le sol alors que l’avion est à 140 m du seuil de piste opposé.
L’avion passe le seuil piste opposé à 6 ft, détecté au radio-altimètre (RA). La fin du CWY est franchie à la hauteur de 20 ft RA. La vitesse est V2 + 9 kt. L’avion passe 12 ft au-dessus des antennes ILS (premier obstacle).
La montée est ensuite poursuivie sans autre particularité et les marges réglementaires de franchissement des obstacles sur la trajectoire de montée du second segment sont respectées.
L’enquête a montré que l’incident grave a résulté d’ordres à cabrer insuffisants du PF qui ont allongé la distance de décollage de 424 m par rapport à la distance de décollage théorique certifiée augmentée des marges de sécurité réglementaires dans les conditions opérationnelles du jour. Ceci a eu pour conséquence d’augmenter significativement le risque de sortie longitudinale de piste ou de collision avec des obstacles.
Dans les conditions de l’incident grave, un ordre à cabrer initial puis maintenu à la valeur typique recommandée par le FCTM (2/3 de débattement arrière) n’était pas suffisant pour atteindre le taux de rotation de 3°/s, taux de rotation retenu dans le modèle de performance certifié, également mentionné dans le FCTM.
Avant cet événement, la différence entre les taux de rotation obtenus en opérations et celui pris en compte dans les calculs de performance n’avait pas été identifiée par les opérateurs d’Airbus A340-300, en raison de l’absence de compte rendu d’équipages et de surveillance des performances au décollage lors des analyses de vol.
Durant l’enquête, les opérateurs Air France et Lufthansa, le constructeur Airbus et l’autorité de certification, Agence Européenne de la Sécurité Aérienne (AESA) ont adopté des mesures de sécurité qu’ils ont communiquées au BEA.
Sur la base de l’enquête de sécurité et en tenant compte de ces mesures de sécurité, le BEA a adressé sept recommandations de sécurité à l’AESA. Ces recommandations portent sur :
- la certification des performances au décollage ;
- la gestion des risques liés aux décollages longs ;
- les programmes d’analyse des vols.