Incident grave de l'ATR 72 immatriculé F-ORVS exploité par Air Tahiti survenu le 04/04/2022 à Atuona
Approche non stabilisée, cisaillement de vent, actions de pilotage simultanées et opposées, atterrissage dur, interruption de l’atterrissage
À la demande de l’équipage de l’ATR72 exploité par Air Tahiti qui s’apprête à décoller vers l’aérodrome d’Hiva-Oa-Atuona, l’agent AFIS de l’aérodrome de Nuku-Hiva, où l’équipage est en escale, a indiqué que le vent à l’aérodrome de destination provenait de l’est en altitude et variait significativement en direction et en intensité au sol. L’équipage a prévu de réaliser l’approche RNP pour la piste 20 en raison d’une composante de vent arrière annoncée en piste 02 préférentielle.
Durant la croisière, l’équipage a contacté à plusieurs reprises l’agent AFIS d’Hiva-Oa-Atuona pour obtenir des informations actualisées de vent. L’agent AFIS a précisé que la direction était toujours variable et la composante de vent arrière en piste 02 toujours présente. L’équipage a confirmé son choix d’atterrir en piste 20. En approche RNP20, l’équipage a choisi de majorer la vitesse d’approche, compte tenu d’une atmosphère turbulente dès le passage du trait de côte et sous le vent du relief. Le copilote, alors PF, est parvenu à maintenir la trajectoire, au prix d’une activité importante et de grande amplitude aux manettes de puissance. Cependant, cette activité n’a pas permis d’éviter des écarts significatifs en Vz et en IAS, par rapport aux critères de stabilisation. Cette situation a été perçue par l’équipage comme habituelle dans ces conditions de vent pour cette approche.
Vers 200 ft de hauteur, pour réduire la vitesse, le copilote a diminué la puissance des moteurs vers le ralenti vol. Passant 90 ft de hauteur, la vitesse indiquée de l’avion a diminué brutalement en raison d’un cisaillement de vent, et le taux de descente a augmenté. Cette variation a conduit le CdB à demander au copilote d’augmenter la puissance tandis que l’avion survolait le seuil de la piste 20. Le temps nécessaire pour contrer les effets du cisaillement du vent, à partir du régime ralenti vol, était supérieur à celui d’un régime stabilisé. Lorsqu’il a perçu l’enfoncement de l’avion, le CdB (PM) a appliqué une action à cabrer au manche, simultanément avec le copilote. Cette action réflexe, non annoncée, a surpris le copilote qui a probablement considéré que son action à cabrer avait été inadaptée. Ceci l’a amené à appliquer une action opposée. Le CdB a augmenté de son côté son effort à cabrer, ce qui a conduit au découplage des gouvernes de profondeur.
Moins d’une seconde après, les roues des trains d’atterrissage principaux ont touché durement la piste. L’avion a rebondi et le CdB a annoncé une remise de gaz. Il a alors annoncé au copilote qu’il prenait les commandes. Au même instant, l’alarme Master Warning « Pitch disconnect » s’est déclenchée. Le copilote et le CdB ont continué d’exercer des actions simultanées pendant onze secondes.
Après analyse de la situation et coordination, l’équipage a décidé d’effectuer une approche à vue en piste 02. L’atterrissage s’est déroulé normalement.
Le BEA émet deux recommandations de sécurité:
- Recommandation FRAN-2025-005 & FRAN-2025-006 / Niveaux de services météorologiques d’aérodrome
Le BEA recommande que :
- considérant la faible disponibilité d’informations météorologiques fiables et précises lors de la préparation des vols puis en vol ;
- considérant le risque que représente une approche réalisée en tenant compte d’informations météorologiques non certifiées, peu fiables ou imprécises ;
- considérant les risques accrus que présente la desserte de certains aérodromes, notamment en raison de leurs spécificités aérologiques ;
- considérant les dispositions règlementaires applicables quant à la diffusion d’informations météorologiques par les services ATS aux pilotes d’aéronefs ;
- considérant les dispositions règlementaires applicables aux exploitants d’aéronefs relativement à la préparation du vol, notamment l’accès aux aérodromes de destination et de dégagement ;
- considérant que des informations météorologiques de meilleure qualité pourraient être utilisées pour concevoir des trajectoires d’approches IFR plus adaptées aux spécificités locales ;
la DGAC, en coordination avec Météo-France, s’assure de la fourniture sur les différents aérodromes de Polynésie française d’un niveau de service météorologique adéquat, permettant une exploitation sûre et règlementaire des vols commerciaux interîles. [Recommandation FRAN-2025-005]
Dans l’attente de la mise à niveau du service météorologique sur les aérodromes de Polynésie française, la DAC s’assure que les équipages, à qui sont transmis les paramètres météorologiques provenant d’installations non certifiées par Météo-France, soient bien informés que les valeurs de ces paramètres ne sont pas validées. [Recommandation FRAN-2025-006]
Le suivi de ces recommandations est en cours.
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Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.
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