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Incident grave survenu à l'Embraer EMB145 immatriculé F-HYOG exploité par Amelia International le 20/10/2022 à Paris-Orly (94)

Approche non stabilisée, atterrissage long, sortie longitudinale de piste

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

Après avoir conduit un briefing « approche » avec une prise en compte partielle des menaces liées aux orages prévus dans l’ATIS, l’équipage a commencé la descente vers l’aéroport Paris-Orly.

Pendant la descente, l’équipage n’a pas réussi à se mettre d’accord sur la stratégie d’évitement des cellules orageuses. La répartition des rôles entre le PF et le PM ainsi que la prise de décision et la conscience partagée de la situation se sont progressivement dégradées. Le PM (CDB) a pris l’initiative sur les demandes du PF et les décisions relatives à la conduite de l’approche. Par la suite, il a agi sur certaines commandes sans coordination préalable avec le PF, entraînant une dégradation de sa propre capacité à exercer efficacement son rôle de PM.

Peu avant la capture simultanée du plan et de l’axe de l’ILS, l’avion est arrivé rapidement, avec une vitesse dépassant de plus de 60 kt celle préconisée pour l’interception du plan, et selon une trajectoire raccourcie. Ces facteurs ont conduit à la traversée de l’axe de l’ILS.

Le PF a rapidement corrigé la trajectoire horizontale au détriment de la trajectoire verticale. L’avion s’est retrouvé au-dessus du plan de descente. La sélection d’un cap par le PF sans l’annoncer a entraîné une réversion du mode de guidage qui a surpris le PM. Le PM a ensuite improvisé une procédure de rattrapage du plan de descente par le dessus ; cependant, ni la vitesse verticale choisie ni l’altitude sélectionnée ne permettaient de revenir sur le plan de descente nominal. Au cours de cette phase, la vitesse de l’avion, supérieure à la VFE, ne permettait pas la sortie des volets 22°, recommandée avant la capture du plan de descente. Le train d’atterrissage a néanmoins été sorti, et la sortie des volets 22° (demande et action) a finalement été oubliée. Ce n’est qu’après une phase de pilotage manuel par le PF que l’avion est revenu sur le plan de descente vers une altitude de 1 500 ft. Cette phase d’interception de l’axe et du plan de l’ILS, rapide, non préparée et peu coordonnée, a considérablement augmenté la charge de travail de l’équipage, ne lui permettant plus d’avoir une bonne conscience de la situation, de l’énergie de l’avion et de sa configuration.

Peu avant d’avoir atteint la hauteur de 1 000 ft AAL, le PM a décidé qu’ils atterriraient avec les volets 22°, même si les volets 45° avaient été décidés lors du briefing « approche » et confirmés 45 s plus tôt. La vitesse de l’avion dépassait de plus de 35 kt la VFE des volets 45°.

À 1 000 ft AAL, la stabilisation n’a pas été mentionnée alors que quatre des neuf critères de stabilisation n’étaient pas acquis : la vitesse était supérieure de 45 kt à la VAPP, l’avion n’était pas configuré, la poussée des moteurs n’était pas stabilisée et la check-list « avant atterrissage » n’avait pas été effectuée. Le PM n’assurait plus sa fonction de surveillance, occupé à d’autres tâches liées à la gestion du vol et au changement de stratégie. Le PF était très concentré sur le pilotage dans la turbulence et l’averse de pluie. Lors de la clairance d’atterrissage, l’équipage n’a pas intégré la composante de vent arrière de 8,5 kt.

Aucun écart n’a été annoncé par le PM en courte finale. Ce dernier a par ailleurs invité le PF à poursuivre, en l’encourageant. Cela a pu inciter le PF à écarter la possibilité d’une interruption de l’approche. Pendant l’approche finale, la direction du vent est passée de sud à sud-est puis est, avec une force de l’ordre de 25 kt. L’équipage n’a pas détecté ce changement de vent. À une hauteur d’environ 240 ft AAL, une alerte visuelle et sonore TAWS a été émise en raison de la configuration des volets erronée. Les deux membres d’équipage indiquent ne pas avoir perçu cette alerte. Cependant, deux secondes plus tard, le PM s’est aperçu de l’oubli et a sorti les volets 22° en l’annonçant au PF, annonce non perçue par ce dernier.

L’effet aérodynamique lié à la sortie des volets dans l’effet de sol, la vitesse de l’avion supérieure de 30 kt à la vitesse de référence au passage du seuil et le vent arrière de près de 20 kt ont conduit à un atterrissage long, à 1 150 m du seuil de piste, au-delà de la zone de toucher des roues. Bien que conscient que cet atterrissage était long, le PM n’a pas ordonné l’interruption de l’atterrissage. Compte tenu de la dernière information d’état de piste (mouillée glissante, freinage bon), il a considéré que la longueur de piste était suffisante. L’équipage avait prévu de dégager la piste au bout de la piste.

Dans les faits, la zone située à mi-piste était contaminée par une eau stagnante de 4 à 5 mm d’épaisseur à la suite de l’orage passé quelques minutes plus tôt, alors que l’avion était en approche finale. L’avion a subi un phénomène d’aquaplanage à l’atterrissage. Aucun élément ne permettait à l’équipage de connaître l’état de piste réel. L’équipage était insuffisamment préparé à la survenue d’une dégradation des conditions pour l’atterrissage, en présence des orages. L’avion est sorti longitudinalement de la piste à haute vitesse et s’est immobilisé à environ 450 m de l’extrémité de la piste 25, et 50 m à droite de l’axe de piste.