Accéder au contenu principal

Incident grave du Vulcanair / Partenavia P68 immatriculé EC-MPP survenu le 07/07/2018 à Moulins-Montbeugny (03)

Intoxication au monoxyde de carbone en croisière

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

Note : Les informations suivantes sont issues principalement du témoignage du pilote et de l’atelier de maintenance. Ces informations n’ont pas fait l’objet d’une validation indépendante par le BEA.

1 - Déroulement du vol

Le pilote, accompagné d’un opérateur photo, décolle en VFR vers 9 h 10 de l’aérodrome de Moulins-Montbeugny à destination de Colmar-Houssen (68).

Le pilote indique que pendant la montée initiale, cinq à six minutes après le décollage, la plaquette de détection de monoxyde de carbone (CO) vire au noir[1]. Elle se décolore ensuite vers une couleur marron pendant le reste de la croisière. Les écopes latérales du parebrise sont ouvertes pour ventiler la cabine en air frais et une surveillance mutuelle est instaurée jusqu’à destination.

Avant l’arrivée, alors en contact radio avec Bâle Information, le pilote signale au contrôleur son intention de quitter la fréquence pour passer sur celle de la tour de Colmar. Le contrôleur lui répond qu’il a auparavant essayé par trois fois de lui demander de changer de fréquence sans obtenir de réponse de sa part. L’opérateur, élève-pilote à l’époque de l’incident, confirme n’avoir rien entendu non plus.

Une fois au sol, après avoir avitaillé l’avion en carburant, le pilote et l’opérateur indiquent avoir été pris de maux de tête, de vertiges et de nausées avec de la difficulté à se concentrer.

Aux urgences, le pilote et l’opérateur ont été mis sous oxygène pendant trois heures. Le médecin de l’hôpital a émis un constat d’accident du travail avec un arrêt de travail de 48 h.

2 - Renseignements complémentaires

2.1 Renseignements sur le pilote

Le pilote est titulaire d’une licence de pilote commercial CPL (A) délivrée en 2015. Il indique détenir au jour de l’incident une expérience totale de 490 heures de vol dont 80 sur P 68 et 80 dans les trois mois précédents. Il est également titulaire de la qualification IRME (A). Il détient un certificat médical de classe 1, délivré en 2018.

2.2 Recherches sur l’avion

Une première observation visuelle des moteurs[2] par le personnel de l’atelier de maintenance n’a révélé ni défaut, ni fuite, ni trous sur les systèmes d’échappement.

Lors d’un premier vol de test afin de rechercher le taux[3] de CO dans la cabine, celui-ci a été mesuré à 200 ppm.

Après le premier vol de test, le SB[4] n° 257 (voir le § 2.3), émis le 4 juin 2018 à la suite de l’incident grave du P 68 immatriculé F-HVEY[5] ayant subi une contamination au CO en vol le 10 avril 2018, a été appliqué.

Lors du deuxième vol de test, le taux de CO est dans un premier temps de 50 ppm dans toutes les configurations de vol.

Après trente minutes de vol, le taux passe brusquement à 250 ppm au niveau du tableau de bord puis au-delà de 2 000 ppm du côté droit. Une fuite entre l’échappement du moteur droit et l’échangeur du système de chauffage[6] est alors suspectée. Après une inspection du pot d’échappement avec un endoscope, aucun défaut apparent n’est constaté.

Après la neutralisation du système de chauffage du côté droit, lors du troisième vol de test, le taux de CO est au maximum de 10 ppm[7] au sol et de 4 ppm dans toutes les configurations de vol.

Après la dépose du pot d’échappement, des traces de fuite difficilement détectables sont alors observées à l’extrémité arrière. Les soudures de ce secteur s’avèrent poreuses.

Après le changement du pot d’échappement et le remontage du système de chauffage côté droit, lors du quatrième vol de test, le taux de CO est confirmé entre 10 et 4 ppm dans toutes les configurations du vol de test avec ou sans chauffage en fonctionnement.

2.3 Mesures prises par le constructeur 

Le 23 mai 2018, la lettre service SL n° 52 a été diffusée à tous les exploitants pour les informer de « veiller à sceller opportunément la trappe photo (si ce système n’est pas monté), à l'intérieur de la cabine, située entre les cadres de fuselage n°6 et 8, et de plus à laisser libre toutes les ouvertures d'aération présentes à l'intérieur de l'avion, afin d'éviter tout accès possible de monoxyde de carbone à l'intérieur de la cabine et garantir sa ventilation correcte ».

Le 4 juin 2018, le service bulletin SB n°257 a été publié.

Il informe aux exploitants que « Vulcanair a été informé de la contamination au CO d'un petit nombre d'appareils de l'ensemble de la flotte aérienne.

La contamination de la cabine par le CO a été causée par un mauvais état d'entretien de l'avion lié à des conditions inadéquates d'étanchéité de la cabine et de la cloison pare-feu, et/ou par des fissures ou des trous ou des composants mal fixés dans le système d'échappement, qui contaminent l'air dans la cabine.

En raison de ce qui précède, Vulcanair recommande de maintenir l'avion toujours en bon état et recommande également la réalisation de ce bulletin de service en fournissant l'information pour améliorer la prévention de la contamination au CO de la cabine en installant des kits de protections supplémentaires afin d’améliorer l’étanchéité de la cabine ».

3 - Enseignements et conclusion

Même si un problème ponctuel de transmission n’a pu être totalement écarté, le non-collationnement du pilote ou de son opérateur aux trois messages du contrôleur de Bâle Information est probablement dû à une intoxication au monoxyde de carbone.

L’intoxication en vol du pilote et de son opérateur est due à une fuite de gaz du pot d’échappement du moteur droit qui a pollué la cabine de l’avion par l’intermédiaire de l’échangeur du système de chauffage. Cette fuite était difficilement détectable lors des opérations de maintenance. La non application des modifications recommandées dans le SB n° 257 a pu contribuer à aggraver le niveau de pollution.

La présence dans le cockpit d’un détecteur de CO et sa vérification par le pilote ont probablement permis d’atténuer les conséquences de l’incident.

L’utilisation à bord d’un système de détection doit inciter le pilote à atterrir dès que possible quand une pollution est détectée.

 


[1] Le dos du détecteur mentionne trois couleurs : jaune = normal ; vert = attention, aérez ; bleu nuit = danger, évacuez.

[2] Les moteurs ont une alimentation atmosphérique.

[3] À titre indicatif, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a défini des valeurs de référence considérées comme inoffensives en fonction de la durée d’exposition : 26 ppm pendant 1 h ; 52 ppm pendant 30 min ; 90 ppm pendant 15 min. Des maux de tête, vertiges et nausées apparaissent à partir de 200 ppm. Une exposition de 1 000 ppm tue en une heure. 

[4] Un SB n’a pas de caractère obligatoire. 

[6] Le système de chauffage sur ce modèle P68 Victor est de type classique avec un échangeur d’air chaud au niveau de chaque moteur contrairement au système électrique monté sur le P68 TC (F-HVEY) de l’incident grave du 10 avril 2018.

[7] Le taux est toujours plus élevé au sol qu’en vol à cause de l’écoulement moins laminaire des gaz autour de l’avion lors des évolutions au sol.